Énigmatique Fra Angelico
Paris Notre-Dame du 30 juin 2011
Pas moins de deux expositions sont consacrées à Fra Angelico ces prochains mois à Paris. L’une à St-Germain des Prés (6e), pendant l’été, et l’autre au musée Jacquemart-André (8e), à la rentrée. Le P. Michel Brière, aumônier des Beaux-Arts et auteur d’une thèse [1] de théologie sur cet artiste, explique pourquoi les chrétiens devraient avoir un intérêt particulier pour ce peintre de génie.
P. N.-D. : Qui est Fra Angelico ?
M. B. – Fra Angelico est le patron des artistes, et particulièrement des peintres. Il a vécu au XVe siècle. C’est un religieux dominicain profondément pieux et exigeant, prieur de son couvent à Fiesole. Mais aussi un peintre de génie. Il a été béatifié par Jean-Paul II en 1982.
P. N.-D. : Peut-on dire que l’œuvre de Fra Angelico a une valeur missionnaire ?
M. B. – Fra Angelico fait partie de l’ordre des dominicains, qui est l’ordre des prêcheurs et dont la devise est : « Contemplari contemplata » (« Donner à contempler ce qu’on a contemplé »). Certains estiment donc que son œuvre est une prédication par les images. Mais, pour ma part, je trouve cette interprétation beaucoup trop réductrice. La peinture n’est pas didactique et va au-delà du dogme et du prêche. Si une œuvre a pour objectif de passer un message, autant écrire deux phrases. L’art a d’autres finalités, parmi lesquelles celles d’émouvoir et de fixer la mémoire. En donnant à voir, la peinture permet de vivre de l’intérieur les mystères de la foi et de faire une expérience de Dieu. En cela, elle est missionnaire.
P. N.-D. : Comment la peinture peut-elle donner à voir les mystères de la foi ?
M. B. – Chez Fra Angelico, il y a deux facettes. C’est une peinture extrêmement séduisante, aux couleurs douces et très lumineuses, qui évoque la pureté angélique. Mais c’est aussi une œuvre qui regorge d’énigmes visuelles. À cette époque, la Renaissance et l’humanisme apportent de nombreuses innovations à la peinture, comme la perspective à point de fuite centré ou le respect de la gravité et du poids du corps humain. Fra Angelico adopte toutes ces nouveautés artistiques, mais les conteste en même temps. Dans certains tableaux, il crée volontairement des ruptures de perspective qui heurtent le regard. On ne peut pas les expliquer : ce sont des énigmes visuelles et, selon moi, elles désignent le mystère de Dieu.
P. N.-D. : En quoi l’œuvre d’un artiste du XVe siècle concerne-t-elle encore les chrétiens aujourd’hui ?
M. B. – Fra Angelico est actuel car il est éternel. Son œuvre est si pertinente qu’elle en devient prophétique, et tellement riche qu’elle est presque inépuisable. Il a beaucoup à dire aux chrétiens mais aussi au monde. Son art, figuratif, transcende une simple illustration de la Bible. À tous ceux qui côtoient son œuvre avec attention, il fait vivre des expériences et des émotions qui ouvrent sur la foi et l’exaltent. • Propos recueillis par Charlotte Reynaud
Rendez-vous
« Fra Angelico, le pas du Christ – de toujours à toujours »
Avant de faire le tour de France dans des établissements de l’enseignement catholique et des lieux « clos » (prisons, hôpitaux et maisons de retraite), l’exposition « Fra Angelico, le pas du Christ – de toujours à toujours » présente à St-Germain des Prés (6e) ses 33 reproductions des œuvres peintes sur l’armoire aux argents à Florence.
Cette exposition a été conçue par Ars Latina, avec le soutien, notamment, de la Fondation Notre Dame.
St-Germain des Prés (6e). Exposition ouverte tous les jours, du 7 juillet au 4 septembre 2011. Entrée libre. Pour tout renseignement : arslatina@gmail.com - www.ars-latina.com
[1] “Fra Angelico, les images et l’Église”, thèse de théologie à l’Institut catholique de Paris, sous la direction du P. Pierre-Marie Gy, o.p.