Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe de la dédicace de l’église du Saint-Esprit
Dimanche 15 juin 2025 - Saint-Esprit (12e)
– Sainte-Trinité – Année C
- Pr 8, 22-31 ; Ps 8, 4-5, 6-7, 8-9 ; Rm 5, 1-5 ; Jn 16, 12-15
Comme les autres dimanches de l’année, le dimanche de la Sainte-Trinité offre des lectures différentes suivant les trois années liturgiques, et cela nous permet donc d’insister sur quelques aspects particuliers de la venue de l’Esprit Saint et de la révélation de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, qui s’est fait jour progressivement au début de la vie de l’Église. Il nous est donné d’entendre, ce matin, un texte de plus qui rapporte en quelques lignes – un texte pas aussi détaillé que dans les deux premiers chapitres de la Genèse – la Création de l’univers comme une volonté de Dieu. Mais vous avez remarqué que ce poème du Livre des Proverbes est très beau. C’est un texte poétique qui est offert à la méditation de l’Église et de chacun d’entre nous. C’est un très beau texte qui dit la création de l’univers : Dieu ne l’a pas fait tout seul comme s’il était enfermé en lui-même, il l’a fait avec la sagesse. Et, aujourd’hui, l’image de la sagesse nous est donnée pour comprendre quelque chose de l’Esprit de Dieu.
Nous savons que, dans le Livre de la Genèse, il est question de « l’Esprit de Dieu qui planait sur les eaux », et ici il est question de la sagesse non créée, la sagesse qui est avec Dieu depuis toujours, la sagesse qui n’est pas une œuvre de la Création mais qui est avec Dieu avant la création du monde. Et cette sagesse fait le monde avec Dieu. On le dit dans une des prières eucharistiques : « Tu as fait le monde avec sagesse et par amour. » Voilà, d’une certaine façon, affirmée cette Trinité avec des mots de la vie de tous les jours. La Trinité du Père, du Fils et de l’Esprit, c’est Dieu la source de tout, l’amour révélé en Jésus-Christ, le Verbe de Dieu, sa Parole, et la sagesse qui est la marque principale de l’Esprit Saint. Comme il est beau ce texte qui décrit la place de la sagesse à côté du Père créateur : « Je grandissais à ses côtés, je faisais ses délices jour après jour, jouant devant lui à tous moments, jouant dans l’univers sur sa terre et trouvant mes délices avec les fils des hommes. » La sagesse de Dieu est avec Dieu : elle se réjouit de ce que Dieu fait, Dieu le Père, et elle est aussi avec les hommes. Elle joue avec le Père et elle joue avec nous. Voilà l’Esprit Saint, l’Esprit qui est déjà affirmé, montré dans ce texte ancien qui date d’avant la venue du Seigneur au milieu de nous, qui date de l’Ancien Testament et qui nous instruit déjà de ce que Dieu n’était pas tout seul et que Dieu ne voulait pas rester seul.
Bien sûr le psaume qui suit nous dit aussi des choses très belles : « Ô Seigneur, notre Dieu, qu’il est grand, ton nom, par toute la terre ! » avons-nous chanté. Et ce psaume dit : « Qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui, le fils d’un homme, que tu en prennes souci ? » Paroles magnifiques ! Et c’est l’Esprit de Dieu qui est justement là avec nous, comme un signe permanent, comme une présence de l’amour de Dieu qui ne nous abandonne jamais, de son désir de faire une Création qui lui ressemble, de son désir de faire une humanité qui l’aime en retour de son amour.
Alors nous pouvons entendre l’évangile et comprendre ce que Jésus dit au moment de quitter cette terre, dans le grand discours qui précède la Passion mais suit le lavement des pieds de ses apôtres. Jésus médite et parle à ses apôtres de son départ prochain, de la venue de l’Esprit parmi nous : « Ce qu’il dira, dit-il, ce ne sera pas de lui-même mais ce qu’il aura entendu d’auprès du Père et pour vous faire souvenir de ce que je vous ai dit, de ce que j’ai vécu avec vous. »
Voilà comment est l’Esprit de Dieu qui nous assiste en permanence pour nous souvenir de ce que Jésus a vécu sur cette terre avec ses proches, ses disciples, sa famille, avec tous ceux qu’il a guéris, sauvés, avec tous ceux à qui il a parlé… tout cela pour nous rappeler que ce n’est pas de l’histoire ancienne mais qu’aujourd’hui même Jésus continue d’agir. Jésus le Christ, Jésus le Sauveur, Jésus le Fils de Dieu, Jésus le Verbe et sa Parole, est là avec nous, tous les jours.
