« Nous accueillons au nom d’un Autre »

Isabelle Renaud-Chamska, présidente d’Art Culture et Foi répondait à Paris Notre-Dame dans le numéro 1202 du 13 septembre 2007.

Paris Notre-Dame : Pour les églises de Paris, que vous inspire le thème des journées du patrimoine, « les métiers du patrimoine » ?

Isabelle Renaud-Chamska : Il est difficile de trouver des lieux plus intéressants que nos églises du point de vue des métiers du patrimoine. Elles sont le fruit du concours de nombreux métiers, ceux du bâtiment d’abord - charpentiers, couvreurs, vitriers, maçons … -, les métiers de la décoration – avec le travail de la pierre, du marbre, du stuc, du bois, du métal … -, et les métiers purement artistiques - peintres, sculpteurs, restaurateurs. Sans oublier, dans les sacristies, les métiers liés aux objets du culte : l’orfèvrerie, la chasublerie, la broderie, ni les métiers liés à la musique comme les facteurs d’orgue… On peut penser aussi aux éclairagistes, aux designers et aux chauffagistes qui mettent nos églises en état d’être fréquentées et habitées par nos contemporains et de passer une génération.
L’an dernier, près d’une cinquantaine de paroisses a participé à ces journées, en proposant des visites, des concerts, des expositions...

Pourquoi ?

Je constate que beaucoup de curés sont à l’écoute de ce public toujours plus nombreux à s’intéresser au patrimoine religieux. Les prêtres et leurs équipes se rendent compte qu’accueillir pour les journées du patrimoine n’est pas du tout incompatible avec la pastorale et l’annonce de l’Evangile. Durant ces journées, le public ne manifeste pas, comme parfois, la réticence à entrer dans une église. Il sait que comme dans les autres monuments, il y sera bien accueilli. Et il découvre en sortant qu’il a été souvent encore mieux accueilli qu’ailleurs.

Justement, quelle serait la spécificité de l’accueil dans les églises ?

Prosaïquement et par manière de clin d’œil, les gens viennent dans les églises car c’est le seul endroit où ils peuvent se reposer quand ils ont mal aux pieds ! Plus sérieusement, l’anecdote montre qu’ils ont perçu l’essentiel : l’église est un lieu d’accueil, d’hospitalité. C’est notre marque de fabrique. L’inscription du fronton de St-François-Xavier (7e), « Venez et voyez », pourrait l’être sur toutes les églises. « Venez », vous serez accueillis à bras ouverts. « Voyez » tout ce qu’il y a à voir, le patrimoine ancien et la communauté vivante qui s’y réunit, et bien d’autres choses encore, dans l’ordre de l’invisible. A mon avis, ce n’est évidemment pas le moment de lire l’Evangile au visiteur, car il y a des règles d’hospitalité à respecter. Je crois que la qualité de l’accueil évangélique se mesure à notre capacité à nous intéresser au visiteur, à l’accueillir pour ce qu’il est : seul, en groupe, avide de solitude ou au contraire de dialogue. Nous devons accueillir l’autre avec ses questions mais aussi ses réponses, écouter ce qu’il a à nous dire, sans lui imposer un discours tout fait. Nous ne sommes pas là pour enseigner. On apprend à sentir intuitivement ce qui est recevable par le visiteur. Notre discours doit faire écho à ce que nous comprenons de lui. Cette mise en écho est particulièrement facile à faire dans une église car tout résonne, pas seulement l’architecture, mais la peinture, la sculpture…

Les églises ne sont pas des musées. Comment faire sentir la différence ?

Je crois que les visiteurs le perçoivent : d’abord il y a l’odeur particulière des églises. Puis une certaine manière de se tenir et de parler du lieu : non pas à la manière d’un conférencier ou un conservateur de musée, mais comme quelqu’un qui est un peu chez lui. Le visiteur verra tout de suite au ton de la voix, à la façon de se placer, que l’église est une maison, un lieu de vie, un patrimoine vivant. Si l’accueillant est de la maison, il n’est toutefois pas complètement chez lui, mais chez Dieu. Il accueille au nom d’un Autre, il est un médiateur, comme saint Jean Baptiste qui désigne Celui qui vient.

Pour vous, à quelles conditions ces journées sont-elles l’occasion de parler de notre foi ?

Le lieu parle de Dieu, les œuvres également. Ce sont d’abord elles qui évangélisent. Une église est un grand livre. Nous devons bien sûr montrer au visiteur comment le lire, et le lui traduire. Nous ne serons l’écho de la Parole de Dieu qu’à condition d’en être non pas les propriétaires mais les dépositaires, et d’en vivre. Nous serons de bons évangélisateurs si nous sommes capables nous aussi de nous laisser évangéliser. Ce que le visiteur ressentira, c’est la manière dont nous sommes touchés par le lieu et les œuvres, et par sa présence à lui en tant que visiteur. Puis, à un moment donné, il est essentiel de savoir se taire et se retirer, laisser le visiteur seul dans sa relation au lieu et à Dieu. Il faut faire confiance à la manière dont la Parole peut frapper mystérieusement l’oreille et le coeur de celui qui a été accueilli.

Recueilli par Claire Folscheid.

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