À la Maison Magis, la fraternité en plus

Paris Notre-Dame du 9 mai 2024

La Maison Magis fêtait, le 26 avril dernier, les cinq ans de sa fondation. L’occasion d’une fête colorée et fraternelle, à l’image de l’ADN de ce lieu, inspiré par la pédagogie ignatienne et consacré aux jeunes adultes, en plein cœur de Paris. Reportage.

Le P. Thierry Anne, s.j., directeur de la Maison Magis, prend la parole en début de soirée pour rendre grâce de ces premières années de la Maison Magis.
© Maison Magis

Ce vendredi 26 avril, une agitation joyeuse bruisse dans le quartier paisible de la rue d’Assas. Au numéro 12, les portes grandes ouvertes de la Maison Magis sont une invitation à franchir le porche qui sépare le badaud de la cour intérieure, joliment enguirlandée pour l’occasion. Ce soir se fêtent les cinq ans de la Maison Magis, « tiers-lieu créé par les jésuites afin d’accompagner les jeunes adultes (18-35 ans) dans leur vie spirituelle, professionnelle et sociale à l’école de saint Ignace de Loyola », précise une affiche. La Maison Magis est donc à la fois un bâtiment – 1 200 m² en plein cœur de Paris, qui abritent dans ses locaux plusieurs entités jésuites (JRS France, Inigo, Cowork Magis, Réseau Magis et Magis Paris) – et un lieu « refuge » pour jeunes en quête de sens et de fraternité ; une maison qui se veut d’abord la leur, où l’on peut passer, déjeuner, boire un verre, disputer une partie de babyfoot, discuter avec d’autres, etc. Signe d’une place qui a trouvé son public, plus de 150 habitués, anciens et curieux, ont fait le déplacement ce soir-là, marqués pour l’occasion d’une gommette de couleur qui permettra, pour la suite des festivités, d’organiser des équipes.

19h. Les convives sont invités à se rendre à la grande salle, en sous-sol (la chapelle étant trop petite ce soir-là), pour un temps de prière qui se veut « inclusif » – comprendre portée par des chrétiens mais où d’autres croyances peuvent se retrouver : ainsi le choix des chants s’est porté sur des psaumes invoquant l’Éternel ou la Création, traduits en plusieurs langues. « Dans cette cohérence d’accueil et d’hospitalité, nous faisons toujours en sorte de trouver en chaque chose ce qu’il y a de commun, ce qui nous réunit, confie Guillaume Rossignol, directeur de JRS France. Il ne faut pas être naïf, c’est parfois difficile, mais nous recherchons cette justesse, signe d’un niveau de confiance mutuelle. » Le P. Thierry Anne, s.j., directeur de la Maison Magis, invite, de son côté, les participants à garder durant toute la soirée « cette qualité d’écoute, de présence aux uns aux autres, de paix que nous pouvons offrir à chacun. » Dans la grande salle résonnent tour à tour des psaumes en français, en anglais et en arabe. Des corbeilles circulent pour y glisser des intentions de prière, tandis que l’assemblée reprend à l’unisson le dernier chant avant la bénédiction. Le recueillement cède bien vite la place à la joie bruyante, avec l’ébauche de premiers pas de danse dans une ronde endiablée, prélude à l’atmosphère générale de la soirée où alterneront discussions animées, bal folk, activités ludiques et artistiques.

