Interview de Mgr Laurent Ulrich dans Paris Notre-Dame

Jeudi 2 juin 2022

Paris Notre-Dame du 2 juin 2022

« Apprendre à connaître le diocèse de Paris ». Lundi 23 mai, Mgr Laurent Ulrich a été accueilli liturgiquement comme archevêque de Paris, sur le parvis de Notre-Dame (4e) puis à St-Sulpice (6e).

Alors que commence son nouveau ministère, il nous a accordé une première interview pour partager sa foi, la manière dont il appréhende cette nouvelle mission et ses convictions pastorales. Rencontre.

© F. Richir_Diocèse de Lille

Paris Notre-Dame – Comment avez-vous reçu cette nomination comme archevêque de Paris ?

Mgr Laurent Ulrich – Je dois avouer que j’ai été d’abord extrêmement surpris car cette nomination était, pour moi, tout à fait inattendue. Je me trouvais fort bien où j’étais et je ne m’attendais pas forcément, à mon âge, à me déplacer à nouveau. Le temps de la réflexion, avant que je n’accepte, m’a permis d’accepter que cet inattendu devienne simplement l’inattendu de Dieu ; d’y voir que c’était bien le signe que le Seigneur m’adressait et qu’il me fallait répondre à sa demande.

P. N.-D. – Vous avez dirigé deux diocèses très différents. Quels sont les fils rouges, les vigilances pastorales qui ont marqué vos ministères et votre manière de les exercer ?

L. U. – Mes deux premières expériences d’épiscopat ont été marquées par la volonté de mener un travail commun pour réfléchir ensemble à l’avenir : en Savoie, puis à Lille (Nord), j’ai ainsi souhaité à chaque fois tenir un synode – interdiocésain pour la Savoie et provincial à Lille. À Lille, le synode a permis d’identifier trois pistes, trois directions pour notre diocèse, à savoir l’évangélisation auprès des plus précaires, des familles et des jeunes. C’est, selon moi, très important que le travail de réflexion sur l’avenir soit porté en commun, par tout le peuple des baptisés, et pas seulement par l’évêque. En ce sens, l’annonce du pape François d’un synode sur la synodalité est tout à fait magnifique ; une très bonne nouvelle qui répond à son discours sur le synode de 2015 : « Le chemin de la synodalité est celui que Dieu attend de l’Église au troisième millénaire. »

P. N.-D. – Dans votre message aux Parisiens, vous avez souhaité vous présenter comme « un ami » et « un serviteur ». Pouvez-vous nous en dire un peu plus ? Quelle est votre feuille de route des premiers mois ?

L. U. – Un ami et un serviteur, c’est quelqu’un qui cherche d’abord à être à l’écoute de ceux auprès de qui il se trouve et, surtout, de rendre leur vie, dans le cas de la vie chrétienne, plus belle, plus juste, plus fidèle au Christ lui-même. Je veux être serviteur du Christ et ami à la suite du Christ : tel est le vrai fond de mon désir, de ma façon d’être – j’espère ! –, et de la conversion que le Seigneur me demande de vivre jour après jour. Depuis qu’il m’a appelé, le Seigneur a essayé de forger en moi celui qui devient de plus en plus signe de son amitié à lui pour tous. Une amitié qui n’est ni faiblesse ni facilité, mais exigence. Quant au mot « serviteur », il fait écho aux tentations du Christ dans le désert, lorsqu’il repousse celle de la domination sur les autres. Je suis très frappé de cela, de ce refus de la domination. Il nous faut servir pour suivre le Christ.

P. N.-D. – Comment appréhendez-vous le diocèse de Paris, marqué ces derniers mois par plusieurs bouleversements ?

L. U. – Tout le monde a une image de Paris forgée à partir d’a priori. Moi-même, je connais assez peu Paris et l’Église qui y vit. Je peux en avoir quelques images, mais je ne voudrais pas que ces images préalables embarrassent ma connaissance. Je souhaite ne pas avoir trop d’a priori. Le diocèse de Paris est multiple, varié et j’ai envie de prendre le temps de le découvrir dans sa diversité, du nord au sud et de l’est à l’ouest, afin de bien apprendre à le connaître, même si, bien évidemment, certains chantiers sont immédiats, comme celui de Notre-Dame. J’ai d’ailleurs tenu à me rendre à Notre-Dame dès le début de mon ministère afin de visiter le chantier, et souhaité qu’une partie de mon accueil liturgique se déroule sur son parvis.

