« Si je n’ai pas la charité » : chronique hebdo #11 de Mgr de Sinety
« Oui, priez pour ceux vis-à-vis desquels nous pensons parfois qu’il n’y a plus rien à faire, qu’ils sont trop loin, trop perdus, parce qu’alors il n’y a plus que la prière. » Mgr Benoist de Sinety est vicaire général du diocèse de Paris.
Dans un square du nord de Paris depuis de nombreux mois des jeunes marocains, âgés de 12 à 18 ans, végètent. Ils sont arrivés de la ville de Fès, dont ils sont pour la plupart originaires. Ils n’appartiennent pas à des bandes ou des réseaux organisés. Ils sont venus d’eux-mêmes, traversant l’Espagne, pour finir à Paris. Cette présence, au début étonnante, a fini par inquiéter et mobiliser les autorités et les associations. Ces jeunes, livrés à eux-mêmes, sont désormais addicts à toutes sortes de drogues et commettent des délits. Deux associations, dont une « Aux captifs la libération » est liée à notre diocèse, ont reçu de la ville la mission de les accompagner, et de voir comment les aider. C’est un phénomène nouveau dans notre pays que de voir ainsi ce genre de bandes, vivant d’une manière sauvage, comme on peut les rencontrer dans les quartiers déshérités des grandes villes africaines ou latino-américaines.
Le travail demandé aux éducateurs et aux associations est gigantesque. D’abord parce que nous avons peu d’expériences sur ce sujet et ensuite parce que ces enfants partent de tellement loin… Ils ont souvent grandi dans les rues de leur ville d’origine, abandonnés, se construisant eux-mêmes à partir des lois de la rue et donc de la violence. Venus s’installer au cœur de notre capitale, ils nous interrogent.
Comment ne pas entendre en écho résonner la phrase de Jésus invitant ses disciples à laisser les petits enfants venir à lui. Phrase si souvent proclamée dans la joie de cérémonie de baptême de bébé, au milieu des enfants du catéchisme. Phrase qui nous émerveille alors et qui nous touche au cœur lorsque nous l’entendons en contemplant ces jeunes visages et les regards posés sur eux par des parents aimants. Mais comment la comprendre face à ces enfants ? Ils ne sont pas porteurs d’un message politique. Ils ne cherchent pas à porter un quelconque témoignage. Ils sont, tout simplement. Réalité parmi d’autres dans un monde en souffrance, secoué par les spasmes du péché, tenaillé par l’injustice. Pour ces jeunes-là, nous ne pouvons pas faire grand-chose, sinon soutenir ceux qui, professionnels, sont appelés à les accompagner. Mais nous pouvons prier pour eux.
Oui, priez pour ceux vis-à-vis desquels nous pensons parfois qu’il n’y a plus rien à faire, qu’ils sont trop loin, trop perdus, parce qu’alors il n’y a plus que la prière. Et, si elle ne nous exempte pas des actes et des réflexions, la prière n’est-elle pas la preuve même que l’esprit de charité est vivant en nos cœurs ?