Texte de la conférence de carême de Notre-Dame de Paris du 26 mars 2023
Le dimanche 26 mars, Mgr Bernard Podvin. a donné la cinquième conférence de carême de Notre-Dame de Paris sur le thème “Il appelle qui il veut”.
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Texte de la conférence
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Les conférences ont été publiées aux éditions Parole et Silence le 6 avril 2023.
Il appelle qui il veut (Mc 3)
J’ai vécu quatorze années de ministère dans la formation des prêtres.
Vous connaissez l’adage :
Une heure d’expérience, on prétend écrire un livre.
Une vie d’expérience, on reste silencieux.
Cette durée de quatorze années, déjà substantielle, m’a fait connaître de nombreux déplacements intérieurs.
Combien de fois, en équipe de formateurs, nous laissions nous séduire par la brillance d’un séminariste. Celui-là ira loin !
Combien de fois faisions-nous « fine bouche » devant les lignes courbes d’un autre. Pariant peu sur le devenir de cette personnalité.
Le Seigneur venait souvent déjouer le pronostic pas assez profond.
Et même, quand se confirmait un discernement, le Seigneur n’avait de cesse qu’on apporte le soutien, l’éclairage, l’accompagnement.
Dieu, par la médiation de son Église, nous appelait à plus grand que nous-mêmes.
L’expérience était à chaque fois décapante.
Le discernement des vocations n’est jamais une science exacte.
Pour me ressourcer dans ces moments exigeants, combien de fois suis-je revenu vers Jésus montant sur la montagne et « appelant à Lui ceux qu’il voulait ».
Réentendre cette force de Marc (3,13)
Non pour se dérober à la mission confiée.
Mais pour lâcher prise au vouloir de Jésus.
Il appela à Lui ceux qu’il voulait, ils vont à Lui.
Il en fait douze.
Tournure abrupte si éloquente !
Il fait ces douze pour être avec lui et les envoyer.
Tout est dans cette concision.
Tout est dans cette fécondité.
Tout est dans cette tension.
Être avec lui, et être envoyé par lui, participe du même mouvement surgi de Lui.
Notons bien le contexte de l’appel :
Une foule disparate était venue s’agglutiner, forçant Jésus à s’embarquer, prendre le large.
Or, comme l’écrit frère David d’Hamonville : « Surprise ! Il ne monte pas dans la barque. Il monte dans la montagne. Sans transition. La référence apparaît alors plus nettement. Comme Moïse débordé et accablé par la foule qui l’assaille (Nombres 11) Jésus se tourne vers Dieu, lequel lui dit d’appeler des hommes pour le seconder dans cette charge accablante. Moïse appelle les 70. Jésus appelle les 12 ».
Parler de l’appel dans une démarche de Carême n’est pas chercher à problématiser pour problématiser.
Les sessions ne manquent pas à ce sujet. Les compétences sont bienvenues pour scruter les courbes statistiques et les différences continentales. Chacun y va de ses analyses et de ses solutions.
L’enjeu de « la » vocation, son incarnation dans « les » vocations est tellement le cœur du cœur.
Il est légitime que chacun y mette tout son cœur à comprendre et expliquer.
Tout son cœur, mais aussi parfois son entêtement et sa présomption.
Ma posture de prédicateur de Carême est en soi plus simple.
Mais peut être plus vitale.
Si nous cessions de disserter sur l’appel, avant même avoir prié Celui qui appelle ?
Si nous cessions de formater les appels avant même avoir contemplé Celui qui suscite selon son cœur ?
François Cheng insiste pour que le sens des événements soit intériorisé en ses trois dimensions.
Qui dit sens, dit sensation, dit signification, dit direction.
Notre vive interrogation sur l’appel doit avoir cette richesse pluridimensionnelle.
Le sens que peut prendre une existence se fonde dans le ressenti, dans l’intériorisation et la décision.
Sentir, discerner, se mettre en mouvement sont la constellation d’une existence devenant réponse à sa raison d’être.
Nous sommes des êtres de cœur, d’intelligence et de mouvement.
