« Nous apportons aux personnes de la rue une relation emplie de chaleur humaine, et ça, c’est le plus important ! »
Guy François, président d’Antigel, association dont le but est d’aller à la rencontre des personnes qui vivent dans la rue.
Antigel, c’est une activité qui a été mise en œuvre il y a 11 ans à la paroisse Saint-Jean-Baptiste de Grenelle dans le 15e arrondissement de Paris.
Les maraudes [1] débutent en début de soirée vers 20h30 pour terminer vers 23h. A l’issue de chaque maraude, l’un d’entre nous rédige un bref compte-rendu qui est ensuite utilisé par les équipes qui sortent les jours suivants, que cela soit les équipes d’Antigel ou celles des autres maraudes. Nous avons des relations suivies avec un groupe que l’on peut évaluer à une trentaine de personnes. Nous leur souhaitons leur anniversaire, nous nous inquiétons de leur santé, de ce qu’ils veulent faire, de leur moral, etc...
Globalement nous sommes bien accueillis par les personnes qui vivent dans la rue. « Antigel », c’est le mot de passe, souvent leurs visages s’éclairent d’un sourire, car ils savent que nous leur apportons du thé, du café, mais aussi, une relation emplie de chaleur humaine, de respect de la personne et de sa dignité et ça, c’est le plus important ! Nous ne leur donnons jamais d’argent. Mais ils savent qu’avec nous, il y aura toujours une relation basée sur la confiance et l’amour du prochain.
Nous allons vers les plus pauvres pour leur apporter notre amour, l’amour de Jésus-Christ. On ne rentre pas non plus dans une démarche de prosélytisme, même si on ne cache pas que nous sommes chrétiens et que nous effectuons cette démarche en tant que chrétiens. Il y a des moments où on nous demande : « Et si on faisait une prière », mais nous ne l’avons jamais proposé, nous attendons que cela viennent d’eux. Tout comme les renseignements que nous avons sur leur histoire, nous ne leur posons pas de questions, nous attendons que ce soit eux qui nous informent de leur histoire, de leur vie. Il faut rester très discret, très respectueux. C’est une personne humaine, un homme, une femme, et nous devons être attentif à respecter leur intimité, leur vie.
J’ai notamment en mémoire une sortie que nous avons vécue avec des SDF installés à proximité de la Gare Montparnasse. Nous nous y sommes retrouvés un soir, il y avait un breton catholique, un Kabyle, et un Bulgare. Nous avons partagé un excellent pot au feu cuisiné par l’un d’entre eux. A la fin le Kabyle a manifesté la volonté de prier. Et nous avons récité le Notre Père avec le breton, et le roumain. Et notre ami Kabyle a récité une prière musulmane. Ce fut un moment très fort.
Pourquoi je fais cela ? Parce que je pense que nous avons tous une mission quand on vient sur terre. Ma foi m’a porté vers les autres, vers le plus petit, vers celui qui en a le plus besoin. Et durant notre passage sur cette terre, nous nous devons d’apporter notre pierre. En ce qui me concerne, l’essence de ma vie, c’est la parabole de la semence de Saint Luc, c’est essayer de semer quelque chose. Alors, le terrain, n’est pas toujours propice à une récolte car il peut être rocailleux, et là, il n’y aura pas grand’ chose, mais il peut aussi être fertile. Le Christ est mort sur la croix pour nous. A nous aussi d’apporter un témoignage dans cette société où l’égoïsme et l’individualisme prend le pas sur tout, quel que soit le milieu dans lequel on évolue. Je crois que c’est aussi une bonne chose de montrer que l’Église catholique, c’est aussi des croyants en marchent qui participent à la construction perpétuelle de notre société.
J’ai un parcours un peu atypique, j’ai 51 ans et tout au long de ma vie, j’ai toujours été au service des autres, au service des pauvres. Je suis actuellement malade, cette maladie m’a permis de regarder ma vie différemment, de réfléchir à mes engagements. Ce projet, ce service auprès des SDF, avec ma famille et mes amis, c’est la canne qui me soutient dans cette épreuve que le Christ me demande d’accepter. Mais c’est aussi un objectif d’aller de l’avant, de donner mon amour envers ma famille, mes amies, vers Dieu et de garder mon optimisme.
FOCUS – La bagagerie, un projet en cours de finalisation
Nous avons rapidement envisagé d’aller plus loin au service de nos amis les SDF. De quoi ont-ils besoin ? Que pouvons-nous faire pour améliorer leur quotidien ? Beaucoup nous ont dit : « Ce qui nous intéresserait, c’est d’avoir une bagagerie. Pour déposer nos affaires, afin de pouvoir rejoindre notre employeur avec la même image que nos collègues ADF [2] car quand on nous voit arriver avec nos bagages, on se dit “Tiens, celui-là, c’est un SDF, c’est un bon-à-rien.” ». Nous avons souhaité démarrer ce projet de bagagerie, cela fait un an que nous y travaillons. Nous avons obtenu un consensus politique avec la Mairie du 15e et la Mairie de Paris mais aussi de partenaires institutionnels et du monde économique. Nos espoirs d’obtenir un local sont proches et nous envisageons de démarrer cette bagagerie au début de l’année 2010.
Pour en savoir plus
Vicariat pour la solidarité
[1] Les maraudes consistent à visiter les personnes qui vivent dans les rues. Au-delà d’une aide matérielle ou administrative, c’est tout d’abord des échanges autour d’une boisson chaude qui peuvent mener à une réinsertion. Beaucoup de paroisses sont investies, vous pouvez vous aussi vous engager près de chez vous.
[2] « Avec Domicile Fixe »