Divorcés non remariés, une pastorale en construction
Paris Notre-Dame du 5 juin 2025
Souvent absents des discours ecclésiaux, les divorcés non remariés nourrissent pourtant une véritable soif spirituelle avec des besoins spécifiques liés à leur nouvelle situation conjugale. Parfois blessés mais profondément attachés aux promesses de leur mariage, ils cherchent à se reconstruire, être écoutés et retrouver leur place dans l’Église. À Paris et sa région, plusieurs initiatives ont émergé ces dernières années pour répondre à leurs besoins d’écoute, d’accompagnement et de formation spirituelle.

Ils ont fait le choix de rester célibataire après leur divorce ou leur séparation, par fidélité, pour des raisons propres à chacun, aux promesses de leur mariage. Ces catholiques divorcés mais ni remariés ni en nouvelle union forment un public discret, peu visible dans l’Église et – aux dires des premiers concernés – « oublié » des propositions pastorales, notamment parce que, célibataires, ils conservent un plein accès aux sacrements. À Paris plus qu’ailleurs, les mariages brisés se multiplient et constituent autant de parcours marqués par la solitude, la douleur et un regard parfois dur porté sur soi-même voire sur sa propre légitimité ecclésiale. En effet, il peut être difficile de retrouver sa place dans une communauté qui célèbre le couple, le mariage et la famille. Une épreuve conjugale et sociale qui s’accompagne alors d’un questionnement spirituel profond sur sa relation à Dieu, sa compréhension de l’Église et l’acceptation du regard des autres. « Les catholiques ont parfois tendance à idéaliser la vie conjugale. Dès lors, celui ou celle qui vit un échec peut être perçu comme n’ayant pas fait ce qu’il fallait ou même comme un danger pour son propre couple, et le jugement surgit assez spontanément. Pourtant, ces personnes ont avant tout besoin d’un regard de miséricorde et d’être accueillies sans aprioris – avec le même regard que Dieu pose sur chacun de nous et nos blessures respectives », soulignent Jean Villeminot, diacre à St-Léon (15e), et Philippe Chauveau, diacre à St-François-Xavier (7e) et directeur de la Maison Familya SFX située dans le même arrondissement. Depuis 2022, s’y tient le parcours « Revivre », destiné à ceux qui sont en plein divorce et dans l’épreuve des premiers temps.
Nourrir sa foi et la faire grandir
À la rentrée dernière, ayant pris conscience de la véritable soif de formation spirituelle dont certains avaient pu manquer, les deux diacres créent, au sein de la Maison Familya SFX, « Où demeures-tu ? », un parcours d’approfondissement de la foi, une annonce de la Bonne Nouvelle, destiné aux hommes et femmes séparés ou divorcés depuis plusieurs années déjà mais non remariés. « Ces catholiques, parfois éloignés de toute pratique, expriment un profond besoin de mieux comprendre l’enseignement de l’Église afin d’y retrouver leur place, approfondir leur relation au Christ et vivre pleinement, comme tout chrétien, leur vocation de baptisés, malgré l’épreuve de la rupture », expliquent les deux animateurs. La douzaine de participants de cette première promotion, âgés de 45 à 50 ans et majoritairement des femmes, exprime ce besoin de groupe de partage spirituel. À l’exemple de Christelle, 49 ans, mère de deux enfants et séparée depuis trois ans, qui a découvert l’annonce par hasard sur la feuille d’information de sa paroisse du 15e arrondissement. Alors que la fin du cycle annuel approche, elle confie combien « ce parcours [lui] a permis de réfléchir à [sa] situation, avec d’autres personnes vivant la même réalité » : « Il comprend aussi une dimension catéchétique que je redécouvre avec beaucoup d’intérêt. Cela fait émerger de nombreuses questions. J’ai parfois le sentiment d’apprendre aujourd’hui ce que j’aurais dû savoir il y a vingt ans, ce qui peut être un peu frustrant. Mais c’est ce dont j’avais besoin : une base pour marquer un nouveau départ dans ma vie. » Aude, 59 ans, paroissienne de St-François-Xavier, divorcée depuis sept ans, ajoute : « Ce parcours, ramassé sur quelques mois, m’a