Ces fondamentaux anthropologiques et spirituels reçus de François Cheng sont comme une méthodologie qui déploie tout notre être.
Celui que Dieu appelle est aimé à cette profondeur !
Pour dire les choses autrement, il n’y a de vocation que si elle est éprouvée dans la chair ; que si elle est priée et reçue ; et que si elle est oblative, c’est-à-dire mue vers une altérité.
La vocation saisit le tréfonds de soi pour être don de soi.
Je devrais même dire : la vocation nous saisit afin de saisir à notre tour.
Les crises que nous traversons s’originent souvent dans un morcellement de ces trois aspects unifiants.
– Soit nous en restons à la pure perception subjective. Et évidemment, le chemin vocationnel ne peut que nous décevoir ; car il ne se déroulera pas comme notre narcissisme le programmait.
– Soit nous spiritualisons notre appel à grand bruit, ne laissant pas le silence être habité par l’écoute de ce que Dieu désire.
– Soit nous confondons vocation et militance, et voulons garder la main sur toute transformation.
Le Seigneur appelle qui il veut, comme il veut n’est pas un titre.
C’est un axiome structurant la vie !
Permettez cinq points d’attention pour accueillir la nouveauté de Dieu.
1) En premier lieu, prenons le temps de connaître la profondeur de l’homme. Jésus ne s’y prend pas autrement. « D’où me connais-tu ? » interroge Nathanaël. « Avant que Philippe ne t’appelle, sous le figuier, je te voyais ».
Nous sommes connus et estimés par Dieu à la mesure de son cœur. Je pense à cette soignante actuellement en écoute spirituelle : « Ma vocation dit-elle bouleversée, n’est pas de donner la mort ! ». Comment ne pas l’entendre et la soutenir au cœur de l’ambiance sociétale qui occulte trop souvent, toute la force éthique des soins palliatifs. Cette personne parle de sa vocation. Elle y inscrit le meilleur d’elle-même ! Elle est servante de la vie. Dieu est la vie !
Écoutons ce membre d’ATD Quart Monde.
« Ma prise de conscience de qui est pauvre aujourd’hui, s’est personnalisée dans mon frère humain. Avant, j’avais une analyse.
Ma connaissance des structures de pauvreté a pris chair en quelqu’un ».
Ces deux cœurs disposés à servir leurs frères dans leur fin de vie, ou leur précarité, sont chemins vocationnels qui honorent l’appel de l’humanité à la ressemblance de Dieu.
2) « Je n’étais pas prophète, ni fils de prophète, dit Amos 7,14 j’étais bouvier. Je soignais les sycomores.
Le Seigneur m’a saisi quand j’étais derrière le troupeau. C’est lui qui m’a dit : « va, tu seras prophète pour mon peuple ».
Dieu nous regarde en 2023 avec la même puissance novatrice qu’il fit en Amos pour son peuple.
François de Sales (qui prêcha le Carême à Paris en 1602 !) écrit à Jeanne de Chantal en 1612 « Il y a dix ans, j’ai été consacré. Dieu m’a ôté à moi-même pour me prendre à Lui et me donner à son peuple ».
Dix ans ont mûri cette belle relecture spirituelle. Dix ans ne sont pas de trop pour mesurer la confiance avec laquelle Dieu appelle pour le bien de l’humanité. La vocation est mort à soi-même, pour être à Lui dans une vie offerte ». De sorte que c’est Christ qui vit en ceux qui se donnent à Lui pour le déploiement de leur vocation ».
Ce que nous disons d’Amos et de François de Sales est par excellence inscrit et vivifié dans la vocation même du Christ. « Ma nourriture, c’est d’accomplir la volonté de mon Père » dit-il en Jean4
3) Nous venons de préciser que toute vocation chrétienne est accomplissement du désir du Père.
Il me semble qu’un rendez-vous décisif pour aujourd’hui et demain se trouve dans la juste estime des vocations entre elles. Cette estime dépasse les règles de civilité ou de communion des grands jours. Toutes les vocations que Dieu suscite, sont appelantes les unes par les autres.
