Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe en la fête de la Translation de Saint Dominique au couvent Saint-Jacques

Mercredi 24 mai 2023 - couvent Saint-Jacques (Frères Dominicains) (Paris 13e)

– Translation de Notre Père Saint Dominique

- Mt 28,16-20
D’après transcription

Ce que nous lisons au Livre des Actes des Apôtres, l’un des sommaires de ce début du Livre qui décrit ce que cherche à vivre une communauté chrétienne, renouvelée, transformée, habitée par la présence du Seigneur, c’est d’abord l’enthousiasme des débuts, la multitude de ceux qui avaient adhéré à la foi. On les voit tout à fait pris dans une atmosphère, que l’on peut juger extraordinaire, que l’on peut juger excessive peut-être, mais c’est l’atmosphère et l’enthousiasme des débuts. Et il y a ensuite quelques signes : c’est la puissance de la parole des apôtres dans leur annonce de ce que Jésus a fait, de la Résurrection de Jésus, puissance de la parole, puissance de l’amour du Christ qui les transporte et qui fait que cette grâce, qu’ils ont reçue, ils sont capables d’en être des témoins. Et enfin, troisième caractéristique : la force de l’engagement de ces apôtres, la capacité à se laisser complétement transformer, la capacité à vivre profondément le partage, à vivre complétement l’engagement généreux de la foi et de la charité, au bénéfice des frères, au bénéfice de ceux à qui la charité du Christ veut s’adresser.

A chaque fois que, dans l’Église, on doit réformer un certain nombre de choses, parce que la tiédeur s’est installée, parce que la prudence excessive a gagné le propos et l’attitude de chacun et de l’Église tout entière, parce que les craintes de bousculer trop la vie des uns et des autres, bousculer la vie des frères, bousculer la vie du monde, se sont installées… à chaque fois que l’on a voulu réformer l’Église on a fait référence, d’une certaine façon, à cette énergie des commencements. On s’est tourné de nouveau vers l’expérience des débuts, on a cherché à retrouver et l’enthousiasme des débuts, et la puissance de la parole qui convertit, qui transforme, et aussi la générosité même de l’engagement : repartir du Christ, repartir de sa parole, repartir du don de lui-même, de sa générosité jusqu’au don de sa vie qui introduit dans la vie définitive.

Repartir de l’enthousiasme du début c’est aussi - et vous le savez bien - ce que Dominique a cherché à faire, ce qu’il a vécu dans des moments de troubles de l’Église, dans des moments de troubles aussi de la vie sociale. Il n’a pas cherché à le faire pour cultiver une originalité mais pour répondre à un appel qu’il percevait, un appel que la situation du monde et de l’Église rendait extrêmement urgent. C’est au point de départ, avec sa générosité, la découverte dans le midi de la France d’une région complétement infestée d’une hérésie qui semait le malheur, qui rendait la vie misérable, défaisait la société et la rendait aussi peu vivable que possible. La cause en était l’absence de tout espoir dans la miséricorde, l’absence de foi en cette miséricorde de Dieu. Mais Dominique se sentait appelé à compter d’une part sur la prière des sœurs de Prouilhe et à compter plus particulièrement encore sur son engagement au service du Seigneur, sur la parole délivrée en son nom et sur la générosité déployée dans son propre cheminement, la générosité de sa propre action. Alors il a pu ainsi repartir du Christ, comme il a été dit dans la finale de Matthieu que nous venons d’entendre : aller, partir, aller à la rencontre, se mettre sur les chemins et faire comme le Seigneur l’a demandé.

Faire des disciples, cela signifiait déjà pour lui ne pas attirer à sa propre parole, ne pas attirer à sa propre personne mais être capable de savoir qu’il y a un seul maître vers lequel il devait chercher à tourner les regards, à rendre présente l’expérience de la vie avec le Christ : l’expérience du baptême, l’expérience sacramentelle. Faire des disciples, cela exigeait de faire en sorte que cette parole ne soit pas simplement une parole extérieure, une parole éventuellement idéologisée, une parole qui ne serait que conceptuelle, mais une parole vivante qui met en relation. L’expérience sacramentelle est bien celle-là, qui rend d’abord chacun présent à celui qui est tout à fait présent. C’est cette expérience que nous vivons de savoir que le Seigneur se rend présent à chacun, à chaque époque, et qu’il n’est pas simplement une référence mais une expérience vécue au quotidien.

Et puis ensuite, seulement, vient la nécessité de respecter, de garder les commandements : la vie de relation avec le Seigneur est première, elle se traduit ensuite dans une façon de vivre, de vivre l’Évangile comme l’expression de cette relation vivante avec le Seigneur. A chaque époque où il a fallu réformer l’Église, cela s’est fait autour de la sainteté, c’est-à-dire de l’expérience vécue avec le Christ pour lui ressembler, de l’expérience vécue avec celui qui est bien plus présent que n’importe qui d’autre. C’est cette expérience-là que Dominique a cherché à vivre et à faire vivre et que chacun d’entre nous, chacun d’entre vous, cherchons, cherchez à vivre et à faire vivre autour de nous. C’est bien ce que vous, comme amis, compagnons, frères et sœurs de Dominique, vous voulez vivre pour garder vivante cette relation en vous avec le Seigneur, la faire partager, la faire vivre comme une relation vivante et toujours actuelle.

C’est ce que vous cherchez, c’est - dans les circonstances présentes de l’Église - la seule recherche valable que nous ayons à faire. Elle est autour de cette façon d’être avec le Christ, elle est autour de cette expérience ecclésiale, elle est autour de cette expérience sacramentelle déjà entrevue à travers l’accueil de la parole de Dieu. C’est tout cela que vous voulez vivre, c’est tout cela que, je l’espère, l’Église tout entière cherche à vivre, et en union avec elle l’Église diocésaine de Paris : c’est ce que de façon très forte je désire, je crois, et j’espère avec vous.

Ensemble nous pouvons exprimer, avec la grâce de Dieu et la certitude de sa miséricorde pour chacun d’entre nous et pour tous les pécheurs, la présence vécue du Seigneur dans notre façon d’être avec lui, qui est présent pour toujours avec nous.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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