Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Messe des confirmés ados de l’an passé – Solennité du Christ-Roi de l’univers – Année B
Dimanche 25 novembre 2012 - cathédrale Notre-Dame de Paris
– Dn 7, 13-14 ; Ps 92, 1-2.5 ; Ap 1, 5-8 ; Jn 18, 33b-37
Chers Amis,
Vous l’avez entendu tout à l’heure, dans la lecture de l’Apocalypse, le Seigneur Dieu affirme : « Je suis l’alpha et l’oméga » (Ap 1, 8). L’alpha c’est la première lettre de l’alphabet grec, et l’oméga c’est la dernière lettre de ce même alphabet. « Je suis l’alpha et l’oméga », c’est-à-dire : je suis le commencement et la fin. Par cette parole, le Livre de l’Apocalypse nous fait comprendre que Jésus maîtrise l’ensemble du temps de l’histoire des hommes, depuis l’origine jusqu’à la fin du monde. En célébrant le Christ Roi de l’Univers, nous comprenons que cette maîtrise du Christ sur le temps nous inscrit, à l’intérieur de cet espace énorme de tant de siècles, depuis l’origine de l’humanité jusqu’à la fin de l’histoire.
Mais vous l’avez entendu dans la discussion entre Jésus et Pilate, le malentendu est complet. En effet, Pilate parle d’un roi à la manière d’un chef d’État qui gouverne à la tête d’un régime politique. Un chef d’État -qu’il soit roi ou président, s’il s’agit d’une République- c’est celui qui a le pouvoir sur l’ensemble. Donc, Pilate, qui représente le pouvoir de l’Empereur de Rome à Jérusalem, doit veiller à ce qu’il n’y ait pas de concurrence. S’il se levait un roi à Jérusalem, ce serait un concurrent de César. C’est pourquoi Pilate demande à Jésus s’il est roi. Mais Jésus lui répond : « Ma royauté ne vient pas de ce monde » (Jn 18, 36), c’est-à-dire, je ne suis pas un concurrent, je ne suis pas un ennemi, je ne viens pas renverser César parce que je suis roi d’une autre façon. Je ne suis pas roi pour gouverner les états, je ne suis pas roi pour commander, je suis roi d’un autre royaume. Cet autre royaume c’est celui du Père, c’est le Royaume de Dieu, le Royaume des Cieux. Jésus est roi du Royaume des Cieux. Et s’il est venu parmi les hommes, c’est pour annoncer que l’humanité peut entrer dans le Royaume de Dieu, elle peut devenir le Royaume de Dieu non par force ou par contrainte, mais par choix, par conversion. On ne devient pas disciple de Jésus de force.
Quand vous avez répondu d’une façon ou d’une autre à l’appel qui vous a été fait de recevoir le sacrement de confirmation, personne n’a dû vous contraindre, personne ne devait le faire. C’est un appel libre et personnel. Et si vous portez aujourd’hui autour du cou une écharpe rouge qui est la couleur de l’Esprit Saint, qui évoque l’Esprit que vous avez reçu, c’est pour montrer que c’est une décision personnelle de votre part, d’avoir demandé à être confirmé, à recevoir la plénitude des dons de l’Esprit. En recevant cette plénitude des dons de l’Esprit vous êtes entrés complètement dans la vie des disciples de Jésus. Vous êtes devenus non pas des sujets soumis au Christ, mais vous êtes devenus amis du Christ, appelés à progresser dans la connaissance de la vérité.
Jésus dit à Pilate : « Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité » (Jn 18, 37). La vérité c’est que Dieu a voulu créer le monde et l’humanité pour les conduire au bonheur. C’est une vérité qui n’est pas facile à croire. Il y a beaucoup de difficultés dans la vie ! On n’est pas heureux tous les jours ! Quand nous disons que nous croyons que Jésus est venu pour témoigner de la vérité, c’est-à-dire pour nous rappeler cet engagement à l’égard des hommes, nous disons quelque chose qui n’est pas facile à accepter. Et nous ne pouvons pas le dire en nous appuyant sur notre autorité personnelle. On ne va pas dire : c’est moi qui vous le dis vous pouvez me croire ! Ni sur nos forces ! On ne va pas dire : on va vous montrer à quoi cela sert d’être chrétien, vous n’avez qu’à regarder comme je vis bien et vous verrez que le Saint Esprit est efficace ! On sait bien que l’on ne vit pas toujours comme le Saint Esprit voudrait que nous vivions ! Si nous pouvons entrer dans cette mission du Christ qui consiste à rendre témoignage à la vérité, c’est justement parce qu’il nous donne son Esprit pour que nous vivions avec lui.
Recevoir l’Esprit du Christ, c’est recevoir la présence réelle et permanente du Christ dans notre vie. Chacune et chacun d’entre vous, qui avez été marqués au front par l’huile sainte, sur qui on a imposé les mains en appelant le don de l’Esprit, vous êtes devenus une sorte d’image du Christ dans ce monde. Et c’est une responsabilité ! On ne peut porter l’image du Christ dans le monde tout en vivant n’importe comment. On ne peut pas espérer s’appuyer sur l’amour du Christ, si on n’essaye pas de mettre cet amour en pratique. C’est pourquoi, je vous ai invités ce soir à Notre-Dame : bien sûr pour rendre grâce de ce que vous avez vécu au cours de l’année écoulée depuis votre confirmation, mais aussi pour renouveler l’appel que cette confirmation représente. Par la confirmation, Dieu ne s’est pas engagé à vous donner un supplément de force ou d’intelligence ! Je ne suis pas sûr que depuis que vous avez été confirmés, vous compreniez mieux ce que vous étudiez à l’école, ou que vous réussissiez mieux vos concours ! Je ne suis pas sûr que vous soyez devenus de meilleurs sportifs ou de meilleurs gymnastes ! Ce n’est pas cette force-là ou cette intelligence-là que l’Esprit vous a donné ! Ce que l’Esprit vous a donné, c’est la force de Dieu pour être fidèle à l’amour qu’il vous a manifesté, et la force d’y répondre, pour accueillir la vérité qui vous a été transmise et devenir à votre tour témoin de cette vérité. Comme le Christ est venu dans le monde pour témoigner de la vérité, il nous envoie tous dans le monde pour être témoins de la vérité.
Être témoin de la vérité cela veut simplement dire : être vrai, accepter d’être reconnu comme chrétien, comme quelqu’un qui a choisi de suivre le Christ, même si on ne sait pas très bien comment on y arrivera, comme quelqu’un qui veut construire sa vie autour de la personne du Christ.
Alors ce soir, je vous propose simplement que nous puissions ensemble raviver cet attachement qui nous unit au Christ. Ce lien invisible -l’Esprit on ne le voit pas- a pénétré nos cœurs pour faire de nous les amis du Christ. Et nous le ferons dans un instant, en renouvelant la profession de foi de notre baptême, comme nous l’avons fait au moment de la confirmation, pour nous rappeler les uns aux autres que cette profession de foi non seulement nous unit au Christ, mais nous unit aussi les uns avec les autres. Amen.
+ André cardinal Vingt-Trois, Archevêque de Paris