Homélie du cardinal Vingt-Trois lors de la messe de rentrée de la Maison Diocésaine -Fête de Saint Matthieu
Saint-Hippolyte (Paris XIII), mardi 21 septembre 2011
– Ep 4,1-7,11-13 ; Ps 18 ; Mt 9, 9-13
Frères et sœurs,
Les lectures que nous venons d’entendre éclairent la mission qui est la nôtre. Elles nous invitent à travailler chacun selon nos moyens et nos forces pour faire grandir la communion de l’Église. Comme nous le rappelait l’Epître aux Ephésiens, c’est à travers cette communion grandissante que se construit peu à peu la plénitude de la stature du Christ en ce monde.
Il ne s’agit donc pas simplement pour nous de mettre en œuvre des relations plus cordiales, délicates ou chaleureuses.
Nous sommes invités à vivre le commandement de l’amour de Dieu et à mettre en œuvre la charité entre les membres de l’Église. Cette perspective nous est sympathique, mais nous savons qu’elle est moins facile à pratiquer qu’à prêcher. Au long des jours et dans les tâches qui nous sont confiées, nous éprouvons qu’il n’est pas si simple de vivre réellement « dans la douceur et la patience et de nous supporter les uns les autres avec amour pour garder l’unité dans l’esprit par le lien de la paix » (Ep 4, 2-3).
C’est pourquoi, dans les différents services auxquels nous sommes attachés, nous ne cherchons pas simplement - ce qui va de soi - à bien faire notre travail. Plus profondément, nous agissons ensemble dans un esprit de communion, dans la conviction que ce que chacune et chacun peut apporter à l’œuvre commune est aussi important que la tâche précise qu’il accomplit. Nous n’avons pas seulement besoin d’être compétents, même si cela est nécessaire. Il nous faut être passionnés par le désir de faire exister une véritable communion entre les membres de l’Église.
Notre vocation à vivre la communion est constitutive de l’appel que Jésus adresse à chacune et à chacun d’entre-nous dans le baptême par lequel il nous invite à devenir ses disciples. Or, comme nous l’entendons dans le récit de la vocation du publicain Matthieu, cet appel peut susciter le scandale de ceux qui considèrent la faiblesse, la pauvreté et même la culpabilité de ceux que Jésus entraine à sa suite.
En choisissant ceux-là même qui sont pécheurs (« Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs » Mt 9, 13), le Christ manifeste que son action est d’abord la mise en œuvre de la miséricorde. Il veut que ceux et celles qui travaillent à la vigne du Seigneur ne soient pas les « nécessairement parfaits » mais ceux et celles qui sont disponibles et disposés à répondre à l’appel du Christ.
Et c’est parce que Jésus nous appelle et nous accepte avec miséricorde que chacune et chacun d’entre-nous peut progresser à sa suite. Les ouvriers de la vigne du Seigneur ne sont pas ceux qui sont meilleurs au départ, mais ceux dont la vie est transformée par l’appel du Seigneur, ceux que la présence du Seigneur aide à surmonter leurs faiblesses et leurs difficultés pour mettre en pratique l’Évangile.
Le Christ est venu appeler les pécheurs. Sa miséricorde prévenante nous donne notre place dans le peuple de Dieu. En faisant l’expérience de cette miséricorde pour notre propre pauvreté, nous pouvons réellement vivre dans la douceur et la patience et nous supporter les uns les autres. Puisque Dieu nous supporte bien, comment pourrions-nous ne pas supporter nos frères !?
Un diocèse, une maison diocésaine, des services diocésains, sont des lieux où nous pouvons regarder l’appel du Christ comme un don de Dieu aux hommes et mettre en pratique la miséricorde. La réalité de la ville de Paris est immense et très diversifiée. Notre grande ville développe plus de sentiments d’indifférence que de sentiments de communion.
Si dans notre Église, nous essayons de vivre réellement en prenant souci et soin les uns des autres, nous apportons un signe précieux au milieu de cette société morcelée. Les services diocésains, en se mettant à la disposition de la communion et de l’unité de l’Église diocésaine, n’agissent pas comme une autorité centrale qui gouvernerait des autorités locales, mais donnent le signe d’un service qui construit pas à pas la communion, avec lenteurs et difficultés comme nous le savons, mais également avec persévérance.
Chacun selon vos activités, vous ne cherchez pas à contrôler – vainement d’ailleurs – ce qui se passe. Vous pouvez plutôt être le signe de l’accueil miséricordieux de Dieu en essayant jour après jour de venir au-devant, d’être disponibles, d’offrir un soutien. Ce faisant vous contribuer à donner un visage à cette communion de l’Église pour qu’elle rayonne dans la société qui est la nôtre.
Je vous remercie pour votre coopération dans ce travail de la communion et pour votre dévouement au-delà des contraintes et des exigences techniques des tâches diverses. Amen.
+André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris