À Paris « Annoncer aux captifs la libération »
Depuis 30 ans, l’association « Aux captifs la libération » envoie des bénévoles et des travailleurs sociaux à la rencontre des sans-abri et des prostitués de la capitale. Dans l’antenne du Xe arrondissement, à l’ombre de Saint-Vincent-de-Paul, ils vivent une fraternité et font découvrir un autre visage des sans-abri.
Sur l’esplanade de la gare du Nord, la foule des banlieusards et des voyageurs se presse et se heurte aux portes trop étroites. Dans cette masse anonyme et mouvante, des silhouettes sont figées dans le froid. Alourdis par des bagages abîmés, le visage rouge et la dégaine fatiguée ; ils sont sans-abri, paumés. Peu avant 8 h 30, un mouvement s’amorce doucement. Ils marchent vers la rue de Rocroy, près de l’église Saint-Vincent de Paul où ceux qu’on appelle les « Captifs » ouvrent les portes d’un accueil de jour. À l’intérieur, on peut s’asseoir, prendre une douche, partager un café. Des assistants sociaux reçoivent ceux qui le veulent.
C’est le père Giros, prêtre du diocèse de Paris et éducateur de rue, qui fonde l’association dans les années soixante-dix. Il est habité par la colère de voir que les pauvres ne trouvent pas de place dans sa paroisse et que le cri de la rue n’est pas entendu. Trop souvent, ils ne sont considérés que pour leurs maux et on oublie les personnes. Le père Patrick part avec ses ouailles à la rue pour « faire Église » avec eux. Bientôt, les “Captifs” doivent s’organiser pour répondre aux misères physiques, psychologiques, sociales mais aussi à tant de souffrances spirituelles : « Pourquoi je souffre ? Comment Dieu permet ce mal ? Quel est le sens de ma vie ? Ne suis-je pas foutu ? »
Le jour et le soir, par binômes, l’équipe du Xe poursuit l’appel du fondateur disparu il y a dix ans. Un permanent et un bénévole forment la paire pour aller dans la rue.
Jérémie, cadre dans une entreprise du CAC 40, fait sa tournée chaque semaine. Il raconte comment ses rencontres le changent : « Dans la régularité, progressivement, je me suis émerveillé de l’humanité de ceux qui s’ouvraient à moi » Il poursuit : « Souvent, j’avais peur de déranger, d’être inutile. Mais en fait, c’est parce que je n’étais pas à l’aise que je rencontrais les personnes en vérité. »
Autour de l’accueil de jour, rue de Rocroy, ce n’est pas uniquement des aides qui sont prodiguées mais une vie qui se déploie avec ses discussions, ses jeux et aussi ses prières qui sont proposés dans la crypte de Saint-Vincent.
Kevin a plus de dix ans de rue. Attablé, il échange ses souvenirs de Lourdes où il est allé avec les « Captifs » : « Ça faisait longtemps que j’étais pas rentré dans une église. Ce pèlerinage m’a rapproché de Dieu. Je me suis retrouvé réconforté, consolé aussi. Ce souvenir, je le garde. Ça m’aide aujourd’hui à avancer. » • HERVÉ DE PENHEP
Les noms des personnes de la rue ont été changés.
– Cet article est extrait du magazine “Il est vivant”
– Pour en savoir plus sur l’association “Aux Captifs la Libération”