« Chacun a sa place dans la communauté »
Paris Notre-Dame du 30 mars 2011
Tout comme certains professeurs qui voudraient n’avoir que des élèves excellents, performants et doués, nous pourrions rêver nous aussi de n’avoir que des paroissiens convaincus, zélés, répondant à toutes nos propositions spirituelles, apostoliques, de formation, etc. Avouons que c’est une tentation qui ne date pas d’hier que de construire une « Église de parfaits » et de laisser de côté les fidèles épisodiques, les « consommateurs », les croyants non pratiquants ou encore les familles « nouveau modèle ». La charité pastorale nous rappelle que nous avons à accueillir les familles, telles qu’elles sont, en les prenant là où elles en sont, pour les faire avancer vers la sainteté. On ne les choisit pas, comme on ne choisit pas les paroissiens. Ils nous sont donnés par le Christ : tordus ou raides, jeunes ou âgés, blessés ou convalescents, riches ou pauvres. Tous ont leur place dans la communauté. Mais sommes-nous capables de les accueillir, de leur laisser une place, non pas derrière un pilier, mais dans la nef ? C’est une joie de voir, par exemple, des divorcés-remariés venir recevoir, le dimanche, une bénédiction au moment de la communion.
Un accueil qui construit
Le premier accueil est si important ! Notamment au moment d’une demande de mariage, de baptême, sans oublier les obsèques. Certes, nous avons à opérer un discernement à partir de la demande ; certes, nous ne pouvons pas brader les sacrements et nous avons à obéir à ce que nous demande l’Église ; mais nous pouvons éviter les blessures inutiles, en ne nous situant pas uniquement au niveau du possible ou de l’impossible, en n’imposant pas des règles inaccessibles qui créent des culpabilités douloureuses. C’est là où nous avons à accueillir les familles pour leur montrer qu’elles sont toutes appelées à la sainteté et au bonheur. N’oublions pas que nous sommes en train de passer dans l’Église d’une morale de l’interdit et de l’obligation à celle de la construction de soi. C’est une chance, car cela permet de retrouver la primauté de l’amour et notre vocation au bonheur. Cela ne signifie pas qu’il faut supprimer toute loi, que tout est permis et que la liberté est de faire ce que l’on veut. La construction de soi intègre les dix commandements et il s’agit de montrer que les interdits et les obligations nous sont donnés pour protéger et faire croître le germe d’amour que tout homme porte en lui.
Un accueil qui libère
A l’image du Christ, cette démarche passe d’abord par l’écoute des familles. Celle ci se fait dans l’Esprit pour découvrir leur désir. Leur demande est parfois gauche – on ne connaît pas toujours le langage de la tribu catho ! – ou accompagnée d’une crainte d’être peut-être rejetées par l’Église. Il s’agit, avec délicatesse, après avoir compris leur histoire et leur chemin spirituel, de leur montrer leurs propres limites et de les leur faire accepter. C’est ainsi que l’on commence à construire. Cela ne se fait pas en un jour. C’est un chemin qui libère notre liberté. Ceci est vrai pour chacun d’entre nous, également pour nos familles chrétiennes engagées qui sont de véritables bénédictions pour nos paroisses. Certaines accompagnent celles qui sont plus fragilisées par des situations parfois difficiles à vivre. C’est là une mission importante, car il ne suffit pas d’accueillir, mais il faut aussi répondre aux attentes et aux besoins. • Mgr Patrick Chauvet, vicaire épiscopal, curé de St-François-Xavier (7e)