« Deux sagesses qui se rencontrent »

Paris Notre-Dame du 6 juillet 2023

Le 29 juin, le pape François s’est penché sur une autre figure qu’il affectionne, Blaise Pascal, à travers la lettre apostolique Grandeur et misère de l’homme, publiée à l’occasion des 400 ans de la naissance du philosophe. Décryptage avec le P. David Rabourdin, vicaire à la Ste-Trinité, auteur de Pascal. Foi et conversion.

Paris Notre-Dame – Comment présenter Grandeur et misère de l’homme, du pape François ?

P. David Rabourdin, vicaire à la Ste-Trinité (9e), auteur de “Pascal, Foi et conversion” (Éd PUF, 2013).
© D. R.

P. David Rabourdin – Cette lettre apostolique se veut accessible à tous et se lit très facilement. Ce que je trouve particulièrement intéressant, c’est qu’on ne verse pas dans l’image d’Épinal. Au contraire, le pape François nous donne à voir un Blaise Pascal (1623-1662) en mouvement, lui qui était mû par ce double élan de recherche et d’ouverture. La marque de son génie, c’est cette ouverture de fond aux problèmes et aux défis de son temps, à la société, à la vérité. Le pape emploie d’ailleurs très souvent la formule « chercheur de vérité ». Dans son intelligence prodigieuse et toujours inquiète, Pascal s’est sans cesse tourné vers de nouveaux horizons : mathématiques, physique, philosophie, théologie, etc. Il avait aussi une grande ouverture à Dieu. Cette foi a développé en lui une grande proximité avec la condition humaine.

P. N.-D. – Qu’est-ce qui relie le pape François, jésuite, à Blaise Pascal, qui a combattu les jésuites ?

D. R. – Il y a, à mon sens, deux sagesses qui se rencontrent. Le pape François souligne, à plusieurs reprises, combien Blaise Pascal n’était pas un être isolé de son temps, soulignant « son ouverture étonnée à la réalité ». Cela fait écho à plusieurs textes du pape François – notamment celui de la Joie de l’Évangile qui a ouvert son pontificat – qui rappellent combien « la réalité est supérieure à l’idée » et qui se traduit en quelque sorte chez Pascal par « qui veut faire l’ange fait la bête ». Il y a une mise en garde vis-à-vis des « bulles de croyance », des postures qui font des hommes les membres d’un clan plutôt que des êtres fidèles au désir de Dieu. Un autre motif d’affinité, c’est l’humilité que prône les deux hommes et que le pape François souligne à plusieurs reprises à propos de Blaise Pascal, comme le signe d’une conversion authentique. Pour le pape, l’humilité est le remède qui nous délivre de la « conscience isolée », celle qui se coupe de la réalité et s’enferme dans une forme d’orgueil et une position de supériorité.

P. N.-D. – Pouvez-vous nous dire un mot sur sa conversion ?

D. R. – Il y a plusieurs étapes dans sa conversion, et il est difficile d’en tirer une chronologie précise. Mais Pascal nous a laissé un témoignage important, celui d’une expérience spirituelle, d’un face-à-face avec Dieu. Cette expérience, il en fait mémoire dans un texte (recopié deux fois et plié l’un dans l’autre) cousu dans son pourpoint et retrouvé après sa mort. Dans ce témoignage, qu’on a appelé « La Nuit de feu » (et que Pascal a daté très précisément du 23 novembre 1654, « depuis environ dix heures et demie du soir jusqu’à environ minuit et demi »), il revit en quelque sorte l’expérience du buisson ardent et retranscrit des citations bibliques, des résolutions et des prières. Ce texte, intime, est devenu selon moi un bien commun, le mémorial d’une rencontre au moins possible avec Dieu ; un Dieu de consolation et de joie puisque les mots qu’il emploie le plus sont « certitude », « joie » et « paix ».

P. N.-D. – Que peut nous dire, en 2023, l’auteur du XVIIe siècle ?

D. R. – Pascal peut toucher tout le monde car, comme dit le pape François, « il a parlé de la condition humaine de façon admirable ». Il en saisit tous les paradoxes. Il s’est donné à nos solitudes, nos contradictions ; il s’est centré sur notre condition commune en se penchant sur la solitude, la mort, le besoin de divertissement, etc. Ces questionnements sont bien sûr toujours les nôtres au XXIe siècle, et en cela, il est toujours très proche de nous. Toute personne qui porte un regard lucide sur l’humanité et la société trouve en Blaise Pascal un « compagnon de route », comme dit le pape, et je ne peux que recommander à chacun la lecture des Pensées.

Propos recueillis par Charlotte Reynaud

Grandeur et misère de l’homme. Lettre apostolique pour le 4e centenaire de la naissance de Blaise Pascal , pape François, présentation de Jean de Saint-Cheron, Salvator, 48 p., 5,90€.

 Lire aussi : Lettre apostolique “Sublimitas et miseria hominis” du pape François

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