« Si je n’ai pas la charité » : chronique hebdo #13 de Mgr de Sinety
« Ce temps du carême nous le rappelle avec vigueur : ce que nous sommes est essentiel, et pas simplement ce que nous pensons, ou ce que nous disons. » Mgr Benoist de Sinety est vicaire général du diocèse de Paris.
Et si nous profitions de ce carême pour nous réincarner ? Rassurez-vous mon propos n’est pas de vous guider une voie éloignée de notre foi chrétienne ! Non, si j’évoque cette nécessité pour chacun d’entre nous c’est qu’il s’agit bien d’un enjeu majeur. Il en va du témoignage de notre foi. Oui il est nécessaire aujourd’hui de prendre vraiment conscience que la puissance du christianisme tient évidemment dans le mystère de l’incarnation. Un jour de notre histoire, Dieu a choisi de prendre chair dans notre chair, de se faire homme parmi les hommes, au sens plein et entier de ce que cela signifie. Pourquoi est-ce si important ? Ne pourrions-nous pas nous contenter d’une foi plus éthérée ? Et donc plus conceptuelle ? Ne pourrions-nous pas comme tant d’autres sur la terre nous contenter de confesser notre foi en un dieu invisible, et donc totalement inatteignable.
Ce serait beaucoup plus simple… Car si Dieu ne s’est pas fait homme, alors pourquoi perdrions-nous du temps à être des hommes ? À nous interroger sur cette question pourtant essentielle : « qu’est-ce qu’un homme ? ».
Ce serait tellement plus facile de nous exempter ainsi de toute introspection et de toute remise en cause. Ainsi l’existence humaine s’écoulerait de manière rassurante, balisée par des commandements intangibles et impérieux dont il suffirait de respecter la lettre pour s’estimer quitte de ses devoirs religieux et par conséquent de ses devoirs tout court. Mais il n’en est rien. Pour ceux qui se veulent disciples de Jésus, il n’en est jamais terminé de descendre comme le dit l’écriture toujours plus profondément « en soi-même ». Ce temps du carême nous le rappelle avec vigueur : ce que nous sommes est essentiel, et pas simplement ce que nous pensons, ou ce que nous disons. Car l’ensemble de ce que nous pensons, de ce que nous disons, de ce que nous faisons, constitue ce que nous sommes. Dieu n’a pas créé des esprits, il a créé des êtres de chair, de sang et d’esprit ! Ce sont nos corps qui nous mettent au quotidien en relation les uns avec les autres, ce sont nos corps qui nous dévoilent les uns aux autres et qui révèlent une partie de nous-mêmes. Trop souvent nous pouvons être tentés de faire du christianisme une religion de salon, où l’on échange des concepts intelligents mais où l’on risque d’oublier la réalité crue. Nous aurons l’occasion dans les prochaines chroniques de revenir sur ce point.
Car il est bon de ne jamais perdre à l’esprit que le Christ nous envoie dans le monde, et non pas hors du monde, pour témoigner aux hommes et aux femmes de notre époque, et non pas à ceux d’hier ni de demain, de ce que, en nous Dieu accomplit et qu’il veut, par nous accomplir en chacun.