Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Messe du 2e dimanche de l’Avent à la Maison Marie-Thérèse

Dimanche 10 décembre 2023 - Maison Marie-Thérèse (14e)

– 2e Dimanche de l’Avent – Année B

- Is 40,1-5.9-11 ; Ps 84, 9-14 ; 2 P 3,8-14 ; Mc 1,1-8

Frères et Sœurs,

Il m’arrive, et j’imagine à vous aussi, de trouver le temps long ! Long comme un jour de pluie qui ne finit pas, long comme ces années qui se succèdent sans que nous sachions toujours très bien pour quoi, dans quel but ? Et nous comprenons que dans la première génération chrétienne, quand tous étaient convaincus que les derniers temps étaient arrivés avec la Résurrection et l’Ascension du Christ, ils aient été surpris que rien ne s’arrête. Et certains, comme nous dit l’épître de Pierre, pensaient que Dieu avait pris du retard, comme s’il était distrait et qu’il laissait courir les choses.

Alors l’épître de Pierre nous met en face du sens de ce temps qui passe. Ce n’est pas le signe du retard de Dieu, c’est le signe de la patience de Dieu. Dieu donne du temps, le temps qu’il faut, le temps qu’il faudra, pour que tous puissent se convertir. D’après ce que nous voyons et ce que nous connaissons, cela va demander encore un certain temps pour que tous puissent se convertir : tous ceux qui sont étrangers à la Bonne Nouvelle, mais aussi tous ceux qui sont familiers de la Bonne Nouvelle et qui, trop familiers, croient n’avoir plus besoin de se convertir.

Voilà le sens du temps que nous vivons. Le sens de ces jours si longs, de ces années si nombreuses, et de ce temps où nous ne voyons pas ce que nous avons à faire, que nous avons quelquefois la tentation de penser inutiles, et nous comprenons que certains de nos contemporains devant ces années improductives, et si couteuses, aient la tentation de les interrompre. A quoi bon ? A quoi bon pousser quelqu’un à respirer et à vivre alors que cela ne sert à rien ? Et voilà que nous sommes en train de découvrir non seulement la patience de Dieu, mais aussi ce qui a du sens pour Dieu, ce qui fait la raison profonde pour laquelle nous sommes devant lui et pour laquelle il nous appelle à préparer les chemins du Seigneur. Nous sommes là pour qu’il y ait quelqu’un qui soit prêt à accueillir le Christ. Nous sommes là pour qu’il y ait quelqu’un qui accueille la lumière venant dans le monde. Nous sommes là pour qu’il y ait parmi l’humanité un noyau d’hommes et de femmes pour qui cette visite du Christ justifie toutes les attentes, toutes les années inutiles, toutes les journées insupportables, parce qu’elles sont le chemin par où le Christ vient jusqu’à nous.

Il nous faut préparer les chemins du Seigneur non seulement par des activités exceptionnelles mais par la disponibilité de notre cœur à accueillir celui qui vient. Oui, Dieu a la patience de nous donner du temps non seulement pour ceux qui n’ont pas encore connu le Christ, mais même pour nous qui connaissons le Christ, même pour nous qui avons été baptisés du baptême de l’Esprit dans le Christ. Nous ne jouons pas la comédie comme si nous étions les premiers auditeurs de Jean Baptiste. Nous savons bien que Jésus est venu, nous savons bien qu’il est venu pour nous, nous savons bien qu’il est vivant en nous. Nous savons bien qu’il nous a accueillis dans sa famille. Et pourtant, nous savons aussi que nous n’avons pas été fidèles. Nous savons aussi que nous avons laissé surmonter le don qu’il nous fait par le souci de ce qui nous intéresse. Nous avons laissé l’égoïsme de notre vie empêcher la manifestation de son amour, et donc, nous aussi, il nous faut entrer dans la voie de la conversion. Nous aussi, aujourd’hui, il faut que nous devenions des chemins pour le Christ en ce monde. Et cette conversion, nous avons la chance extraordinaire de la vivre dans la sécurité du Christ. Il nous pardonne, nous le savons, et nous pouvons accueillir son pardon en confessant notre péché. Il nous offre la réconciliation gratuitement pour nous encourager dans ce chemin de conversion où nous devons essayer d’aplanir ce qui est difficile à monter, nous devons essayer de raser ce qui dépasse. Nous devons essayer de faire un chemin pour notre Dieu. Qu’il nous donne de le faire avec la patience que Dieu lui-même manifeste à notre égard.

Amen.

+André cardinal Vingt-Trois, archevêque émérite de Paris

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