Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe et consécration de l’autel de l’église Sainte-Marguerite

Dimanche 10 décembre 2023 - Sainte-Marguerite (11e)

– 2e Dimanche de l’Avent – Année B

- Is 40,1-5.9-11 ; Ps 84, 9-14 ; 2 P 3,8-14 ; Mc 1,1-8

Dans ce deuxième dimanche de l’Avent, qui disparaît peut-être un peu à nos regards en raison de la consécration de l’autel tout à l’heure, nous commençons à lire l’évangile de saint Marc et les trois textes de la liturgie insistent sur l’attente du peuple de Dieu, donc notre attente à nous.

D’abord, dans le Livre d’Isaïe, il s’agit de la réalisation de cette attente qui se fait très proche : c’est la libération du peuple de Dieu qui était en exil, à Babylone, loin de sa terre natale. Pendant cinquante ans le peuple de Dieu a été éloigné de Jérusalem et de la Judée, et voilà que s’ouvre une porte qui va permettre à ce peuple de rentrer à Jérusalem. Donc l’attente, c’est celle du peuple sur le chemin : revoir Jérusalem. Et puis c’est aussi l’attente des gens de Judas, ceux qui n’ont pas été déportés parce que dans les grandes opérations politiques de ce genre on n’emporte jamais tout le monde, on ne tue jamais tout le monde non plus d’ailleurs, et heureusement. Il y a ceux qui étaient restés et qui attendent le retour de leurs frères, de leurs parents, de leurs parentés. Ils attendent ce retour avec impatience, et toujours dans les moments de guerre, de déportation…etc., il y a ce moment de l’attente. C’est une expérience très courante de la vie des hommes. Le retour des prisonniers, le retour des otages, le retour des exilés… c’est une attente humaine très forte, très importante. Nous pouvons la garder dans notre cœur comme le signe de ce que nous attendons aujourd’hui.

Dans la lettre de saint Pierre, que nous avons lue en deuxième lecture, il y a une autre attente, c’est l’attente d’un monde tout à fait réconcilié, d’un monde en paix, d’un monde de justice. Et nous savons, dit l’apôtre, que c’est avec le retour glorieux du Seigneur Jésus que ce monde-là prendra son envol, commencera, sera là pour tous enfin. Et c’est une espérance pour l’avenir, l’avenir peut-être lointain, peut-être proche, l’avenir qui est en Dieu, l’avenir qui est dans la paix de Dieu. Et nous attendons cela.

Pour l’évangéliste saint Marc, qui rapporte la première prédication de Jean-Baptiste, c’est l’attente de celui qui dépasse largement, qui est largement au-dessus de Jean-Baptiste lui-même. Jean-Baptiste annonce la venue de quelqu’un qui, de la part de Dieu, va être présent au milieu des hommes. Et donc ce n’est plus l’attente d’un événement du futur proche ; ce n’est plus l’attente d’un événement dans le futur lointain, dans l’avenir de Dieu, dans l’avenir de l’humanité. C’est l’attente d’une rencontre personnelle avec le Fils de Dieu, l’attente d’une rencontre humaine avec le Fils de Dieu fait chair. Et cette attente-là, c’est celle qui nous concerne le plus : attendre de découvrir le Christ, de le connaître, d’écouter sa Parole, de l’aimer, de se laisser aimer de Lui.

Cette attente-là, c’est Noël pour nous. Mais ce n’est pas simplement une époque de l’année - le temps de l’Avent - c’est tous les jours. Et en tout cas, nous l’espérons pour les communautés chrétiennes, tous les dimanches dans la liturgie. Nous venons dans la liturgie refaire nos forces pour garder bien vivante en nos cœurs cette attente de la rencontre de Dieu, de la rencontre du Fils de Dieu, de la rencontre du Fils de l’Homme, Jésus. Que chaque homme, chaque femme soit illuminé par cette rencontre qu’il attend, qu’il espère et qu’il réalise grâce à Dieu.