Et c’est avec la force de l’Esprit Saint, avec son intelligence, que nous sommes capables de comprendre comment le Christ est là aujourd’hui encore. Nous sommes maintenus dans la foi, nous sommes maintenus dans l’espérance, nous sommes maintenus dans la charité du Christ grâce à l’Esprit Saint qui, jour après jour, nous inspire de continuer à être de fidèles témoins.
Voilà pourquoi l’apôtre Paul, dans la Lettre aux Romains, n’oublie pas de nous dire : « C’est même dans les épreuves que nous faisons l’expérience forte de l’Esprit Saint, parce que c’est lui qui nous maintient dans la foi et dans l’espérance, c’est lui qui nous permet d’aller au-delà des épreuves que nous subissons – qui peuvent être des épreuves personnelles, des épreuves de santé, des épreuves de foi aussi, parce qu’autour de nous nous voyons tant de gens qui cherchent un chemin et ne le trouvent pas, tant de gens qui semblent refuser cet amour de Dieu ou qui l’ignorent tout à fait. » Cela peut nous donner des épreuves dans la foi et nous dire : « Est-ce que j’ai raison de continuer à croire dans le monde où nous sommes qui n’a pas l’air d’accepter la présence de Dieu, ou qui l’ignore ? » Et le Seigneur Esprit Saint nous maintient dans la force de la foi, il nous permet de garder l’énergie de la foi.
« Les épreuves nourrissent la persévérance ; la persévérance engendre la vertu éprouvée ; la vertu éprouvée donne l’espérance ; et l’espérance ne déçoit pas, car l’Esprit Saint a été infusé dans nos cœurs » dit cette Lettre aux Romains que nous venons d’entendre. Même dans les épreuves nous pouvons sentir la présence de l’Esprit qui nous maintient dans l’espérance.
Cette phrase que je viens de redire - « L’espérance ne déçoit pas puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » - vous vous souvenez que c’est la phrase par laquelle le pape François nous a invités à entrer dans l’année jubilaire de l’incarnation du Verbe de Dieu, il y a quelques mois. C’est la phrase clef de cette année : « L’espérance ne déçoit pas parce que l’amour de Dieu a été répandu en nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. C’est cette phrase-là qui guide toute notre année jubilaire, qui nous permet de vivre ce pèlerinage. Peut-être l’avez-vous fait à Rome ou le ferez-vous d’ici la fin de cette année ? Peut-être ne l’avez-vous pas fait mais vous pouvez alors le faire dans les églises parisiennes, les basiliques principales que j’ai données comme églises jubilaires où l’on peut vivre ce moment de renouvellement de la foi, de l’espérance et de la charité. Le Christ est venu sur notre terre il y a 2025 ans et nous le fêtons tous les dimanches, bien sûr, mais nous le fêtons particulièrement tous les 25 ans. Nous nous souvenons de l’anniversaire de l’incarnation du Fils de Dieu et c’est l’Esprit Saint qui nous permet de nous en souvenir, et qui nous permet de nous maintenir dans la foi.
Que l’Esprit vous soit donné pour vivre cette année jubilaire avec force, pour vous souvenir de la dédicace de cette église le 9 juin, comme je l’ai dit au début de cette célébration, pour vous souvenir que ces signes qui nous sont donnés en permanence, de la présence d’une église, de la vie dans les sacrements, sont des signes qui sont l’œuvre de l’Esprit Saint en nous. Gardons cette énergie de la foi, gardons cette énergie de l’espérance, et gardons l’énergie de la charité qui est le signe le plus beau de la présence du Christ au milieu de nous.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris