Le pape François, un homme de gouvernement

Paris Notre-Dame du 21 mars 2013

Le mercredi 13 mars 2013, le cardinal Jorge Mario Bergoglio a été élu pape, prenant le nom de François. Et c’est le jour de la fête de saint Joseph, le mardi 19 mars, qu’il a célébré la messe d’inauguration de son pontificat, à Rome.

Jésuite et autorité religieuse reconnue en Argentine, l’ancien archevêque de Buenos Aires entame son pontificat sous le signe de l’écoute et de la pauvreté. Entretien avec le P. François Boëdec, s.j., chapelain de St-Ignace (6e).

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Paris Notre-Dame : Quelle a été votre réaction en apprenant l’élection du cardinal Bergoglio, issu de la compagnie de Jésus ?

P. François Boëdec, s.j. – J’ai été surpris et très heureux d’accueillir notre nouveau pasteur, fils de saint Ignace. Supérieur provincial de la Compagnie pour l’Argentine, recteur des facultés jésuites de théologie et de philosophie et curé de paroisse dans les années 80, puis évêque auxiliaire et enfin archevêque de Buenos Aires, c’est bien un pasteur de l’Église qui nous a été donné ! Un homme de gouvernement, qui a montré, à travers son parcours, son aptitude à la charge de conduire l’Église. Il n’est pas habituel pour un jésuite de recevoir la charge épiscopale. Saint Ignace de Loyola et la Compagnie ont toujours considéré que ce n’était pas d’abord de cette manière qu’il nous fallait servir l’Église. Cependant, lorsque celle-ci, en la personne du pape, insiste pour assurer un tel service, la Compagnie ne se dérobe pas [1]. Et il y a plusieurs évêques et quelques cardinaux jésuites dans le monde. Mais c’est la première fois qu’un pape est issu de la compagnie de Jésus.

P. N.-D. - Après le conclave d’avril 2005, le cardinal Bergoglio confiait : « Ma vie est à Buenos Aires, sans les gens de mon diocèse, sans ses problèmes, il me manque toujours quelque chose. » [2]Il quitte finalement ce diocèse pour lequel il a beaucoup œuvré…

P. F.-B. – Ce ministère riche et long en fait quelqu’un de très attentif aux enjeux de société actuels, auxquels il a été confronté durant tout son épiscopat. On peut dire que c’est un pasteur qui a donné de sa personne – ayant toujours été proche de tous les milieux et de ses prêtres –, au cœur des bouleversements politiques, sociaux et religieux qu’a connus l’Argentine ces quarante dernières années. Ainsi les débats autour de la théologie de la libération, dans les années 80-90, ont fortement secoué l’Église d’Amérique latine. Dans cette situation, Mgr Bergoglio a voulu que l’Argentine se tourne résolument vers la justice de l’Évangile, sans tomber dans le piège de certaines analyses politiques. Cette expérience délicate et difficile l’aidera sans doute dans son discernement face aux enjeux actuels de l’Église au cœur du monde

P. N.-D. – Quelle image de l’Évangile offre aujourd’hui notre pape au monde ?

P. F.-B. – Ce qui m’a touché, c’est la manière avec laquelle il s’est
présenté devant la foule rassemblée place Saint-Pierre, le soir de son élection : cette humilité, ce désir de se mettre au service de l’Église de manière modeste. On l’a déjà remarqué, le pape François a plutôt un profil « discret ». Son écoute et sa simplicité sont signes pour le monde aujourd’hui ; elles disent quelque chose de juste de l’Évangile. Aujourd’hui, une des préoccupations de l’Église est de savoir s’adresser au monde et de lui annoncer la Bonne Nouvelle du Christ. L’homme contemporain est en attente d’une parole qui fasse sens, qui le touche. Or, le pape François manifeste ce désir de rejoindre le monde, désir missionnaire au cœur de la spiritualité ignatienne, qui a le souci d’incarner la Parole de Dieu dans la société. • Propos recueillis par Laurence Faure

Témoignage
Aumônier général du lycée St-Jean de Passy (16e), le P.Guillaume Seguin était en vacances à Rome pendant la semaine du conclave. II nous livre ses impressions sur l’élection.

