Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe de rentrée de la Faculté Notre-Dame à Saint-Etienne du Mont

Lundi 18 septembre 2023 - Saint-Etienne du Mont (5e)

 Voir l’album-photos de la rentrée de la Faculté Notre-Dame.

– 24e Semaine du Temps Ordinaire – Année A

- 1 Tm 2,1-8, Ps 27,1-2.7-9 ; Lc 7,1-10

Il est heureux que nous entendions ces deux lectures, tirées du Nouveau Testament, à l’ouverture de cette année universitaire. Elles n’ont pas l’air d’être directement branchées sur la vie étudiante, sur la vie de la théologie, la recherche, mais elles nous inspirent cependant. Et voici comment je crois qu’elles nous inspirent tout particulièrement.

D’abord, l’invitation de l’apôtre à prier pour tous les hommes, à prier pour les chefs d’État et les responsables des nations, ceux qui exercent l’autorité. Cela ne peut pas être bien loin de notre propos, de penser que faire de la théologie ancrée dans une attitude d’écoute et de recherche de la vérité, ne se fait pas sans penser à tous ceux pour qui le travail que nous produisons sera fait, à tous ceux pour qui le travail de la théologie peut permettre d’entrer dans la vérité de Dieu et de l’Évangile, à prier pour tous les hommes que le Christ est venu sauver. C’est une attitude évidemment fondamentale de se souvenir que la théologie se fait à genoux, que la théologie se fait prière, que la théologie n’est pas un exercice intellectuel - même s’il y a quelque chose de cela – mais qu’elle se fait avec le sentiment que c’est la parole mise à la disposition de nos contemporains qui est en jeu, et que c’est pour que soit mieux comprise cette parole pour les hommes et les femmes d’aujourd’hui, pour lesquels nous prions puisque leur salut ne nous appartient pas, mais nous sommes des vecteurs de ce que le Seigneur veut pour eux. Il nous demande d’être des signes de Lui, et principalement dans la prière pour eux.

Que la prière s’adresse aussi au Seigneur en faveur de ceux qui exercent l’autorité indique clairement que nous sommes, dans toute époque de l’histoire, comme croyants, dans une société dont nous voulons aussi la réussite, parce qu’elle permettra aux uns et aux autres, à nos frères et à nos sœurs en cette société, d’entendre une parole de salut. Nous le croyons, nous l’espérons et nous savons que c’est la volonté de Dieu, à condition que la vie de la société le permette. Et donc cette prière pour les responsables des nations, pour ceux qui exercent l’autorité, n’est pas indifférente à ce que vous entreprenez au début de cette année que ce soit dans la recherche théologique, que ce soit dans l’apprentissage de ce qu’est la théologie pour le bienfait de tous les hommes.

La deuxième chose, c’est que l’apôtre dit : j’ai reçu mission d’annoncer ce salut qui est fait pour tous. Et nous ne pouvons jamais perdre de vue que ce que nous faisons n’est pas pour la satisfaction de notre esprit - même si en partie oui cela l’est, mais c’est d’abord pour que soit révélé ce projet étonnant de Dieu de vouloir sauver tous les hommes, de s’adresser à tous, de les aimer tous, de les vouloir tous, de les avoir voulus, depuis toujours, tous. Nous retenons de cette partie de la première lettre de Paul à Timothée ces deux indications majeures : nous prions et nous parlons.

Dans l’Évangile, nous ne sommes pas loin de cela. La guérison du serviteur du centurion a quelque chose de magnifique aussi pour nous : le fait que ce soient des gens qui s’adressent à Jésus, des gens de son entourage, des gens dont il peut être le plus proches qui viennent lui dire que ce représentant de l’autorité romaine, bienfaisant pour leur synagogue et pour leur groupe, par conséquent pour leur communauté, mérite d’entrer dans le lot de ceux qui bénéficieront de l’action de Jésus à son égard. Il mérite que sa supplique soit entendue de Dieu par l’intercession, par la médiation de Jésus lui-même.

Première affirmation qui nous est très heureuse : ceux qui sont autour de nous ne sont pas tous de nos communautés, mais ils sont ceux à qui Dieu destine la Bonne Nouvelle et veut faire du bien. Cette manière dont l’évangéliste Luc présente la chose - plus que les deux autres Matthieu et Jean qui évoquent cette scène, cette manière de présenter la chose a quelque chose de très rassurant au début d’une année universitaire. Il ne nous fait pas oublier le cadre général dans lequel nous nous trouvons : apporter à travers ce que nous sommes le bienfait que Jésus veut donner à tous.

Deuxièmement, les échanges de paroles entre Jésus, le centurion, son entourage, est aussi significatif pour nous. Ce que Jésus montre c’est qu’il ne fait rien sans parler ni sans écouter. Pour révéler la bonté de Dieu à l’égard du centurion, il veut que celui-ci ait voix au chapitre, droit à la parole. De lui-même, Jésus va apprendre quelque chose, de lui-même Jésus se laisse instruire par son interlocuteur, et le bienfait qu’il veut apporter est apporté dans un dialogue magnifique conclu par cette parole de Jésus : même en Israël, je n’ai pas vu de foi pareil. Être capable d’écouter à ce point la parole des autres a quelque chose de confondant venant de la part du Seigneur qui est censé savoir. Il se laisse toucher par la parole d’un autre, il se laisse instruire et émerveiller par ce qu’il voit de la foi de celui qui, simplement, voulait le bien de son serviteur.

Le Concile Vatican II a beaucoup mis en œuvre cela, en prônant le dialogue dans le monde et avec le monde, pour être capable d’annoncer la Bonne Nouvelle du salut. Beaucoup de choses se traduisent par ces dialogue et annonce. Le saint Pape Paul VI avait ouvert la voie en écrivant sa première encyclique, son encyclique programmatique Ecclesiam suam, parlant de l’origine transcendante du dialogue qui est dans l’intention même de Dieu.

Voilà quelque chose qui nourrit nos efforts et, je l’espère, vos efforts au cours de cette année : tout faire pour que ce soit toujours dans un dialogue avec le monde dans lequel nous sommes que puisse entrer l’annonce de la Bonne Nouvelle.

Et puis enfin, dernière chose, la parole que nous venons d’entendre avec le bienfait que Jésus apporte et qui authentifie cette parole de salut, c’est dans la charité qu’elle se vit. Ce que l’évangéliste souligne, c’est que la parole de salut entre dans le cœur de quelqu’un parce qu’il reçoit un bienfait de la part du Seigneur et de la part de ses envoyés. La prière, l’intelligence, le dialogue, et surtout la charité que nous nourrissons pour tout homme, toute femme, sont les signes les plus merveilleux de la volonté de Dieu de sauver tout homme, de sauver tous les hommes, de les appeler à partager sa vie.

En ce début d’année, et au démarrage de votre travail dans cette année universitaire, c’est une Bonne Nouvelle pour nous tous, pour vous qui vous êtes mis en chemin, pour moi-même et pour tous ceux qui participent au ministère d’une façon ou d’une autre. Que le Seigneur nous soit en aide, que son Esprit nous guide toujours sur cette voie de la prière, de l’intelligence, du dialogue et de la charité.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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