Prier avec les chrétiens d’Orient
Paris Notre-Dame du 10 avril 2014
P. N.-D. – La semaine sainte approche, comment prier avec les chrétiens d’Orient ?
P. Ziad Hillal – Pour vivre le carême avec eux, l’Œuvre d’Orient propose un chemin de croix rédigé par des chrétiens sinistrés et réfugiés de Syrie et du Proche-Orient [1]. La Passion du Christ peut permettre à ceux qui le souhaitent d’entrer ainsi en communion avec eux dans un esprit de fraternité et de solidarité spirituelle.
P. N.-D. - Comment décrire la situation actuelle des chrétiens en Syrie ?
P. Z. H. – A Homs où je suis, il reste moins de 20%des chrétiens sur les 120 000 que la ville comptait au début du conflit. La plupart ont fui par peur. Homs est divisée entre le centre, tenu par les rebelles, et le reste de la ville. Là où je suis, au centre Al Mukhales (Saint-Sauveur), la zone est dite sécurisée, tout fonctionne à peu près. Mais dans le centre, le P. Francis Vander Lugt, un jésuite néerlandais, qui était tout seul avec vingt-quatre chrétiens, vient d’être tué. Sur la route de Damas à Homs, au moins quatre localités où vivaient des chrétiens n’en comptent plus un seul. Malgré la violence quotidienne, je m’étonne encore de voir que les croyants n’ont jamais cessé de venir dans ma paroisse. Ils ont soif de la parole de Dieu et se nourrissent de son espérance. Ils croient encore que Dieu est avec eux.
P. N.-D. - Ils ne fuient plus leur pays ?
P. Z. H. – Si, tous les jours des jeunes chrétiens partent. Mais ils sont en réalité divisés. Il y a ceux qui veulent rester quoi qu’il arrive, et ceux qui pensent à fuir pour trouver un refuge à l’étranger. Je pense à cet homme de 27 ans rentré récemment du Liban voir sa famille à Homs. En allant chercher du pain, il a perdu sa jambe dans un attentat à la voiture piégée : « Qu’est que je gagne à rester ici, j’y ai déjà laissé ma jambe ? », m’a-t-il dit. Les Syriens, et pas seulement les chrétiens, en ont assez de la guerre. Alors que la quatrième année de conflit s’ouvre, il faut rester solidaire avec ce peuple qui n’a jamais autant souffert.
P. N.-D. - Que peuvent faire les chrétiens de Paris pour eux ?
P. Z. H. – Ils peuvent prier. En septembre, une journée de jeûne et de prière demandée par le pape a eu un grand retentissement. Elle a permis de sensibiliser tous les chrétiens à la situation. Ceux de Syrie ont senti que l’Église était auprès d’eux. Les chrétiens peuvent aussi aider les associations humanitaires, afin de poursuivre notre aide auprès des déplacés et de ceux qui n’ont pas quitté le pays. Car l’enjeu est là. Il faut aider les chrétiens à rester en Syrie. Beaucoup, surtout les jeunes, n’ont plus de travail et partent. Ils doivent pourtant se sentir utiles. Il faut financer des activités pour eux. C’est ce que nous proposons dans le centre d’Al Mukhales : nous avons regroupé près de 400 enfants qui ne peuvent plus aller à l’école ; et ce projet a créé des emplois. Si nous n’agissons pas, il n’y aura bientôt plus de chrétiens en Syrie. • Propos recueillis par Eric de Legge
[1] Ce chemin de croix a été publié dans le supplément de janvier-février 2014 du magazine Prier. Il est disponible sur le site internet de l’Œuvre d’Orient : www.oeuvre-orient.fr