Homélie du Cardinal André Vingt-Trois – Solennité de la Pentecôte - Confirmation d’adultes du Diocèse de Paris

Samedi 18 mai 2013 - Notre-Dame de Paris

Aucune démarche sacramentelle n’est le fruit du hasard, mais elle révèle au contraire la fécondité de l’Esprit reçu au baptême. En recevant le sacrement de confirmation, les adultes reçoivent la plénitude des dons de l’Esprit Saint pour prendre pleinement leur place dans la vie et la mission de l’Église.

 Voir l’album-photos de la célébration.

 Ac 2, 1-11 ; Ps 103 ; Rm 8, 8-17 ; Jn 14, 15-16.23b-26

Chers Amis,

Tout à l’heure, alors que vous vous avanciez à l’appel de vos noms pour vous signer avec l’eau baptismale, portant sur vos épaules l’écharpe blanche qui rappelle le vêtement blanc reçu au baptême, je pensais pour chacune et chacun d’entre vous, à ce jour où vous avez été baptisés. Pour certains, il n’y a pas très longtemps, pour d’autres plusieurs dizaines d’années. Mais chacune et chacun d’entre vous dans la lettre qu’il m’a adressée, a évoqué ce baptême, y compris quand il a été vécu tout bébé et sans que vous en ayez un souvenir personnel. Vous avez évoqué ce baptême comme un point de départ, une véritable naissance à la vie chrétienne, à la vie dans le Christ, même si au long de votre vie, pendant un certain nombre d’années, et quelques fois à plusieurs reprises, cette vie de communion dans le Christ s’est estompée ou s’est assoupie, ou même s’est brisée. Il a fallu que les événements de votre existence provoquent en vous les chocs, les ébranlements, les questionnements vous permettant de vous poser à nouveau la question de Dieu. Pour certains, ce sont des épisodes dramatiques de leur vie, pour d’autres c’est simplement le passage d’une période de formation professionnelle, d’études, à une vie plus stabilisée, pour d’autres encore c’est la découverte et l’approfondissement de l’amour conjugal qui ont été le point de départ de cette nouvelle prise de conscience.

Quoi qu’il en soit, dans ce petit exercice que vous avez réalisé pour vous présenter à moi avant la confirmation, j’ai bien perçu que nul d’entre vous n’avait imaginé que le chemin parcouru était simplement dû au hasard. Nous ne sommes pas toujours capables de reconnaître, d’identifier et de nommer les événements, les personnes, les paroles, qui ont touché nos cœurs. Mais nous sommes tous capables de reconnaître que ce nouveau départ dans notre vie n’est pas simplement le fruit d’un enchaînement automatique, ni le ralliement à une pensée commune, ni un conformisme auquel on voudrait se prêter, mais c’est le fruit d’une croissance, d’un développement, d’une fécondité de l’Esprit que nous avons reçu au baptême. C’est cette fécondité de l’Esprit qui produit son fruit le moment venu et ce moment ne nous appartient pas.

Aujourd’hui, la démarche que vous faites prend acte non seulement du chemin parcouru, non seulement de la fécondité de l’Esprit de Dieu dans votre vie, non seulement des questionnements auxquels vous avez été confrontés, mais surtout prend acte de ce moment où vous avez accepté de faire confiance à Dieu et de franchir le pas qui vous transformerait, comme le dit très bien l’une d’entre vous, de quelqu’un qui est spectateur de la vie de l’Église en quelqu’un qui en devient acteur. Arrive un moment où l’on ne peut plus se contenter de regarder ce que font les autres, même pour s’en réjouir. On ne peut plus se contenter d’une vague confiance en un Dieu d’autant plus important qu’il est moins présent. Il devient évident que la relation qui s’est développée en nos cœurs dans la relation avec Dieu doit se concrétiser par une mise en conformité de notre vie avec l’amour qu’il nous a manifesté.

C’est ce pas que vous avez franchi, et qui vous amène ici ce soir pour recevoir la plénitude des dons de l’Esprit Saint, c’est-à-dire pour prendre pleinement votre place dans la vie et dans la mission de l’Église : votre place comme participant de l’action liturgique de l’Église qui offre à Dieu la louange des hommes, votre place dans l’action apostolique de l’Église qui témoigne du Christ ressuscité à travers les différentes circonstances de notre vie, votre place dans la communion fraternelle de l’Église, où vous découvrez des hommes et des femmes, jusqu’alors inconnus, et qui vont devenir pour vous des frères et des sœurs. Vous entrez pleinement dans une nouvelle famille qui ne vous coupe pas de la vôtre mais qui l’intègre dans la relation avec le Christ.

Cette vie chrétienne à laquelle nous sommes appelés dépasse de toutes sortes de manières nos capacités personnelles. Ce n’est ni un concours de perfection morale, ni un concours de courage pour lutter dans la vie, ni un concours de générosité pour venir en aide aux autres. Nous ne sommes pas des hommes et des femmes super-entraînés, nous sommes de pauvres gens, avec beaucoup de limites -chacune et chacun a les siennes- avec parfois des erreurs dans notre passé, avec beaucoup de doutes, de questions et d’interrogations. Et voilà que l’Esprit Saint reprend tout cela : ces faiblesses, ces erreurs, ces doutes, et il les transfigure pour vous aider de l’intérieur à comprendre ce que Jésus attend de vous, et vous donner la force de le faire. L’Esprit de vérité nous fait connaître la Parole du Christ, non pas simplement comme un texte qu’on lit ou que l’on entend, mais comme une parole qui habite notre cœur, et cette parole n’est pas simplement une information qui nous est donnée, c’est un chemin dans lequel nous sommes appelés à progresser. L’Esprit Saint nous fait ressouvenir de tout ce que Jésus a dit pour nous rendre capables de mettre sa Parole en pratique et d’être fidèles à son commandement d’amour.

Frères et sœurs, vous qui allez être confirmés, accompagnés d’un parrain ou d’une marraine, qui représente derrière vous comme le soutien de toute l’Église et de la communauté qui vous a accompagnés dans votre préparation, vous entrez dans une nouvelle période de votre vie où vous êtes appelés à devenir témoins du Christ au milieu des hommes.

Cette mission et cette espérance ne nous accablent pas, car l’Esprit que nous recevons ne fait pas de nous des esclaves, des mercenaires de l’apostolat ou de la vie chrétienne qui comptabiliseraient soigneusement ce qu’ils donnent et ce qu’ils reçoivent, l’Esprit du Christ fait de nous des enfants de Dieu et met en nous la liberté des enfants de Dieu. Nous sommes appelés à devenir témoins de l’amour, non pas par contrainte, mais par choix et ce choix nous le faisons par la force de l’Esprit que nous recevons et qui nous habite.

Pendant quelques instants je vous propose que nous priions les uns pour les autres, nous qui sommes confirmés de longue date, et qui vous entourons ce soir, vous qui allez être confirmés et allez prendre pleinement votre place dans l’Église, toutes celles et tous ceux qui ont été des acteurs au long de chacune de vos histoires personnelles, dont certains sont retournés auprès de Dieu, mais dont vous avez gardé le souvenir, celles et ceux qui n’ont pas pu se joindre à nous ce soir, mais qui sont présents à nos cœurs, et nous nous mettons tous ensemble avec Marie dans la prière des apôtres qui attendaient l’Esprit Saint. Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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