Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Messe à la Maison Marie-Thérèse
Dimanche 21 janvier 2024 - Maison Marie-Thérèse (14e)
– 3e Dimanche du Temps ordinaire – Année B
- Jon 3,1-5.10 ; Ps 24,4-9 ; 1 Co 7,29-31 ; Mc 1,14-20
Frères et Sœurs,
Ce dimanche nous commençons la lecture continue de l’évangile de Marc, qui va nous occuper plusieurs semaines. À l’entrée de cet évangile, nous découvrons deux indications sur la manière d’accueillir la Parole qui nous est proposée.
La première : Croyez à l’Évangile. La deuxième : Convertissez-vous.
« Croyez à l’Évangile », c’est-à-dire croyez que cette parole qui vous est donnée de la part de Dieu est une parole de vie, une bonne nouvelle, une espérance pour le monde et pour chacune et chacun d’entre nous. Nous recevons chaque dimanche cette parole de Dieu comme la nourriture qui assure notre confiance, notre fidélité, notre espérance.
« Convertissez-vous » cela veut dire : changez de vie. Et nous voyons à travers l’appel des quatre premiers disciples comment l’évangile de Marc illustre ce changement. Il s’agit de laisser derrière eux leur famille, ce qu’ils faisaient, leur travail, leur manière de vivre, pour suivre le Christ sans réserve. Alors évidemment, pour nous, à l’âge que nous avons, cela nous paraît un peu surréaliste de changer de vie. On ne voit pas très bien ce que l’on pourrait faire d’autre. Cela nous paraît surréaliste d’imaginer qu’on va laisser quelque chose pour suivre le Christ. Et pourtant, c’est cette parole qui nous est adressée. Comment pouvons-nous la comprendre ? Peut-être d’abord en relisant paisiblement, dans l’histoire de notre vie, les circonstances multiples dans lesquelles nous avons été amenés à répondre à cet appel du Christ, comment nous avons appris par l’expérience à abandonner un certain nombre de choses. Comment nous avons appris à faire le deuil, comme on dit aujourd’hui ! Notre dernière étape dans ce dépouillement, avant le dépouillement final, c’est d’être entré à Marie-Thérèse. Nous avons laissé derrière nous, pas forcément de grandes richesses mais une grande richesse : nos habitudes, nos relations, notre vie d’avant, pour entrer dans ce monastère - qui n’en n’est pas un - où nous devons apprendre à vivre ensemble une nouvelle vie. Le noviciat est plus ou moins long selon les cas, mais il est toujours le même. Ne pas vivre dans le regret de ce que nous avons quitté. Ne pas nous imaginer que notre vie est derrière nous et qu’elle est finie. Elle va finir soyez tranquilles ! Mais elle n’est pas finie. Et notre conversion d’aujourd’hui, c’est : comment allons-nous vivre ces quelques mois ou quelques années, au cours desquelles nous allons nous préparer au grand dépouillement ? Il ne restera plus rien. Alors là, ce sera clair, il ne restera plus rien que des souvenirs.
Nous convertir aujourd’hui, c’est peut-être apprendre, jour après jour, à sortir du regret, à sortir de la nostalgie, à sortir d’une culture des souvenirs, pour ceux qui en ont, nous sortir de la nostalgie des souvenirs pour vivre le moment présent. C’est aujourd’hui que cette bonne nouvelle nous est adressée : le Royaume de Dieu s’est fait proche, convertissez-vous ! C’est aujourd’hui qu’il nous faut renoncer, non pas à des richesses, non pas à un confort, non pas à des biens, tout cela c’est déjà fait ! Mais renoncer aux regrets de ce que nous avons quitté, pour découvrir la joie de ce que nous recevons de la part de Dieu.
Ce travail de conversion, c’est celui qui nous est proposé aujourd’hui par la parole de Dieu. Ninive était une grande ville païenne, réputée pour sa débauche. Il a suffi d’une journée pour que le prophète Jonas touche le cœur des habitants de Ninive. Suffira-t-il d’une journée pour que Dieu touche notre cœur, même si nous ne sommes pas une ville païenne saisie par le débauche ? Suffira-t-il d’une journée pour que nous aussi, nous renoncions à ce qui nous sépare de Dieu, à ce qui nous rend difficile le chemin vers lui ? A ce qui entrave notre liberté pour avancer vers l’avenir qui est l’avenir de notre vie, bref ou long, mais qui est l’avenir de notre vie définitive en Dieu ?
C’est donc une parole d’espérance que le Seigneur nous adresse aujourd’hui : qui que tu sois, quel qu’âge que tu aies, tu es appelé à te convertir, c’est-à-dire à renoncer à un certain nombre de regrets pour être ouvert aux propositions de l’amour de Dieu pour aujourd’hui et pour tous les jours de ta vie.
Amen.
+André cardinal Vingt-Trois, archevêque émérite de Paris