La conversion
Extrait de Le Choix de Dieu aux Éditions de Fallois (1987).
Page 47.
Quelques mois après, je suis entré un jour dans la cathédrale, qui était sur le chemin quotidien du lycée. Au centre d’une place, alors non bâtie, venteuse, un énorme édifice, à la beauté austère et dépouillée, toujours en réparation. Je suis entré un jour que je sais aujourd’hui être le jeudi saint. Je me suis arrêté au transept sud, où brillait un foisonnement ordonné de fleurs et de lumières. Je suis resté un grand moment, saisi. Je ne savais pas pourquoi j’étais là, ni pourquoi les choses se passaient ainsi en moi. J’ignorais la signification de ce que je voyais. Je ne savais pas quelle fête on célébrait, ni ce que les gens faisaient là en silence. Je suis rentré dans ma chambre. Je n’ai rien dit à personne.
Le lendemain je suis retourné à la cathédrale. Je voulais revoir ce lieu. L’église était vide. Spirituellement vide aussi. J’ai subi l’épreuve de ce vide : je ne savais pas que c’était le vendredi saint - je ne fais que vous décrire la matérialité des choses, et à ce moment-là j’ai pensé : je veux être baptisé. Du coup, je me suis adressé à la personne chez qui je logeais. C’était le plus simple. Je savais qu’elle était catholique, qu’elle allait à la messe : je la voyais, je savais qui elle était.
Elle m’a dit : « Il faut demander à vos parents. » Elle m’a adressé à l’évêque d’Orléans, Mgr Courcoux. C’était un oratorien très cultivé ; il m’a instruit dans le christianisme, me donnant des leçons particulières. Dès le début de nos rencontres, il m’a invité à demander la permission de mes parents. La chronologie m’échappe, mais je me souviens très bien du jour où j’ai averti mes parents - une scène extrêmement douloureuse, parfaitement insupportable. Ils ont fini par accepter. Mais cela, c’est une autre histoire.
+Jean-Marie cardinal Lustiger
Archevêque de Paris