Une éducation responsable à la vie affective et sexuelle
Paris Notre-Dame du 18 juin 2015
Paris Notre-Dame a enquêté sur l’éducation des adolescents à la vie affective, relationnelle et sexuelle. Quels sont les enjeux actuels et quelles propositions, d’inspiration chrétienne, existent dans le diocèse ?
Il n’est pas facile pour les adolescents d’aujourd’hui de trouver des repères solides dans leur vie. Que ce soit à l’école, à la maison, sur les réseaux sociaux ou encore à la télévision, ils entendent des discours et des prises de positions très différentes sur les thématiques sociétales. Une multiplicité, certes enrichissante, mais qui peut aussi désorienter. Cette réalité est particulièrement prégnante en ce qui concerne la vie affective et sexuelle. Dans ce contexte, comment aider les jeunes à poser des choix libres et responsables ? Dans le diocèse de Paris, il existe plusieurs propositions, d’inspiration chrétienne, pour l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (cf. encadré). Elles se développent dans le cadre de paroisses, d’établissements scolaires ou de mouvements. Si elles s’appuient sur des pédagogies diverses, elles poursuivent toutes un même objectif : valoriser la beauté et le sens d’une sexualité adulte responsable. Leur idée n’étant pas de se substituer aux parents, les premiers éducateurs de leurs enfants, mais de leur apporter un relais.
Travail sur le relationnel
Au-delà des connaissances biologiques, ces interventions montrent aux adolescents des approches spi- rituelles, psychologiques, sociales et éthiques de la vie affective et sexuelle. La vision anthropologique chrétienne la considère comme une dimension qui ne peut être dissociée de la dynamique globale d’un être humain et d’un projet de vie. Christiane Behaghel, éducatrice à Paris pour le CLER Amour et famille – organisme de formation agréé par l’État et partenaire privilégié de l’Enseignement catholique – depuis une dizaine d’années, insiste sur cet aspect : « Dans notre association, nous sommes persuadés que si nous ne faisons pas un travail sur le relationnel, nous restons dans la biologie et non dans la construction de l’être humain. Un enfant qui apprend à vivre mieux les changements généraux de l’adolescence abordera la sexualité de manière plus apaisée. » Au cours de leurs interventions, d’une durée d’environ deux heures, par groupes non mixtes, les éducateurs du CLER développent ainsi non seulement les thèmes de la transformation du corps (puberté, apparition du désir sexuel, etc.) mais aussi de l’évolution des relations familiales et de celles entre les filles et les garçons. Chaque année, ils rencontrent environ 60 000 jeunes dans toute la France, dont plus de 1000 à Paris. Le parcours d’éducation à une sexualité adulte et responsable TeenSTAR est aussi construit de façon à abor- der toutes les dimensions d’une per- sonne : physique, affective, sociale, intellectuelle et spirituelle. C’est le docteur Hanna Klaus, religieuse missionnaire catholique et gynécologue obstétricienne américaine, qui l’a mis au point aux États-Unis, en 1980. L’originalité de sa pédagogie ? Son inscription dans la durée : il s’étale sur dix à quinze rencontres, en petits groupes non mixtes de six à douze jeunes (le groupe de garçons animé par un homme, le groupe de filles par une femme). Un atout qui permet d’instaurer une confiance entre les personnes et de faciliter la libération de la parole. « Cela les amène à exprimer le trésor qu’ils ont à l’intérieur d’eux-mêmes. Comment voulez-vous faire les bons choix si vous ne savez pas qui vous êtes et si vous n’avez pas réfléchi à certaines situations délicates avant d’y être confrontés ? », interpelle Ève Beaure d’Augères, une animatrice TeenSTAR. Alexia Guérin, une autre animatrice, cite des témoignages marquants : « Une fille m’a dit “J’ai appris que je pouvais dire non”. Une autre a confié qu’elle avait pris conscience de sa féminité, alors qu’elle vit dans une famille de garçons. » Que ce soit lors des séances du CLER, de TeenSTAR ou d’autres associations, les animateurs s’adaptent beau- coup aux questions et aux besoins des adolescents, qui diffèrent d’une personne à l’autre. Les éducateurs du CLER construisent ainsi leurs inter- ventions après avoir recueilli anonymement, quelques semaines avant leur venue, des questions selon des thématiques proposées (cf. encadré). « Il ne faut pas chercher à transmettre un savoir, mais à rejoindre les jeunes là où ils en sont », souligne Christiane Behaghel. Les diverses associations s’accordent à dire qu’il est important d’organiser des rencontres sans les parents pour laisser plus de liberté aux enfants de s’exprimer sur une sphère intime. Néanmoins, certaines initiatives impliquent les parents avec leurs enfants. Comme, par exemple, à l’École de l’amour où, durant une demi-journée, ils suivent certains ateliers en commun et d’autres séparément. Cette formation, née de la demande de parents de St-Ferdinand des Ternes (17e) en 2004, est suivie, chaque année, par 600 à 900 collégiens parisiens. « Ce qui nous paraît important, c’est de responsabiliser les parents dans leur mission et de leur donner de la matière pour reprendre des sujets avec leurs enfants à la mai- son », souligne le P. Vincent de Mello, vicaire à St-François Xavier (7e) et chapelain de N.-D. du Bon Conseil.
La beauté du message de l’Évangile
Les diverses initiatives tiennent compte des bouleversements de la société. Si les animateurs ne veulent pas céder au catastrophisme, ils s’inquiètent de certaines évolutions, comme Christiane Behaghel : « Aujourd’hui, l’étalage d’une sexualité dite libérée est devenu tellement banal que de nombreux adolescents s’inquiètent de ne pas être dans la norme. C’est d’autant plus fort qu’à cet âge, on aime se conformer à ses pairs. Notre société a tendance à déconnecter le corps du reste de notre personnalité. L’enjeu est de revenir à l’essentiel de la sexualité qui est un langage d’amour. La vision anthropologique chrétienne va dans ce sens. » Pour le P. Vincent de Mello, il ne faut pas perdre trop de temps à parler « des défigurations de l’amour » à notre époque. À l’École de l’amour, c’est « la beauté et la pro- fondeur du message de l’Évangile » qui sont mises en avant. « Pour notre équipe, il n’y aucun sujet tabou. Il faut juste trouver l’art et la pédagogie pour en parler. Par exemple sur la contraception, beaucoup de parents m’ont dit qu’ils avaient redécouvert ce que disait l’Église. » Et le P. de Mello de rappeler qu’il ne s’agit pas de « faire la morale », mais d’avoir un « discours exigeant » pour valoriser « la culture de la vie » si chère au pape Jean-Paul II.
• Céline Marcon