Céline Hoyeau, sur l’autel de la vérité

Paris Notre-Dame du 30 mars 2023

Chaque année, le 8 mars, le monde célèbre la femme. À cette occasion, Paris Notre-Dame vous propose une série de portraits de femmes qui œuvrent au sein de l’Église. Des femmes qui enseignent, des femmes qui conseillent, des femmes qui publient… Troisième volet de la série avec Céline Hoyeau, journaliste spécialisée dans le fait religieux à La Croix, chef du service Religion depuis novembre 2021.

Elle demande « un peu de temps pour discerner » avant de répondre favorablement à notre proposition. Il n’est pas facile pour Céline Hoyeau de prendre la parole en son nom propre. « Ce n’est pas le rôle du journaliste. » Et puis, spécialisée dans le fait religieux, traitant des affaires d’abus au sein de l’Église, la femme de 46 ans, mère de deux enfants, est habituée aux critiques. « Tu fais du mal à l’Église ! », entend-elle depuis près de dix ans.
En 2009, tout juste arrivée au service Religion de La Croix après trois années passées au service web et quatre autres à Radio Vatican, à Rome, Céline Hoyeau, diplômée de l’Institut pratique de journalisme (IPJ), est envoyée parce que « parlant anglais » à Dublin (Irlande). Pour son « premier reportage à l’étranger pour La Croix », elle couvre le « Rapport Murphy » qui révèle que les évêques irlandais ont caché des abus sexuels commis par des clercs pendant trente ans. Quatre ans plus tard, on lui demande de travailler sur Points-Cœur, Marie-Dominique Philippe, Mansour Labaky… « Les affaires venaient à moi », relit-elle aujourd’hui. Originaire d’Angers (Maine-et-Loire), cette femme joyeuse, animée de grands désirs et assoiffée de vérité, a assisté au « renouveau de l’Église », côtoyé de nombreuses communautés nouvelles. Certains membres, sachant qu’elle travaille à La Croix, commencent à lui parler. « Au début, j’ai pris une affaire après l’autre, j’ai commencé à tirer le fil… et puis toute la pelote est venue. »

Douloureuse rigueur

À chaque fois, ce travail journalistique lui « prend beaucoup d’énergie ». « Tout est très délicat », observe-t-elle. Comment comprendre ? Que comprendre ? Céline Hoyeau est de ceux dont l’exigence et la rigueur sont des lignes de conduite. Dans ses papiers, chaque information est scrupuleusement vérifiée ; chaque mot est pesé. Ses collaborateurs vous le diront, sous un air entendu et affectueux : Céline Hoyeau ne souffre pas l’inexactitude et l’approximation. Elle commence des études de théologie en 2007 à l’Institut catholique de Paris (ICP), en sort diplômée en 2015 du baccalauréat canonique. « Je désirais advenir à un rapport plus mature à la foi et au monde », explique-t-elle. En parallèle, elle entame un travail thérapeutique, se forme en psychologie. Plus elle avance, « plus [elle] sort du jugement et comprend un peu mieux les angoisses que peuvent traverser les victimes, les mécanismes de déni, les conditions qui ont permis à certains d’abuser ». Plus elle accepte de descendre en elle, plus elle consent à descendre avec les personnes victimes « dans les tréfonds de leurs témoignages ». « C’est difficile, cela ébranle », confie-t-elle mais plusieurs choses l’aident à tenir. La foi des personnes victimes qu’elle rencontre, le courage de ceux qui les accompagnent au sein de l’Église et « la conviction que ce n’est pas faire de mal à l’Église que de l’aider à faire la vérité sur elle-même », confie-t-elle en regrettant certaines « maladresses » « indélicatesses ». « Il est très difficile d’avoir un regard parfaitement juste sur toutes ces affaires », reconnaît celle qui s’est spécialisée dans le fait religieux par l’amour de ce thème « à la croisée du plus intime et de l’universel ». Elle l’explique dans son ouvrage où elle interroge un système d’abus, La Trahison des Pères (éd. Bayard). Elle le publie en 2021, peu après avoir donné naissance à sa fille, son aînée. Un autre accouchement qui ne l’épargne pas de doutes, de questionnements. Encore une fois, Céline Hoyeau prend le temps du discernement. Le temps de la prière, du conseil, de l’accompagnement. Pour celle qui a longtemps dansé, tout est toujours question d’équilibre. Afin de ne pas sacrifier sur l’autel de la vérité.

Isabelle Demangeat @LaZaab

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