« Saint François de Sales a révolutionné la spiritualité en Occident »

Paris Notre-Dame – Qu’est-ce qu’une lettre apostolique et quelle portée est-elle appelée à avoir ?

P. Olivier Nicque – Une lettre apostolique est un document de la main du pape que ce dernier publie à l’occasion d’un événement particulier de la vie de l’Église – tel un synode ou ici un anniversaire_– et qui a une valeur doctrinale officielle. Même si son importance est moindre qu’une encyclique, une lettre apostolique entre dans le magistère ordinaire. Le pape Pie XI avait déjà rédigé une lettre apostolique en 1922 à l’occasion du 300e anniversaire de la mort de saint François de Sales.

P. N.-D. – Pourquoi le pape a-t-il souhaité mettre en avant la figure de saint François de Sales à l’occasion de cet anniversaire ?

O. N. – Saint François de Sales a révolutionné la spiritualité en Occident en expliquant que ce qu’il appelait la dévotion n’était pas réservée aux religieux mais à tous les chrétiens quels que soient leurs états de vie. Il est le premier à évoquer ce que l’on nommera plus tard l’appel universel à la sainteté repris par le Concile Vatican II. Il a saisi qu’il pouvait faire l’œuvre de Dieu avec douceur, valeur chère au pape François. Sa phrase-clé était d’ailleurs : « L’humilité envers Dieu et la douceur envers le prochain. »

P. N.-D. – En quoi saint François de Sales peut-il être un repère « pour le changement d’époque que nous vivons » comme l’écrit le pape François ?

O. N. – Saint François a été l’homme qui a su se mettre au service du peuple de Dieu tout en s’adaptant aux contraintes de son auditoire. Évêque, il parcourait la montagne à dos d’âne pour aller évangéliser jusque dans les villages les plus isolés. Il était tout autant à l’aise avec la reine de France qu’avec une paysanne analphabète des Alpes. Il expliquait les mystères de la religion catholique de manière simple.

P. N.-D. – Avec ce titre Totum amoris est, Le pape François a souhaité mettre en avant l’amour. Quelle forme prenait-il chez saint François de Sales ?

O. N. – Il a beaucoup écrit, jusqu’à une vingtaine de lettres par jour en plus de son ministère d’évêque. Il rappelait fréquemment à ses destinataires : « _Il faut fleurir là où Dieu nous sème. » C’est son grand enseignement. En d’autres termes : soyez qui Dieu veut que vous soyez, où Il vous a placés, sans chercher autre chose. Aimez ceux que Dieu vous a donné d’aimer là où vous êtes en étant ce que vous êtes. Soyez saints dans les petites choses du quotidien finalement !

P. N.-D. – Le pape salue également dans son texte la capacité de l’évêque de Genève à concilier « contemplation et action ». Une clé pour notre époque ?

O. N. – Il y a une cinquantaine d’années, nous étions invités à n’être que dans l’action. Aujourd’hui, l’accent est davantage mis sur la prière et l’adoration. Or, il y a un véritable équilibre à trouver. Il ne sert à rien d’être pieux sans aimer son prochain et le vivre concrètement au quotidien. Pour saint François, la vie de prière se vérifie dans ce que l’on vit. Le pape partage une belle citation à la fin de sa lettre : « Et si vous trouvez d’autres choses à sa louange que je ne vous ai pas dites maintenant, que cela se voie dans votre manière de vivre. » Cela n’est pas sans rappeler les tribulations vécues par l’Église ces dernières années et les comportements de certains de ses serviteurs qui avaient écrit des livres spirituels merveilleux mais vivaient tout l’inverse dans leur quotidien.

Propos recueillis par Mathilde Rambaud