redonné l’élan pour quitter la posture de révolte dans laquelle je m’étais enfermée. Pendant des années, je m’étais tenue à l’écart de l’Église, ne me sentant plus légitime. » Car c’est l’un des drames de ces anciens époux comme le rappelle Cathy Dufour, responsable de l’antenne parisienne de la Communion Notre-Dame de l’Alliance (CNDA) – qui accompagne depuis les années 1980 les personnes séparées vivant seules dans la fidélité à leur mariage sacramentel : « Certains fidèles, très engagés dans la vie de l’Église, portant sur eux-mêmes un regard d’échec, n’osent plus prendre part aux activités de leur paroisse, poursuit Cathy Dufour. Tout lien social se désagrège alors parce que beaucoup d’engagements se vivaient en couple. » Les invitations deviennent compliquées, les plans de table des dîners ne fonctionnent plus et les amis ne savent pas toujours comment accueillir cette souffrance. « Pourtant, poursuit-elle, les personnes divorcées qui restent seules ont besoin qu’on continue à leur proposer des liens simples, qu’on ne les ramène pas à leur nouveau statut conjugal. »
Des propositions diverses appelées à travailler ensemble
Fort de ses quarante ans d’expérience, la CNDA compte aujourd’hui 350 membres, dont une vingtaine de Parisiens. Leurs profils sont variés, à l’image de la diversité de chaque histoire : certains se présentent quelques mois après leur séparation quand d’autres le font des années plus tard. « Il y a un profond besoin d’un lieu – qu’il soit géographique, humain ou spirituel – où l’on puisse se poser et être compris pour sortir de la souffrance et s’engager sur un chemin de pardon et de paix », explique la responsable parisienne. Atteindre le pardon apparaît comme une étape décisive, non seulement dans leur chemin spirituel mais aussi dans leur reconstruction intérieure. « Le pardon n’est pas l’oubli, ni l’effacement du mal subi, mais une décision spirituelle qui ouvre un avenir », déclare le P. Clément Nguyen, directeur du Centre spirituel jésuite Manrèse à Clamart (Hauts-de-Seine) qui propose, depuis 2017, un parcours annuel intitulé « Oser choisir la vie ». Une démarche, parfois longue et exigeante mais essentielle pour ne pas rester enfermés dans la blessure ou le ressentiment. Il s’agit également de se réconcilier avec soi-même et avec Dieu, en relisant son histoire à la lumière de l’Évangile. Comme le souligne encore le P. Nguyen, « le pardon ne supprime pas la souffrance mais peut participer à lui donner un sens ». L’écoute entre participants, le soutien fraternel, le regard porté sur sa propre histoire deviennent des outils de relèvement. « Les fiancés s’engagent-ils en pleine connaissance de cause ? », s’interroge le P. Nguyen, plaidant pour une véritable démarche de discernement avant le mariage, comparable à celle d’une vocation religieuse ou sacerdotale : « On en parle peu, mais c’est tout aussi important : dans le mariage, on engage également toute sa vie. » Malgré leur richesse et leur diversité, ces propositions restent parfois méconnues, en premier lieu des personnes concernées. Comme certains diocèses qui ont intégré la question des divorcés non remariés à leur pastorale familiale, l’Église de Paris a organisé au début du printemps une rencontre inédite, rassemblant des représentants des groupes existants avec l’objectif de permettre à ces acteurs de mieux se connaître. Une première étape qui pourrait poser les bases d’un parcours diocésain à venir.
Mathilde Rambaud
Informations pratiques
- Pastorale familiale du diocèse de Paris
pfamiliale@ diocese-paris.net ;
tél. : 01 78 91 91 74.- Maison Familya SFX,
23, rue Oudinot, 7e.
p.chauveau@ familyaparis.fr ;
contact@familya paris.fr ; tél : 09 72 12 68 46.- Communion Notre-Dame de l’Alliance, antenne de Paris-Montmartre Prieuré St-Benoît à Montmartre
(18e) :
Sandra Potié, tél. : 06 61 53 50 29.
Cathy Dufour, cathy.dufourcloarec@ gmail.com ; tél. : 06 73 37 22 93.- Centre spirituel jésuite Manrèse,
5, rue Fauveau, 92140 Clamart.
accueil@manrese.com ; tél. : 01 45 29 98 60.

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