« Si je n’ai pas la charité » : chronique hebdo #18 de Mgr de Sinety
« Nous sommes aujourd’hui souvent enfermés, pour ne pas dire piégés, par des structures de péché qui sont comme des filets. Ces filets nous ont pris dans leurs mailles et nous nous sentons impuissants à trouver une sortie. Et pourtant cette sortie nous est proposée par l’Évangile. » Mgr Benoist de Sinety est vicaire général du diocèse de Paris.
Continuons si vous le voulez bien, à parler du juste prix ! Il y a le juste prix que me coûte les choses dont j’ai besoin, il y a aussi le juste prix que je demande aux autres pour les services que je leur propose. Ainsi, par exemple, la question ô combien épineuse dans une ville comme Paris du loyer des appartements.
Loin de moi l’idée de remettre en cause la possibilité pour ceux qui en ont les moyens, et la chance, d’être propriétaires de leur propre logement et parfois même d’autres appartements qu’ils mettent en location. Mais une question se pose alors : quel loyer en demander ? Est-il par exemple légitime que dans notre bonne ville de Paris des chambres soient proposés à des étudiants pour des sommes qui tournent jusqu’à 600 ou 700 € mensuels ?
La question mérite d’être mieux posée : si je suis propriétaire d’une chambre que je désire mettre en location, quels sont les critères qui motivent ce désir ? Est-ce pour me permettre légitimement de trouver des revenus nécessaires à assurer mon quotidien ? Ou bien est-ce pour pouvoir recevoir des revenus supplémentaires qui ne sont pas nécessairement vitaux, essentiels ? Alors que la mode est à la spéculation et souvent à la recherche de l’argent le plus facile possible, le chrétien ne doit-il pas se distinguer en refusant ces pratiques ? Est-il légitime de chercher à acquérir toujours plus, quelles qu’en soient pour les autres les conséquences ?
Est-il légitime de demander à des étudiants qui ont souvent des ressources faibles et limitées, de payer des loyers qui ne sont légitimés que par des statistiques et non par la justice ? Ainsi plutôt que de demander un loyer de 600 ou 700 € par mois en obligeant ainsi mon locataire à chercher un argent qu’il n’a pas, pourquoi ne pas me résoudre à lui demander moins d’argent en prenant le risque d’être moi-même un peu moins riche ?
Nous sommes aujourd’hui souvent enfermés, pour ne pas dire piégés, par des structures de péché qui sont comme des filets. Ces filets nous ont pris dans leurs mailles et nous nous sentons impuissants à trouver une sortie. Et pourtant cette sortie nous est proposée par l’Évangile : le chemin qui nous donne de renoncer à nous-mêmes, en suivant le Christ. Le suivre, en portant la Croix de notre propre renonciation à nous laisser définir par le monde en fonction de nos richesses et de nos biens. Le suivre en étant son disciple, conscient que la seule richesse dont nous serons comptables devant lui est l’amour qu’en son nom nous avons reçu et donné.