Indisponibilité du corps humain : une protection contre l’exploitation de la misère
Le 19 mars 2009
Paris Notre-Dame du 19 mars 2009
En droit, le principe d’indisponibilité du corps humain est à double lecture. Quelles seraient les conséquences s’il venait à être remis en question ? Paris-Notre Dame le 19 mars 2009.
Le principe d’indisponibilité du corps humain signifie qu’une personne ne peut librement consentir d’actes de disposition – vente ou donation – portant sur son corps. Ce principe n’est pas absolu, puisque le droit français reconnaît la validité exceptionnelle de certains actes de disposition. Toutefois, s’agissant d’exceptions, elles doivent obéir à des conditions strictes de validité. Ainsi, s’il est possible de céder son sang ou un rein, il n’est pas possible de le faire à n’importe quelle condition. La cession doit notamment être gratuite, anonyme et accomplie dans l’intérêt thérapeutique d’autrui. Un principe, des exceptions, rien de plus habituel en droit français. La cohérence de ce système tient à la distinction que l’on peut opérer entre un corps qui est parfois identifié à la personne alors qu’il en est parfois dissocié. En effet, lorsque corps et personne ne font qu’un le principe s’applique fermement et interdit tout acte de disposition. On ne peut donner son corps de son vivant. Mais lorsque le corps et la personne sont dissociés, notamment après la mort, l’indisponibilité cède la place à une disponibilité restreinte. De la même manière, si la disposition envisagée ne porte que sur un produit du corps humain, cette cession peut être envisagée du vivant de la personne dès lors que les conditions – gratuité, anonymat, intérêt thérapeutique d’autrui - en sont respectées.
Il s’agit donc d’un principe de première importance, puisqu’il interdit à une personne de tirer profit de la cession d’éléments et de produits de son corps. Ce faisant il protège toutes les personnes, mais probablement plus encore les plus démunies, contre les risques de trafics peu compatibles avec la dignité de la personne humaine.
C’est en ayant conscience de l’importance de ce principe qu’il faut envisager la question d’une éventuelle légalisation des pratiques de mères porteuses. Une telle solution porterait en effet doublement atteinte au principe d’indisponibilité du corps humain : le corps de la mère porteuse et celui de l’enfant conçu pour être cédé. L’un et l’autre seraient alors ramenés au rang d’objets, ce qui serait peu compatible avec la conception qui prévaut aujourd’hui. • Jean-René Binet, maître de conférences en droit privé, Université de Franche-Comté.
Témoignage
Sophie, 33 ans
« À la fin de la première échographie de notre premier enfant, alors que nous étions encore sur notre petit nuage d’avoir entendu son cœur battre, le médecin nous a annoncé sans ménagement que notre bébé portait une anomalie indicatrice d’une éventuelle trisomie 21. On nous a alors invités à faire des examens complémentaires rapidement, sans information sur les risques ni les conséquences. J’ai alors ressenti que cette vie qui commençait n’était abordée que sous l’angle de l’anomalie détectée et cette anormalité était rejetée par la société. Malgré une certaine pression médicale, nous avons décidé de ne pas pratiquer des examens qui pourraient mettre en danger la vie de notre enfant et de l’accueillir dans la confiance. Aujourd’hui, notre petit garçon a 10 mois, il est en bonne santé et plein de vie. »