Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Notre-Dame de la Compassion
Dimanche 17 novembre 2024 - Notre-Dame de la Compassion (17e)
– 32e dimanche du temps ordinaire – Année B
– Journée mondiale des pauvres
- Dn 12,1-3 ; Ps 15,5.8-11 ; He 10,11-14.18 ; Mc 13,24-32
En ces dimanches de fin d’année liturgique, nous sommes mis devant l’image et l’éventualité de la fin du monde. Bien sûr, les descriptions que nous avons entendues en première lecture et dans le début de cet évangile sont tributaires des conceptions d’une époque. La première, tirée du Livre de Daniel, a quelque chose d’un peu effrayant ; et celle qui est dans l’Évangile nous oriente vers le retour du Seigneur Jésus, vers sa venue définitive : après sa venue dans notre chair, après sa présence permanente dans notre vie de tous les jours, il est question de sa venue définitive.
Mais, dans tous les cas, au sujet de cette fin du monde, le Seigneur Jésus dit qu’il ne la connaît pas. Il ne sait pas quand cela arrive, Lui, le Fils, celui dont nous attendons le retour : c’est le secret du Père. C’est très important pour nous, c’est la première chose que nous entendons : nous ne savons pas quand cela arrive, c’est le secret de Dieu. Nous n’avons donc pas tellement de soucis à nous faire sur ce sujet. Notre époque, comme d’autres probablement, mais munie de beaucoup d’instruments de calcul, est capable de se projeter éternellement dans l’avenir et d’être prospectiviste. Mais il ne suffit pas de suivre des courbes statistiques, démographiques, des courbes statistiques de la violence, des courbes statistiques de l’entropie… il ne s’agit pas simplement de cela, il s’agit d’accueillir le don que Dieu nous fera, un jour, de sa présence complétement illuminatrice ! Nous nous y préparons même si nous ne savons pas quand cela arrive, même si nous comprenons que le Fils du Père ne sait pas lui-même quand cela arrivera. Ne soyons pas inquiets de cela, l’avenir est dans la main de Dieu et il ne ressemble pas au futur prévisible.
La deuxième chose que nous entendons, dans l’évangile de ce jour, c’est la parabole du figuier : le printemps qui annonce l’été. Jésus aurait pu choisir d’ailleurs indifféremment l’automne qui annonce l’hiver, parce que ce qu’il veut dire c’est : « Regardez ce qui se passe dans la vie, apprenez à discerner ce qui est important dans l’existence, apprenez à observer que, dans la vie, il y a des moments heureux. » Il y a 60 ans, je sortais de l’enfance et on espérait un avenir heureux pour le monde entier après la conflagration de la Seconde Guerre mondiale. On attendait la fin de la pauvreté, de la faim dans le monde et, de fait, il y a eu des progrès. Mais, aujourd’hui, on a l’impression que tout va vers la catastrophe. Ce qui se passe c’est que les situations tragiques, les situations de détresse, existent à toutes les époques.
C’est aujourd’hui la Journée mondiale des pauvres. Depuis quelques années, elle coïncide avec la Journée nationale du Secours Catholique, troisième dimanche de novembre. Et, il y a quelques jours, le Secours Catholique a délivré son rapport annuel sur l’état de la pauvreté en France. Il nous fait comprendre que, sur le million de personnes qu’il a accueillies tout au long de l’année passée, il a découvert que la pauvreté s’était aggravée en France. Ceux qui sont pauvres le sont de plus en plus. La solidarité nationale continue d’exister et est parfois mise à mal pour des raisons budgétaires. Elle a semble-t-il une part moins grande d’année en année dans la richesse du pays, et est plus difficile à rejoindre pour un certain nombre de gens : les contrôles sont multiples et les gens ne savent pas faire, la dématérialisation rend de plus en plus inaccessibles à beaucoup les démarches qu’ils pourraient faire pour obtenir quelques subsides qui augmenteraient un peu leurs revenus. Le Secours Catholique nous alerte donc : regardons la situation dans laquelle nous sommes, il y a de la détresse, il y a de la pauvreté, il y a de la violence, dans toutes les époques, et dans la nôtre pas moins que dans d’autres.
Voilà ce qu’il nous est demandé de regarder. Vous regardez le figuier, vous savez que l’été va venir ; vous regardez la chute des feuilles, vous savez que l’hiver va venir. Il est nécessaire de regarder aussi la réalité humaine dans laquelle nous vivons et de comprendre que la solidarité demeure nécessaire.
Et c’est à cela que Jésus appelle, mais il le fait en nous disant dans l’évangile d’aujourd’hui : « Je suis avec vous, le ciel et la terre passeront mais mes paroles ne passeront pas. » Voilà l’assurance que nous avons. Voilà ce que nous pouvons garder comme certitude. Le Seigneur nous invite à regarder le monde dans lequel nous sommes avec lucidité. Mais il nous dit que ses paroles ne passeront pas, or ses paroles sont des paroles de promesse : « Je suis avec vous jusqu’à la fin des temps », dit-il dans d’autres passages d’Évangile. Ses paroles sont des paroles de joie : « Je vous ai annoncé ma passion, dit-il à ses disciples, pour que quand ces événements arriveront vous n’ayez pas peur et que ma joie soit en vous. »
Paroles de promesse, paroles de consolation, paroles de joie, paroles qui nous obligent à exercer et notre discernement et notre charité permanente : voilà à quoi nous sommes invités.
« Mes paroles ne passeront pas. » Gardons-les, ces paroles, tous les jours, tous les jours de la semaine qui vient par exemple. Et disons-nous à la fois : « Que puis-je faire pour consoler à la manière de Jésus ? Que puis-je faire pour accompagner à la manière de Jésus ? »
Le pape François, très souvent, nous y invite. Il utilise plusieurs verbes pour nous mettre en route, selon les situations, mais ces verbes disent en somme : « Il faut accueillir, il faut accompagner, il faut réconforter, il faut protéger et il faut insérer. » Ces verbes viennent dans le langage de notre Saint-Père assez souvent, pour dire à quoi nous engagent la parole de Dieu et la charité. Qu’ils nous restent pour les jours qui viennent et qu’ils nous permettent de nous préparer à la venue du Seigneur avec un cœur qui se laisse transformer.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris