Logement, tous concernés
Ce qu’en pense… Étienne Villemain, cofondateur et corresponsable de l’Association pour l’amitié (APA)
Paris Notre-Dame du 2 février 2012
Rencontre avec Étienne Villemain, cofondateur et coresponsable de l’Association pour l’amitié (APA), qui propose à des jeunes professionnels et à des personnes venues de la rue de vivre ensemble dans des appartements.
Paris Notre-Dame : En quoi la question du logement concerne-t-elle les chrétiens ?
Étienne Villemain – La première histoire de logement à laquelle on peut penser en tant que chrétiens, c’est celle de la crèche. Elle montre comment Jésus lui-même n’a pas été accueilli. De la même façon, aujourd’hui, dans notre société, on ne l’accueille pas. « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40). C’est une parole très forte qui doit nous inspirer. Derrière le problème du logement, il y a celui de l’attention qu’on porte à l’autre et, en définitive, de notre capacité à aimer.
P. N.-D. : Il y a donc un devoir d’agir ?
E. V. – Oui. Au-delà du raisonnement spirituel, la question est de savoir comment cela peut s’incarner dans la pratique. Cela commence certainement par l’accueil de nous-même. Souvent, les pauvres nous font peur parce que nous n’accueillons pas nos propres pauvretés. Il y a une peur d’entrer en relation avec quelqu’un qui peut mettre nos faiblesses à nu. L’histoire du bon Samaritain nous le montre, nous avons, au-delà de nos défiances et de nos hésitations, le devoir de nous arrêter et d’agir.
Cependant, il ne s’agit pas de le faire n’importe comment. Par exemple, tout le monde ne peut pas accueillir chez soi une personne SDF. Ce qu’on peut faire, déjà, face à des situations difficiles, c’est s’appuyer sur des associations comme Aux captifs, la libération ou le Secours catholique, qui ont une véritable expertise pour agir.
P. N.-D. : Les chrétiens vous semblent-ils assez mobilisés sur le front du logement ?
E. V. – Beaucoup de chrétiens font des choses remarquables. Il y a les mouvements que je citais mais aussi beaucoup d’autres… l’Association Sainte-Geneviève, le diocèse de Paris ou encore de nombreuses communautés religieuses qui font un travail incroyable dans l’ombre. Il faut leur rendre hommage. Je pense que tous les chrétiens doivent se mobiliser selon leurs possibilités. Chacun peut contribuer d’une façon ou d’une autre ! Pour l’enfant, ça peut passer par la prière, pour le ou la chef d’entreprise, par une réflexion sur ce qu’il pourrait faire de locaux vides, pour la mère de famille, par un coup de main donné à une association, etc.
Et puis il y a, en amont, tout un travail de fond. Beaucoup de problèmes qu’on rencontre dans le domaine du logement sont liés aux ruptures familiales qui sont très destructrices. Dès lors, il faut se demander comment soutenir la famille, premier lieu de solidarité entre les personnes. Une piste réside aussi dans le fait que tout le monde veuille vivre à Paris. On peut certainement aider les gens en explorant les possibilités qui existent ailleurs.
Globalement, je crois que sur les questions de société, les chrétiens ont toujours été à la pointe de l’innovation. Nous devons nous inscrire dans cette tradition aujourd’hui et nous emparer de celle du logement.
P. N.-D. : Pensez-vous que la crise du logement que nous traversons soit révélatrice d’une crise éthique de la société ?
E. V. – Une chose est sûre : il y a des personnes de plus en plus riches et d’autres de plus en plus pauvres ; certains sont seuls dans d’immenses appartements et des familles se serrent dans des espaces ridiculement petits ; il y a à Paris énormément de lieux vides pendant que des étudiants dorment dans des couloirs. Tout cela renvoie à un questionnement éthique. Face à ces situations in justes, il y a une bonne colère à avoir. Bien sûr, on peut s’en prendre aux politiques ou aux institutions de notre société, mais ne faut-il pas avant tout que chacun s’interroge sur lui-même : et moi, qu’est-ce que je fais au quotidien ? Il y a là un vrai enjeu. Dans notre société, beaucoup cherchent le sens de leur vie. Or, partager, donner et entrer dans une vraie relation, cela rend heureux. Je rencontre beaucoup de personnes qui ont envie de le faire mais ne savent pas trop par où commencer ou ont peur de n’être considérées que pour leur argent. C’est là où l’on revient à cette logique d’échange, de réciprocité. Tout le monde a à donner ; tout le monde a à recevoir.
La question de l’espace est particulière et très complexe mais je suis sûr d’une chose : c’est qu’on peut partager davantage. On est souvent poussé dans une logique où on en veut toujours davantage… Il y a un chemin de tempérance à suivre, une recherche de simplicité, pour ne pas être fixé sur son nombril et être attentif aux réalités qui nous entourent.
P. N.-D. : Donc, même si la question du logement est extrêmement complexe, la situation n’est pas perdue…
E. V. – Non, le combat n’est pas perdu. L’espérance est une force féconde. Par exemple, à travers ce que nous développons à l’APA – ces appartements partagés entre jeunes pros et personnes issues de la rue –, nous avons accueilli entre Paris et Lyon une petite centaine de personnes. On pourrait baisser les bras en se disant que ce n’est pas grand-chose par rapport au problème existant, mais ce que l’on retient, c’est que par mi ces personnes, beaucoup ont trouvé un travail, un logement personnel et se sont remises debout dans leur existence. • Propos recueillis par Pierre-Louis Lensel
L’APA a besoin de jeunes volontaires pour vivre en colocation et d’argent pour effectuer des travaux.