« C’est ensemble, juifs et chrétiens, que nous pourrons être la lumière des nations »
Paris Notre-Dame du 16 septembre 2021
Les fêtes de Tichri, fêtes juives d’automne, se sont ouvertes le 6 septembre avec la fête de Roch Hachana. Elles se termineront par Soukkot, la fête des cabanes, qui s’achève, cette année, le 29 septembre. À cette occasion, le Service diocésain pour les relations avec le judaïsme (SDRJ) de Paris propose aux fidèles d’adresser leurs vœux à la communauté juive. Pourquoi ? En quoi cette action s’inscrit-elle dans un mouvement de dialogue ? Le point avec le P. Thierry Vernet, délégué de l’archevêque pour les relations avec le judaïsme.
Paris Notre-Dame – Pourquoi poursuivre cette tradition d’envoyer des cartes de vœux pour les fêtes de Tichri à Paris ?
P. Thierry Vernet – Ce début de l’année est un moment stratégique : il ouvre non seulement une fête mais une série de fêtes. Ce geste est à la fois une démarche personnelle, individuelle et une démarche plus générale : celle de l’Église catholique. La plupart des juifs en sont très touchés mais il peut rester de la méfiance et une peur relative chez certains. Une peur, qui s’inscrit dans l’Histoire, d’être évangélisés. Même s’il y a eu des avancées considérables, je pense notamment aux cinquante ans de Nostra Ætate, nos relations avec la communauté juive sont toujours à consolider et exigent beaucoup de délicatesse. L’incompréhension des autorités juives, cet été, suite au commentaire du pape François sur un passage de la Lettre de saint Paul Apôtre aux Galates [1], l’a bien manifesté.
P. N.-D. – Quel est l’enjeu ?
T. V. – Nous, chrétiens, sommes chrétiens parce que certains juifs ont reconnu en Jésus le Messie. Cela fait partie de notre identité. Pour savoir qui nous sommes, pour comprendre vraiment nos Écritures, nous avons besoin des juifs qui restent le peuple de Dieu, le peuple de l’Alliance. Nous ne pouvons pas ne pas les aimer. Par ailleurs, cette amitié nouée avec les communautés juives s’inscrit dans un mouvement de réconciliation finale. En elle, se joue quelque chose qui a des effets sur l’humanité. C’est ensemble, juifs et chrétiens, que nous pourrons être la lumière des nations. La fête de Soukkot que les juifs s’apprêtent à célébrer, nous oriente vers ce temps de la réconciliation où, selon le prophète Zacharie, toutes les nations se rassembleront à Jérusalem pour y célébrer cette fête avec les juifs.
P. N.-D. – Quel est l’état de cette amitié aujourd’hui à Paris ? Où en sommes-nous ?
T. V. – La pandémie de la Covid-19 nous a un peu ralentis. La distance, salutaire d’un point de vue sanitaire, s’est également ressentie dans nos relations. Beaucoup d’événements ont été supprimés. Je pense notamment à l’initiative lancée en 2020 par le SDRJ et l’association Au vent des rencontres qui consistait à inviter, dans le cadre de la formation permanente, des prêtres dans des synagogues pour y vivre le shabbat et le poursuivre dans des familles juives. Ceci n’a pas pu se faire. Mais nous relançons l’idée cette année. Le 1er février dernier a cependant été un moment fort pour juifs et chrétiens. Le Conseil permanent de la Conférence des évêques de France a remis une déclaration contre l’antisémitisme et l’antijudaïsme au grand rabbin de France, Haïm Korsia, au président du Consistoire central, Joël Mergui, et au président du Conseil représentatif des institutions juives de France, Francis Kalifat. Ce geste a été décisif : il a inscrit la lutte contre l’antisémitisme et l’antijudaïsme comme une lutte, aussi, chrétienne.
Propos recueillis par Isabelle Demangeat @LaZaab
[1] Le président de la Commission du grand rabbinat pour le dialogue avec le Saint-Siège a fait part de ses « préoccupations » en déclarant que les commentaires du pape « semblaient suggérer que la loi juive était obsolète ». Ce passage de la Bible est souvent l’objet de débats et de controverses entre catholiques et juifs.
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