P. N.-D. – Quel attachement portez-vous à Notre-Dame de Paris ? Comment avez-vous reçu l’émotion universelle lors de son incendie et l’intérêt que suscite aujourd’hui son chantier de restauration ?

L. U. – Notre-Dame est probablement la première image qui m’est apparue lorsqu’on m’a demandé d’être archevêque de Paris. J’ai pour elle l’attachement d’un provincial, bien conscient qu’elle attire le monde entier. Je pense à Paul Claudel, à Charles Péguy, à ces manifestations d’attachement fort, charnel presque, à la foi catholique, à la Vierge Marie. De Notre-Dame de Paris, on peut dire « Notre-Dame », alors que de toutes les autres, on doit dire « Notre-Dame d’ici » ou « de là ». Plus personnellement, j’en garde un souvenir lumineux, pour y avoir célébré, pour raisons familiales, trois baptêmes. L’émotion suscitée par l’incendie, je l’ai vécue doublement : à la fois personnellement, car j’étais extrêmement touché par les images qui défilaient sur mon écran, mais aussi dans sa dimension universelle car j’ai été aussitôt sollicité, en tant qu’évêque, par les différents médias lillois. J’ai pu constater combien cet incendie touchait un large public, bien au-delà du cercle des catholiques.

P. N.-D. – À Paris – comme à Lille – il y a une forte présence d’étudiants. Quel est votre regard d’évêque et de pasteur sur cette population ?

L. U. – Je porte sur eux un regard d’amitié. J’ai été pendant fort longtemps aumônier de scouts, et j’ai toujours tenu, même comme évêque, à rester en relation avec les jeunes, demandant aux différents aumôniers de m’inviter à des rencontres. Je suis extrêmement attentif à ce qui se passe dans le milieu des jeunes – ceux que nous connaissons, bien entendu – qui manifestent, de manière assez inattendue, un attachement fort, un renouveau de l’attention à l’Évangile, à la vie de l’Église, au service des pauvres, à l’engagement, à la prière, à l’adoration… Cela manifeste un enthousiasme chrétien que je crois beau, révélateur de changements dans notre monde, dans notre société et dans la vie de l’Église.

P. N.-D. – Spirituellement, êtes-vous particulièrement marqué par une ou plusieurs figures de saints ?

L. U. – Pour ma part, quatre figures de saints me rejoignent tout particulièrement. Il y a d’abord mon saint patron, saint Laurent, dont le ministère est marqué par le service des pauvres. Sa finesse et son humour lui ont permis de tenir tête et de manifester sa confiance en Dieu. Une autre figure est celle de l’évêque saint François de Sales, que j’aimais avant d’aller en Savoie. Je suis très touché par ce service épiscopal, dont il faisait le lieu de sa sainteté personnelle comme disciple du Christ. Dans son ministère, il a cherché à vivre très profondément le service des autres et le service du Christ. Il y a tant de beauté dans sa façon d’exercer le ministère d’évêque, qu’il a rénové avec beaucoup de créativité ! Être évêque au pays même où il a travaillé a été une très grande joie. Enfin, je citerai deux autres figures, deux femmes : sainte Élisabeth de la Trinité, que je connais bien par mes origines dijonnaises, et Madeleine Delbrêl. La première est la femme de la présence à Dieu et j’aime tout particulièrement cette phrase : « Ô verbe éternel, parole de mon Dieu, je veux passer ma vie à Vous écouter, je veux me faire tout enseignable afin d’apprendre tout de Vous. » Quant à Madeleine Delbrêl, elle me marque particulièrement par son expérience contemporaine, passant d’une vie athée, éloignée de Dieu, à une vie de service, comme manifestation de la charité du Christ. Elle a inspiré ma devise épiscopale, « la joie de croire » - qui fait aussi écho à saint Jean « pour que ma joie soit en vous » (15, 11). La joie est d’ailleurs le point commun entre eux. À travers ce qu’ils ont vécu, ils ont été des porteurs de la joie du Christ

Propos recueillis par Charlotte Reynaud

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