« Si je n’ai pas la charité » : chronique hebdo #04 de Mgr de Sinety
« Ce que révèle Hiver Solidaire comme toute activité caritative, c’est que nos cœurs ont une capacité à aimer qui ne s’épuise jamais. » Mgr Benoist de Sinety est vicaire général du diocèse de Paris.
La charité n’est pas d’abord une affaire de mots et de discours, mais elle est actions et gestes.
Tous ces faits que je vous ai rapportés, ces petits fiorettis d’Hiver Solidaire que j’ai énuméré les semaines passées, me mènent à réfléchir avec vous à cette petite idée qui parfois flotte dans nos têtes et dans l’air du temps. Cette idée qui consiste à prétendre que nous sommes faits pour aimer par cercle. Dans le première cercle nos plus proches - parents, enfants, conjoints, amis chers… Dans le deuxième cercle ceux qui nous sont un peu moins proches – amis, collègues… Dans un troisième cercle ceux qui sont encore moins proches et ainsi de suite. Nul ne sait, ou n’ose dire, à combien de cercles il faut s’arrêter.
Ce qui est commode, pense-t-on naïvement, c’est que du coup l’essentiel est d’aimer ses plus proches. Que notre cœur est « programmé » comme cela. Et que, de même que nos pays ne peuvent pas « accueillir tout la misère du monde », nos cœurs ne peuvent aimer tous ceux qui se présentent. Dans l’Evangile, le Seigneur nous met en garde : « Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains et les païens n’en font-ils pas autant ? » (Mt 5,47). Si nous ne saluons que nos frères que faisons-nous d’extraordinaire ? Rien d’autres que ce que font tous les hommes.
Ce que révèle Hiver Solidaire comme toute activité caritative, c’est que nos cœurs ont une capacité à aimer qui ne s’épuise jamais. Parce que cette capacité ne réside pas en nos forces ou en nos seules volontés : nos muscles s’épuisent, nos santés peuvent vaciller, nos entreprises humaines sont toujours fragiles, mais notre capacité à aimer ne se tarit jamais car elle est sans cesse alimentée par le cœur de Dieu. Et être ainsi convoqués par un projet à aimer ceux que spontanément nous n’aurions pas songés à aimer nous force à nous interroger sur la manière dont nous comprenons ce que Jésus nous enseigne. Est-ce un code de bonne conduite qui nous livre à notre seule conscience ou un appel à notre lucidité ?
Oui, nous voici devant des frères, ils ne demandent pas d’abord de l’argent ou de la nourriture, mais que nous leur montrions en les aimant, que Dieu les aime et qu’ils ont à ses yeux autant de prix que chacune de nos vies ! Et le plus stupéfiant, figures-vous, c’est que ça marche ! D’un coup les cœurs battent plus vite, les idées germent et l’enthousiasme se fait. Nos cœurs sont faits pour battre au rythme de celui de Dieu, pas de nos peurs et de nos angoisses qui nous murent et nous isolent.
Et l’entrainement se fait, car chacun de ceux qui vit cette expérience n’a de cesse ensuite de la communiquer à son tour, mais pour cela, il fallait qu’au départ un cœur se convertisse…