« Ce n’est pas à moi que revenait cette décision »
Paris Notre-Dame - 6 janvier 2005
Paris Notre-Dame du 6 janvier 2005
Le témoignage d’Evelyne, qui a accueilli son enfant trisomique au terme d’une grossesse tourmentée.
« La grossesse s’est passée en 2000. J’avais alors quarante cinq ans. Dès la première échographie, à quatre semaines, la gynécologue m’a suggéré l’avortement.
Puis étant donné mon âge, j’ai fait une amniocentèse à quatre mois. Quand j’ai appris que l’enfant avait un handicap, une trisomie 21, j’ai hésité. Je ne savais pas bien ce qu’était la trisomie, et je me suis dit : « je n’y arriverai pas, je ne saurai pas faire ». Lorsque le médecin m’a donné rendez-vous pour une IVG, le lendemain, j’ai rappelé quelques heures après pour lui dire que j’avais besoin de temps pour réfléchir.
J’ai rencontré des personnes croyantes, des prêtres. En vingt-quatre heures, j’ai entendu différentes choses et j’ai décidé de ne pas le garder. Ma raison me disait : « seule, tu ne t’en sortiras pas ». La veille d’entrer en clinique, le tonnerre roulait. Après la messe du matin, j’ai rencontré une carmélite qui m’a conseillé la visite d’un prêtre ; ce que j’ai fait tout en restant sur ma décision. A la clinique, au moment ou le médecin m’a donnée le cachet à prendre la veille de l’intervention, l’orage a éclaté.
Quand je suis sortie, voyant la pluie, je me suis dit : « je n’ai pas fait le bon choix, je fais pleurer tous les anges du ciel ». A ce moment-là , j’ai compris. Je suis rentrée chez moi en sachant que je devais garder ce futur bébé. J’ai téléphoné à d’autres personnes, notamment à un père d’enfant handicapé et je me suis engagée à poursuivre la grossesse. Je me suis dis : « ça n’est pas à moi de prendre cette décision ; il est dans mon sein, j’ai à le porter ».
Lorsque je suis retournée voir le médecin pour lui faire part de mon choix, sa réaction défavorable m’a mise très mal. J’étais déjà au cinquième mois de grossesse, j’ai arrêté mon travail, je me suis isolée, pour éviter d’entendre ce que je n’avais pas envie d’entendre, pour maintenir une certaine paix en moi.
C’était comme une traversée du désert. J’ai juste prévenu des amis proches que j’attendais un enfant trisomique.
Alors que je participais à un groupe de prière, une dame est venue me demander si j’accepterais que l’on prie pour moi, j’ai accepté. Quarante personnes ont ainsi formé une chaîne pour moi et le fœtus jusqu’à la naissance : chacun priait et jeûnait à son tour. Dès le premier jour, je me suis sentie portée ; je sentais en moi quelque chose de doux et agréable.
Puis Louise est née. Elle a quatre ans aujourd’hui. Elle va à l’école et évolue bien. Je suis parfois épuisée mais elle m’aide à grandir, elle me renforce dans ma foi. Toujours souriante, elle est pour moi un bonheur et m’apprend beaucoup de choses, notamment à vivre le moment et à être dans l’essentiel.
Je ne juge personne. J’essaie de travailler le pardon, même si c’est parfois difficile. Un enfant, quel qu’il soit, est avant tout notre véritable raison d’être de vrais hommes et femmes, la source d’un grand bonheur et la force, face à toute épreuve.
Faisons confiance à la vie. » • Evelyne