Cette joie, c’est « la première chose que la Maison m’a apporté », témoigne Tchable, 29 ans. « Ici, j’ai trouvé des gens vrais, dénués d’artifice », poursuit cet habitué des Exercices dans la vie ordinaire (EVO), dans lesquels il a découvert « une relation personnelle au Seigneur très forte, ainsi que certains aspects de moi que j’ignorais. Grâce aux EVO, j’ai pu découvrir comment le Seigneur me parlait, et que cette soif de Dieu était toujours présente ». Fidèle de la Maison depuis trois ans, il s’y est fait de véritables amis, de ceux à qui « tu oses exposer pleinement tes faiblesses ». Cette qualité de la relation est abondamment soulignée par les jeunes présents, qu’ils soient venus pour les propositions spirituelles (formation, prière et accompagnement spirituel), solidaires (maraudes, visites aux personnes âgées ou aux prisonniers, hébergement d’urgence) ou les activités organisées par JRS France (cours de Français, permanence juridique, ateliers JRS jeunes qui mélangent – autour d’ateliers artistiques ou de sorties culturelles – jeunes réfugiés et jeunes étudiants français). Cette « diversité des propositions », c’est précisément ce qui a conquis Philomène, heureuse d’avoir trouvé à Paris un lieu « hyper vivant, hyper animé, où se côtoient des gens très différents. » Pour Sami, réfugié afghan, « ça » – dit-il en ouvrant grand ces bras – représente « une famille, des amis, une ambiance que je ne peux pas trouver ailleurs ». Ému, il poursuit : « Dehors, il y a beaucoup de choses dures à vivre. Ici, c’est comme une maison, un lieu de tranquillité, avec beaucoup de bienveillance. » Pour Guillaume Rossignol, la Maison Magis est « un endroit, pour des personnes déracinées, où retrouver un espace de gratuité, des appuis de confiance, pour redémarrer vers autre chose ; un lieu temporaire, de passage, mais où on peut s’enraciner le temps qu’il faut pour reprendre des forces et repartir. » Chaque jour, il est témoin de la « greffe qui prend » entre réfugiés, jeunes entrepreneurs du Cowork et étudiants parisiens. Un succès qui le conforte dans le bienfondé de ce « lieu de fabrique et de vécu d’expériences de fraternité malgré des horizons très différents ; un lieu qui démontre, modestement et humblement, à petite échelle, que c’est possible, qu’on peut vivre ensemble, découvrir nos richesses mutuelles et s’épauler, malgré nos différences ». Dans la nuit parisienne qui tombe, alors que la jeunesse s’attarde autour de grandes tablées, un vacarme parsemé d’éclats de rire en offre, effectivement, une joyeuse démonstration.

Charlotte Reynaud

Trois questions à...

P. Thierry Anne, s.j.
Responsable du pôle Magis Paris et directeur de la Maison Magis
« Aider à ce déploiement »

Paris Notre-Dame – Comment est née la Maison Magis ?

P. Thierry Anne – Ces locaux abritaient initialement le Centre Laënnec Paris, fondé en 1906 par les jésuites et des médecins chrétiens pour accompagner des jeunes dans leurs études de médecine, contraint de déménager en 2016 par manque de place et de, permettant à JRS (Jesuit Refugee Service) France de s’y installer. Avoir une adresse en plein Paris leur assurait de pouvoir accueillir les réfugiés dans la journée, en leur proposant des cours de Français, une permanence juridique ou simplement un temps de convivialité autour d’un café ou du baby-foot. De fil en aiguille, il nous est apparu particulièrement fort et porteur d’espérance de pouvoir abriter, à la même adresse, les activités proposées par JRS France, mais aussi par Magis et Magis Paris – qui portent la pastorale ignatienne à destination des jeunes adultes –, Inigo – qui s’occupe de volontariat à l’international –, et le Cowork Magis – une pépinière pour jeunes entrepreneurs.

P. N.-D. – Quel est l’ADN de cette Maison ?

T. A. – Magis signifie, en latin, « davantage » ; la vocation de cette Maison est de favoriser ce pas de plus, davantage ancré en Dieu ou dans le service du prochain, dans la perspective d’un déploiement. Les cinq entités accueillies ici permettent d’illustrer, chacune à leur manière, les quatre piliers chers à la pédagogie ignatienne pour aider à ce déploiement : prier, se former, servir et partager. Cette Maison n’est pas seulement un bâtiment de 1 200 m² en plein Paris ; elle se veut aussi un tiers-lieu, c’est-à-dire un lieu de rencontre pour des gens qui ne devraient logiquement ni se croiser ni se parler, et qui, pourtant, vont s’enrichir réciproquement en apprenant à se connaître. Pour favoriser cela, nous organisons beaucoup d’activités transverses qui peuvent réunir les différentes populations – jeunes adultes chrétiens, réfugiés et entrepreneurs – autour d’ateliers ou de sorties, ainsi qu’un café associatif – Chez Ignace –, ouvert à tous, tous les vendredis soirs. Tout cela contribue à faire vivre à chacun une expérience de fraternité pas banale.

P. N.-D. – Que cherche cette jeunesse ?

T. A. – Tout mon ministère sacerdotal est marqué par l’accompagnement des jeunes ; je constate combien cette jeunesse est plus inquiète, plus fragilisée, notamment par les conflits, la crise écologique et leur avenir professionnel. Mais c’est aussi une jeunesse en quête de sens. Ici, on veut être à leur écoute ; redorer l’image qu’ils ont d’eux-mêmes, provoquer un sursaut de confiance, en les accueillant tels qu’ils sont, en portant un regard d’espérance et de bienveillance – car Dieu est bien présent dans ce monde –, en les mettant en responsabilité et en les accompagnant spirituellement dans le discernement.

Pour en savoir plus
maisonmagis.org
12, rue d’Assas, 6e

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