Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe de Noël à Saint-Germain l’Auxerrois
Lundi 25 décembre 2023 - Saint-Germain l’Auxerrois (1er)
– Nativité du Seigneur
- Is 52,7-10 ; Ps 97,1-6 ; He 1,1-6 ; Jn 1,1-18
Les lectures que nous venons d’entendre sont claires : la bonne nouvelle que nous sommes venus recueillir concerne la terre entière et tous ses habitants.
Le livre d’Isaïe dont nous avons entendu un extrait proclame : « tous les lointains de la terre ont vu le salut de notre Dieu. » Et la lettre aux Hébreux dit autrement : « le Fils qui porte l’univers par sa parole puissante s’est assis à la droite de la majesté divine dans les cieux. » Quant à l’évangéliste, il souligne : « Jean (le baptiste) est venu comme témoin de la Lumière (qui illumine tout homme) afin que tous croient par lui. »
Voyez-vous, même quand l’Église était toute petite en son commencement, composée de quelques disciples, quelques centaines ou quelques milliers, les apôtres enseignaient déjà que le message concernait le monde entier. Non pas comme une expansion politique - nous savons que l’empereur avait voulu recenser toute sa population et c’était un geste politique - non pas comme une expansion politique donc, mais comme une joyeuse nouvelle qui se répand de bouche à oreille.
Ce message n’ignore pas que la vie des hommes est traversée de violences. L’évangile de Jean le dit clairement : « le Verbe, le Fils de Dieu n’a pas été reçu quand il est venu chez les siens », c’est-à-dire chez nous. Il a été rejeté, il a été mis en croix, il est mort parce qu’il n’était pas accepté. Nous qui portons ce message, nous ne sommes pas dans le rêve d’une vie idéalisée, mais dans le désir d’une vie bonne malgré les souffrances et les violences.
C’est encore vrai aujourd’hui puisque persistent les maladies, les douleurs et fragilités de l’âge – j’ai célébré hier la messe de Noël dans un hôpital – les violences et le mal qui rôdent partout – ce matin j’étais à la prison pour célébrer Noël avec les détenus – et aussi les précarités économiques et, pour beaucoup de nos frères à travers le monde, les conflits, les guerres mais aussi l’espérance de la paix.
Face à ce monde immense et souffrant, la bonne nouvelle est celle de la paix, de la joie de la présence du sauveur, de la simplicité du cœur d’un enfant, de sa douceur et de l’espérance du changement intérieur, de la conversion.
Dans la salle des malades d’un Hôtel-Dieu - je veux dire dans beaucoup de ces hôpitaux nés au Moyen Âge en Europe, ici à Paris et dans bien d’autres lieux - dans la salle des malades donc, il y avait d’un côté la chapelle où se célébrait la messe devant ceux qui étaient alités et, de l’autre côté, souvent un Christ assis, les mains liées dans la posture de celui qui va subir un châtiment. C’était ce regard compatissant du Christ que les malades pouvaient appeler et implorer dans leur souffrance. C’était sa douceur qui les accueillait.
Aujourd’hui nous fêtons Noël et nous souvenons de sa naissance, mais peut-on jamais oublier la suite de son existence ? Toujours l’accueil, toujours la douceur, toujours la compassion, toujours la miséricorde et la paix. Bienheureux les cœurs purs, ils verront Dieu ! Bienheureux les doux, ils recevront la terre en héritage ! Bienheureux les pacifiques, ils seront appelés fils de Dieu !
Dans la messe de Noël, hier soir à Rome, le pape François proclamait : « notre cœur est à Bethléem en cette nuit de la Nativité. » Nous ne pouvons pas oublier les situations de guerre et de conflit non-résolu, où la haine de l’ennemi est encore trop forte pour pouvoir se résoudre en un apaisement.
Nous pensons bien sûr au conflit entre Israël et la Palestine, au conflit entre la Russie et l’Ukraine, à ceux qui se développent en Afrique, notamment au Sahel mais aussi dans la corne de l’Afrique en Éthiopie, en Érythrée et aussi de l’autre côté de la Mer Rouge. Malheureusement, on ne peut les citer tous et chacun de nous sait qu’il peut connaître, proches de lui, des personnes touchées dans leur cœur par l’un ou l’autre de ces conflits : ce sont des voisins, ce sont des compatriotes, des migrants ou des réfugiés. Nous en connaissons, nous les accueillons, nous prions pour eux et pour leur peuple. Ceux que nous connaissons ici ont pu trouver un asile chez nous, mais ils souffrent pour ceux qui sont restés là-bas. Ceux qui sont ici travaillent pour l’apaisement, pour que diminue la haine et que soient favorisées les occasions de rencontres. Ceux qui sont ici cherchent des nouvelles de leurs proches restés au pays et ne cessent de prier et d’implorer.
Est-ce encore le moment de démêler les responsabilités ? N’est-il pas surtout clair que la guerre est devenue inutile ? L’accumulation des morts et des blessés produira-t-elle jamais la paix que l’on recherche ? Le silence des armes ne suffit pas.
Ce que nous demandons en ce jour de Noël, c’est que la paix puisse commencer dans les cœurs, c’est que le regard compatissant du Christ soit capable d’atteindre dans le cœur humain le lieu où se loge la peur des autres. Nous prions pour que le cœur des hommes soit attendri par le regard d’amour et de miséricorde de Jésus enfant.
Nous croyons que l’Esprit du Christ travaille sans cesse. C’est lui qui, au fond de nous, nous dit de ne pas désespérer du cœur humain et de croire que le Sauveur agit sans cesse : Il n’agit pas comme une puissance impérieuse, mais comme un appel à la miséricorde.
Cet enfant qui vient de naître ne représente aucun danger pour nous : il est innocent de tout mal. Il parle à l’oreille et au cœur, il fait comprendre à la raison que le monde demande à vivre sans violence. « Dieu, personne ne l’a jamais vu », comme le dit saint Jean mais « le Fils unique du Père nous l’a fait connaître. » En nous faisant connaître le Père, il nous a fait connaître sa miséricorde et sa justice.
Voilà la source de notre paix et de notre joie en ce jour : rendons-Lui grâce pour sa venue au milieu de nous et prions-Le avec confiance.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris
Intention de prière pour la paix
Pour les peuples qui subissent en ces jours les assauts de la guerre et de la haine qui ne s’épuise pas ; prions pour que les dirigeants désirent chercher et trouver les voies de l’apaisement, du silence des armes, de la négociation ; prions pour que la volonté des peuples qui demandent la paix soit entendue ; prions pour les victimes – les morts, les blessés, les familles séparées – qui subissent dans leur chair les conséquences des conflits qu’ils n’acceptent pas. Demandons à Dieu que vienne l’esprit de paix. Prions le Seigneur.