Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe d’action de grâce pour la Clôture de l’enquête diocésaine pour la cause en canonisation de Paulin Enfert à Sainte-Anne de la Butte-aux-Cailles

Mercredi 5 juillet 2023 - Sainte-Anne de la Butte-aux-Cailles (13e)

 13e Semaine du Temps Ordinaire – Année A

- Gn 21, 5.8-20 ; Ps 33 (34), 7-8, 10-11, 12-13 ; Mt 8, 28-34
D’après transcription

Nous venons d’entendre deux récits qui ont quelque chose de commun, et quelque chose de commun qui nous paraît malheureux d’une certaine façon. C’est cette façon dont le premier récit, tiré du Livre de la Genèse, évoque l’enfant d’Abraham qui est né de la servante. Et c’est la femme légitime qui demande que soit chassée cette servante avec son fils, pour que lui seul bénéficie de la promesse de Dieu : Isaac, lui par qui Abraham est devenu le père d’une multitude de croyants. Nous sommes évidemment plus choqués aujourd’hui qu’autrefois d’une telle exclusion, et nous nous demandons ce qu’elle vient faire dans un récit biblique.

Voici que l’évangile d’aujourd’hui, de manière coïncidente, évoque aussi une façon de chasser quelqu’un du territoire, et là c’est Jésus qui est chassé, parce qu’il a fait du bien à des malades. Il a permis à des gens, qui étaient si agressifs, de retrouver paix et bon sens en chassant les esprits qui étaient en eux dans ce troupeau de porcs. Mais voilà que cela ne plaît pas - on le comprend - à la population de la ville voisine. Et Jésus est chassé, comme a été chassé l’enfant de la servante dans le premier récit.

Que tirer d’autre que ceci : les manières de Dieu ne sont pas les nôtres. Spontanément, nous sommes mus par une sagesse qui consiste à éloigner le mal de nous, ou à garder le bienfait pour nous. Et voilà que, dans deux cas, Dieu d’une part, comme le Père à travers Jésus, suggère qu’il a d’autres façons de faire que celles qui sont les nôtres spontanément. Il a une autre sagesse qui consiste à réintégrer, dans un seul peuple, tous ceux qui sont aimés de Lui. Et à faire bénéficier de sa promesse tout homme, quel qu’il soit, dans quelques situations qu’il soit. Bien sûr, en entendant ces deux lectures, nous comprenons comment Dieu agit d’une autre façon que la nôtre : il nous invite à transformer nos façons de vivre et à devenir tellement accueillant à sa promesse que nous voulions la partager avec bien d’autres qui ne sont pas de notre peuple, apparemment. Quand nous entendons cela et que nous venons d’honorer la mémoire de Paulin Enfert, en la présentant à l’Église pour qu’il soit - s’il agrée au Seigneur - un jour béatifié, peut-être canonisé, quand nous faisons cette démarche, aujourd’hui, et que nous accompagnons cette démarche de la prière de l’eucharistie, de l’action de grâce de l’eucharistie en pleine semaine, nous manifestons là que nous essayons nous-mêmes de retenir la leçon de Paulin Enfert qui est celle de la façon de vivre que Dieu souhaite pour nous.

Paulin Enfert au milieu de ce quartier - j’allais dire au milieu de vous, au milieu de nous, aujourd’hui - nous dit : la façon de Dieu n’est pas notre façon spontanée, l’ouverture à tous n’est pas ce vers quoi nous nous dirigeons de façon naturelle, mais l’ouverture à tous est bien l’œuvre de Dieu en nous, par laquelle nous sommes peu à peu convertis, comme lui-même, Paulin Enfert, l’a été. A travers les multiples œuvres que nous connaissons de lui - et que je ne vais pas citer parce que je risque d’en oublier, tellement il a été à l’origine de bienfaits multiples dans ce quartier et aussi à Gien dans le Diocèse d’Orléans - à travers ses œuvres multiples, il nous dit qu’il était toujours sur la brèche pour répondre à un besoin nouveau, pour répondre à un appel différent du précédent, à une autre sollicitation, pour que la promesse de Dieu s’accomplisse. Et elle se réalise au bénéfice de la multitude, simplement figurée à l’intérieur d’un quartier, ici un quartier de la ville de Paris, et un quartier aussi de Gien, à quelques dizaines de kilomètres d’ici : il y prenait du repos, normalement, mais, finalement, il se remettait à d’autres œuvres.

Alors, nous sommes bien instruits, à la fois par les lectures que nous venons d’entendre et par l’exemple de Paulin Enfert, qui vous marque, qui nous marque tous, par sa haute figure devant laquelle nous ne savons que rester humbles, accueillant la grâce qui lui a été faite.

Tout à l’heure, j’ai cité ce propos d’une personne qui a été marquée par lui et qui a dit : il s’est ingénié, il a mis la grâce de Dieu pour fabriquer sa vie en ne s’occupant que de celle des autres. C’est évidemment un bel hommage qui lui est rendu, mais c’est surtout un bel hommage qui est rendu à l’action de Dieu en lui, dont nous sommes, aujourd’hui, bénéficiaires et tributaires.

Que le Seigneur nous vienne en aide pour percevoir comment nous ne rendons pas un hommage à un homme du passé mais nous faisons action de grâce pour l’œuvre de Dieu qui s’accomplit, encore aujourd’hui, à travers ce que lui a commencé à faire. Nous rendons grâce et nous demandons au Seigneur, non seulement qu’Il accompagne ces lourds dossiers qui vont être travaillés pendant des années pour aboutir, peut-être un jour, à cette béatification que nous espérons, mais pour que, n’oubliant jamais cela, priant pour que cela arrive, nous sachions nous laisser transformer nous-mêmes pour vivre de la façon dont le Seigneur nous invite à vivre, et non pas de la façon trop humaine dont, spontanément, nous sommes toujours capables de vivre sans écouter de Dieu.

Que la parole de Dieu nous convertisse, c’est ce que nous demandons maintenant.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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