« C’est extraordinaire de vivre un conclave sur place. Il y avait tout d’abord une atmosphère d’inquiétude et de paix à la fois, une certaine impatience de voir les cardinaux “libérés”. À la vue de la fumée blanche, ce fut la surprise et en même temps, le soulagement, la joie d’avoir un pasteur. J’ai observé le “phénomène romain” : de partout, les gens accouraient, comme s’ils sortaient des pavés ! Puis, ce fut l’étonnement à l’annonce du nom. Et sur l’écran, nous avons enfin vu son visage : souriant, humble, pauvre. Le geste très touchant du pape qui s’est incliné devant les fidèles nous montre combien c’est un homme intérieur et proche des gens. J’ai l’impression que l’on est un peu dans le même état d’esprit qu’à l’élection de Jean-Paul II. Ce pape vient lui aussi de loin, il n’était pas attendu non plus. Il va sans doute nous surprendre ! J’aimerais beaucoup retrouver la familiarité que nous avions avec Jean-Paul II. Ce dernier nous demandait d’entrer dans l’espérance. Benoît XVI nous a fait grandir dans la foi. François nous introduira sans doute dans la charité ! Il va aussi nous permettre de vivre les JMJ avec encore plus d’enthousiasme. Je suis sûr que les lycéens l’aimeront dès qu’ils verront l’attachement que je lui porte déjà. Ils seront la génération François ! À Paris, nous devrions bénéficier du dynamisme de l’Église latino-américaine, dont le souffle évangélisateur est puissant. Peut-être pourrons-nous même prendre appui sur la foi décomplexée des Latinoaméricains. » • Propos recueillis par Agnès de Rivière

Extrait de la Première homélie du pape François, lors de la messe célébrée le 14 mars dans la chapelle Sixtine, avec tous les cardinaux.

« Nous pouvons marcher comme nous voulons, nous pouvons édifier de nombreuses choses, mais si nous ne confessons pas Jésus Christ, cela ne va pas. Nous deviendrons une ONG humanitaire, mais non l’Église, épouse du Seigneur. Quand on ne marche pas, on s’arrête. Quand on n’édifie pas sur les pierres, qu’est ce qui arrive ? Il arrive ce qui arrive aux enfants sur la plage, quand ils font des châteaux de sable, tout s’écroule : c’est sans consistance. Quand on ne confesse pas Jésus Christ, me vient la phrase de Léon Bloy : « Celui qui ne prie pas le Seigneur, prie le diable. » Quand on ne confesse pas Jésus Christ, on confesse la mondanité du diable, la mondanité du démon.
Marcher, édifier-construire, confesser. […] La chose n’est pas si facile, parce que dans le fait de marcher, de construire, de confesser, bien des fois, il y a des secousses, il y a des mouvements […] qui nous tirent en arrière. […]
Quand nous édifions sans la croix et quand nous confessons un Christ sans Croix, nous ne sommes pas disciples du Seigneur : nous sommes mondains, nous sommes des évêques, des prêtres, des cardinaux, des papes, mais pas des disciples du Seigneur. Je voudrais que tous, après ces jours de grâce, nous ayons […] vraiment le courage, de marcher […] avec la Croix du Seigneur ; d’édifier l’Église sur le sang du Seigneur […] ; et de confesser l’unique gloire : le Christ crucifié. Et ainsi l’Église ira de l’avant. » • Intégralité du texte sur www.vatican.va

Témoignage
Mariée et mère de quatre enfants, Agustina Laxague, Argentine de 38 ans, habite en France depuis quinze ans. Très émue lors de l’élection, elle nous transmet son espérance.

« L’élection du pape m’a complètement surprise. J’en suis très heureuse et très fière. C’est un changement pour l’Église ! Ce que Jean-Paul II a fait pour l’Europe de l’Est, j’espère que François le fera pour l’Amérique
latine qui souffre d’une crise sociale. J’espère aussi qu’il tiendra bon dans le combat pour la vie et qu’il revalorisera, en Europe, l’importance des liens familiaux. Je crois que c’est par la famille que l’on peut ramener les brebis égarées vers l’Église. » • Propos recueillis par Agnès de Rivière

[1Les jésuites, outre les voeux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance, prononcent un voeu d’obéissance au pape
pour ce qui concerne les missions.

[2Source : Agence I.MEDIA.

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