Addiction à la pornographie : comment s’en sortir ?

Paris Notre-Dame du 10 novembre 2016

Avec le développement d’Internet, la consommation d’images pornographiques a pris une ampleur sans précédent. Le phénomène touche tous les milieux et tous les âges, et entraîne parfois une addiction. Comment sortir de cette pornodépendance ? Réponse avec le P. Éric Jacquinet, co-auteur du parcours Libre pour aimer – Sortir de la pornographie [1].

Paris Notre-Dame – La pornodépendance a pris de l’ampleur ces dernières années. Vous l’avez constaté dans votre ministère de prêtre ?

P. Éric Jacquinet – Oui, en confession, un nombre croissant de personnes viennent nous parler de ces problèmes. Le phénomène a pris de l’ampleur car l’arrivée d’Internet a rendu la pornographie largement accessible. En deux clics, vous avez accès à des sites que vous pouvez consulter sans frein plusieurs fois par jour. Pour des gens fragiles, c’est une tentation permanente.

P. N.-D. – Avec des conséquences graves sur leur vie ?

P. É. J. – Divorces, difficultés au travail : le coût personnel et social de cette dépendance est important. Jean-Paul II le rappelait : la sexualité, le rapport au corps, touchent au cœur même de l’identité de la personne. Les personnes dépendantes sont donc en grande souffrance psychologique, car la pornographie blesse profondément leur relation à elle-même, à l’autre, à son corps. Sans parler du poids de la honte, qui les empêche souvent de parler et d’être aidées.

P. N.-D. – En 2012, vous avez lancé un groupe de travail sur cette addiction, qui a abouti à ce livre. Sur quoi repose ce parcours ?

P. É. J. – Sur plusieurs clés. La première est liée au fait que cette addiction isole la personne dans un sentiment de culpabilité. Nous l’encourageons à sortir de cet isolement en faisant appel à un parrain qui, chaque semaine, va l’aider à faire le point sur ses progrès. Cette dépendance produit également de l’errance et de la désespérance, car la personne sent bien qu’elle ne maîtrise plus sa propre destinée, et la plupart du temps elle a essayé d’arrêter sans réussir. Nous la faisons donc travailler sur ce qu’elle attend de sa vie et sur la qualité de ses relations aux autres. Nous l’incitons aussi à réentendre ses émotions et à sortir du seul domaine des sensations. Tout ceci grâce à une pédagogie de petits pas, basée sur des exercices quotidiens. Ce travail de reconstruction s’appuie sur la dimension spirituelle de la personne, sa relation à Dieu, avec l’aide de la prière et des sacrements.

P. N.-D. – Ce parcours ne s’adresse-t-il qu’à des personnes croyantes ?

P. É. J. – Non, même si nous avons privilégié, dans un premier temps, un cercle de gens ouverts à la dimension spirituelle. Mais nous espérons que ceux qui savent peu de chose de la foi chrétienne pourront également y trouver une nourriture et peut-être, du même coup, y découvrir la figure du Christ Sauveur. • Propos recueillis par Priscilia de Selve

Questions au… Dr Pauline de Vaux
Psychiatre addictologue et co-auteur du parcours Libre pour aimer.

Paris Notre-Dame – Comment expliquer la dépendance à la pornographie ?

Dr Pauline de Vaux – Cette addiction est de même nature que les autres. Nous sommes là dans une recherche de récompenses, de sensations, et les sensations rendent accrocs. L’addiction, quelle qu’elle soit, répond à un désir souvent insatisfait mais c’est une mauvaise réponse. En identifiant ce désir et parfois les blessures qui l’ont initié, on peut travailler à éliminer l’addiction.

P. N.-D. – Y a-t-il des profils à risques ?

Dr P. V. – Les personnes vulnérables sont souvent sensibles à la récompense avec une recherche de sensations, ou alors elles cherchent une consolation à un traumatisme. Mais les images sexuelles accrochent tout le monde, personne n’y est insensible. La consommation d’images permet aussi d’éviter la relation souvent plus angoissante, pour les adolescents notamment.

P. N.-D. – Sur quoi se base ce parcours ?

Dr P. V. – Il s’inspire des méthodes cognito-comportementales, qui postulent qu’en donnant des informations à un sujet, il peut se guérir par lui-même. C’est pourquoi ce livre comporte des témoignages et des exercices à faire quotidiennement. L’enjeu est, ici, de renforcer les capacités personnelles des personnes dépendantes pour qu’elles n’aient plus besoin de se réfugier dans ce type d’addiction. • Propos recueillis par P. S.

[1Le P. Jacquinet et le Dr de Vaux organisent deux conférences sur ce sujet : le 24 novembre à Versailles et le 25 novembre à 20h30 à la Trinité (9e). Infos : librepouraimer.com

Articles
Contact

Paris Notre-Dame
10 rue du Cloître Notre-Dame
75004 Paris
Tél : 01 78 91 92 04
parisnotredame.fr

Articles