Et dans la liturgie nous venons, justement, chaque dimanche, autour de l’autel, autour de l’ambon, écouter la Parole et renouveler notre adhésion au Christ qui s’offre à nous. C’est pour cela que c’est si important, dans l’église, de consacrer un autel et, en quelque sorte, de le baptiser devant vous, pour que dorénavant l’autel ne soit pas simplement la table sur laquelle on célèbre l’eucharistie, mais vraiment le signe du Christ présent, toujours là. Le signe du Christ solide comme un roc ; le signe du Christ sur lequel nous pouvons nous appuyer, tous les jours de notre vie. Et si nous revenons tous les dimanches ici, et peut-être plus souvent que tous les dimanches, c’est parce que nous savons qu’il est là, c’est parce que nous savons qu’il est solide. C’est parce que nous savons que nous pouvons nous appuyer sur lui. Et c’est un grand bonheur, et c’est une joie : joie pour moi de venir vous rencontrer en cette occasion ; joie pour vous de célébrer le Christ solide comme un roc. Le don de sa vie est ce qui motive toute notre démarche chrétienne, c’est ce sur quoi nous nous appuyons depuis notre baptême. Et peut-être que, parmi vous, certains ne sont pas baptisés, et attendent le baptême dans quelques semaines ou dans quelques mois ?

Alors, nous allons suivre cette consécration de l’autel et vous allez pouvoir heureusement la suivre dans votre livret qui commence par l’appel à tous les saints. C’est un moment toujours très fort dans la vie de l’Église, de se souvenir de ceux qui nous ont précédés. Se souvenir aussi de ceux qu’on ne nomme pas encore saints mais qui vivent saintement autour de nous. Après avoir ainsi prié les saints, ou plus exactement après avoir déposé la relique de quelques saints dans cet autel, nous les invoquons.

Et puis nous nous préparons à le dédicacer. C’est-à-dire à l’offrir à Dieu. La grande prière que je vais chanter devant vous, qui s’appelle prière de dédicace, c’est une façon d’offrir à Dieu cet autel, c’est-à-dire aussi tous ceux qui l’ont préparé, tous ceux qui ont travaillé pour lui.

Et ensuite, après l’avoir ainsi aspergé d’eau rappelant le baptême, je vais l’oindre de l’huile sainte, le Saint Chrême que j’ai consacré lors de la messe chrismale de cette année pour servir aux baptêmes, aux confirmations, aux ordinations de prêtres et d’évêques – comme j’ai pu le faire il y a un mois – et puis à la consécration d’un autel. La table de cette autel va être complétement enduite de ce Saint Chrême que je vais disposer avec beaucoup de respect et de tendresse : parce que cet autel c’est le Christ.

Après quoi nous assisterons à quelques moments complémentaires. L’encensement : on a déjà encensé l’Évangile tout à l’heure, on va encenser l’autel en déposant sur lui des grains d’encens qui vont brûler devant nous et qui montent avec notre prière vers le Seigneur. Puis on va le revêtir de la nappe sur laquelle nous pouvons célébrer. Et puis ensuite illuminer cet autel avec les cierges pour qu’il soit pour nous une vraie lumière quand nous venons célébrer autour de l’eucharistie. Et alors l’autel ainsi paré, ainsi encensé, ainsi illuminé, ainsi revêtu de l’Esprit Saint, pourra être l’autel sur lequel nous célébrerons désormais l’eucharistie. Voilà, ces gestes que nous allons faire et qui seront rappelés en permanence. A chaque fois que je sors d’une église où j’ai consacré l’autel, ce qui m’est arrivé souvent, beaucoup me disent : je n’avais jamais vu cela, et surtout je n’avais jamais compris que l’autel était si important dans l’église.

Je souhaite que vous vous souveniez de ce moment si important de la vie de votre communauté. Et que vous soyez ainsi renouvelés dans votre désir d’être toujours ressourcés à la suite du Christ autour de cet autel. Il s’y offre pour chacun de nous et pour tous ceux qui ne viennent pas à l’église mais auprès de qui nous pouvons être et devenons de vrais témoins du Christ et de son Évangile.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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