Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Messe du 1er dimanche de l’Avent à la Maison Marie-Thérèse

Dimanche 3 décembre 2023 - Maison Marie-Thérèse (14e)

– 1er dimanche de l’Avent – Année B

- Is 63, 16b-17.19b et 64,2b-7 ; Ps 79, 2.3.15-16.18-19 ; 1 Co 3-9 ; Mc 13,33-37

Frères et sœurs,

Nous voudrions bien entendre l’oracle du prophète Isaïe : « Ah ! si tu déchirais les cieux, si tu descendais ». Quand nous regardons le monde comme il va, depuis nos petites misères personnelles jusqu’aux grands drames qui traversent l’humanité, la violence et la guerre à travers le monde, les famines, les épidémies, les catastrophes naturelles, autant d’événements qui nous font douter à certains moments que les cieux se soient ouverts, ces paroles nous rejoignent : « Ah ! si tu déchirais les cieux, si tu descendais ».

C’est bien naturel que nous ayons tendance à nous tourner vers Dieu et à l’appeler au secours. Encore faudrait-il que nous n’oubliions pas les conditions dans lesquelles cet oracle du prophète Isaïe est donné, comme un appel à reprendre les chemins de la justice. Encore faudrait-il que nous n’oubliions pas que les cieux se sont ouverts, que Dieu est descendu et qu’il a parlé : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le » (Mc 9,7).

Oui, Dieu est venu, Dieu a visité son peuple. Il est venu chez lui et les siens ne l’ont pas reçu. Alors nous pouvons appeler Dieu au secours, à condition de garder présent à l’esprit que s’il vient à notre secours, il n’est pas certain que nous soyons prêts à accueillir le salut qu’il nous donne. Sommes-nous prêts à accueillir la venue de Dieu dans ce monde ? Sommes-nous prêts à reconnaître la miséricorde du Seigneur dans l’incarnation de son Fils ? Sommes-nous prêts à regarder notre vie pour corriger ce qui doit être corrigé, redresser ce qui doit être redressé, et cultiver ce qui doit être cultivé ? C’est à cela que nous invite l’appel du Christ dans l’évangile de saint Marc : « Veillez ! » Évidemment pour beaucoup d’entre vous, c’est une invitation qui vous fait sourire, parce que les insomnies vous connaissez ! Mais il faudrait encore que ces insomnies soient consacrées à préparer l’accueil du Christ et non pas à nous énerver…

Veiller, qu’est-ce que cela veut dire pour nous ? Pour redresser ce qui est tordu ? Pour corriger ce qui doit être corrigé ? Veiller pour ne pas manquer l’arrivée du Messie. Mais l’arrivée du Messie précisément c’était à Noël, et c’est passé. L’arrivée du Messie ce sera à la fin des temps et pour nous, c’est encore un peu loin. Alors que faisons-nous ? Est-ce que nous veillons comme une sentinelle vers un horizon improbable ? Ou bien est-ce que nous veillons dans notre vie ? Car s’il est venu prendre chair dans la nuit de Noël, s’il est retourné auprès du Père en entraînant l’humanité avec Lui, il n’a pas laissé le monde vide, il n’a pas laissé les hommes attendre en vain le salut. Il nous a quittés mais il ne nous a pas laissés orphelin comme il l’avait promis.

Non seulement il a donné son Esprit que nous avons quelquefois du mal à reconnaître mais il a laissé des signes de sa présence : son Église, les sacrements qui actualisent la présence du Christ dans notre vie. Et jour après jour, il s’offre à nous pour que nous le recevions. Non pas simplement dans une démarche formelle d’habitude, mais comme un acte important de notre journée. Aujourd’hui le Christ vient nous visiter, aujourd’hui Dieu déchire les cieux et descend, aujourd’hui nous devons veiller pour ne pas manquer son passage.

Mais les signes qu’il nous a laissés, ce ne sont pas seulement l’Église et ses sacrements, c’est sa présence spirituelle dans le cœur des hommes, c’est le fait qu’à travers toutes sortes de circonstances – que nous ne connaissons pas, nous ne savons non seulement ni le jour ni l’heure, mais nous ne savons même pas la manière dont il va frapper à la porte de notre vie –, il nous adresse un signe de sa présence. Aujourd’hui il vient nous visiter. Aujourd’hui nous sommes invités à veiller non pas simplement pour attendre le retour à la fin des temps, mais nous sommes invités à veiller pour être actifs et réceptifs à sa visite de ce jour. A quel instant ? Je ne peux pas vous dire, nous ne le savons pas. Mais je suis convaincu que pour chacune et chacun d’entre nous, à un moment de cette journée, il y aura un signe de la présence du Christ vivant. Il y aura un appel à ouvrir notre porte, à faire une place à notre table. Il y aura une visite de Dieu pour ce monde.

Pour nous, veiller c’est scruter attentivement ce qui se passe, scruter non seulement les événements du monde qui nous échappent et que nous avons tendance à rejeter dans la fatalité, mais veiller et scruter notre propre vie. Comment voyons-nous, comment percevons-nous ce passage du Christ dans notre journée ? A quel moment avons-nous eu l’opportunité de l’accueillir et de lui faire place dans notre cœur ?

Frères et sœurs, nous attendons de célébrer la nativité. Nous attendons le retour du Christ. Mais nous ne les attendons pas dans l’ignorance et la passivité, nous les attendons dans la certitude que Dieu est présent aujourd’hui, que le Christ nous visite aujourd’hui et qu’il attend de nous que nous le recevions.

Amen.

+André cardinal Vingt-Trois, archevêque émérite de Paris

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