Elles tissent une culture chrétienne chaque jour, dans les proximités de vie. Des vocations en compétition, ou en ignorance, sont le contre témoignage le plus douloureux qui soit.
Apprenons à nous réjouir à chaque fois qu’un adulte, un jeune prononce le « Me voici » de la confiance.
« L’Eglise est un jardin diapré » disait François de Sales. Diapré le mot est précis : de couleur variée et changeante. Le diapré s’appauvrît s’il perd une couleur. Il se fane si les couleurs ne se renouvellent. Le diapré a son éclat dans sa totalité. Notre corps a plusieurs membres et forme un tout aimanté par la nouveauté sans cesse jaillie du sang et de l’eau du côté de Jésus sur le Golgotha. Le diapré est l’amour rougeoyant du sang de Jésus, et abreuvé à l’amour baptismal en Jésus. Oui vraiment celui-ci était Fils de Dieu !
4) Lié au point précédent, il serait aberrant de chercher une vie nouvelle dans les vocations, sans intégrer la portée des séismes actuels. Je pense, comme Mgr Bustillo, que nombre de jeunes et adultes sont altruistes, assoiffés d’absolu, mais aussi en quête de l’expérience de l’extrême.
Il ne faut pas nier le clair-obscur de cette vitalité si fragile.
Actuellement, dit Mgr Bustillo, la dégradation de la réputation de l’Eglise et sa perte de visibilité font que « beaucoup choisissent un monde différent du nôtre ».
Les catéchumènes eux, ne semblent pas troublés, outre mesure, par cette situation. Ils se présentent à notre Église toute en recherche d’elle-même.
Leur fraîcheur nouvelle est bouleversante. Ils découvrent le Christ.
Dans l’homélie des Rameaux 1615, François de Sales insiste pour que notre vie spirituelle « à la fine pointe d’elle-même, regarde toujours à son Dieu qui est le Nord de son aiguille marine ».
Les catéchumènes ravivent en nous la vie de Dieu, tandis que les engagements vocationnels sont à l’épreuve des chocs et des vieillissements.
Constater ces deux choses n’est pas contradictoire, mais doit au contraire être réfléchi et prié.
Dieu fait du neuf et éveille la joie de sa présence en des hommes et des femmes qui sont au commencement.
La vocation, quant à elle, suppose le fiat !
Elle ne se mûrit pas sans la pâque intérieure.
Comme Mgr Bustillo, je vois une salutaire provocation dans cette tension entre une spiritualité désirée et l’image que nous en donnons.
Claire d’Assise dit que parmi toutes les grâces que Dieu puisse nous accorder, la plus ineffable est notre vocation !
De même que Jésus est l’herméneute par excellence de son propre mystère dans l’ensemble des Écritures, il nous faut chercher ce que l’Esprit dit aux Églises, dans ces moments de dépouillement.
Nombreux sont les inscrits pour des temps forts comme les Journées Mondiales de la Jeunesse ; plus raréfiés dans les engagements à vie. C’est la grâce et l’épreuve de ce temps.
Le petit troupeau ne doit pas craindre dit Jésus s’il a conscience que le Père s’est plu à lui confier le Royaume.
Le petit troupeau risque trop souvent de gémir sur son extinction, plutôt que d’annoncer la nouveauté qui est entre ses mains ! Notre responsabilité devant le don de Dieu, commence quand nous accueillons la nouveauté venue de nos frères ; elle ravive aussi en nous la nouveauté ensablée.
5) Le cinquième aspect aurait pu être le premier, voire l’unique point de la conférence. Croyons-nous que Dieu, quand il nous appelle, éveille en nous une nouveauté qui n’est autre que venant de Lui ?
Interrogez-vous, frères et sœurs, sur votre relation à Jésus. Un père spirituel comparait ce lien aux couples tellement habitués qu’ils disent n’avoir pas vu le temps passer, « mais sont passés à côté du temps de l’autre ».
Nous serions-nous habitués à Jésus ?
Il faudrait, chaque matin, s’émerveiller de la confiance que Dieu nous fait. Cette recommandation n’est surtout pas sensiblerie. Elle est l’économie trinitaire de Dieu qui désire demeurer en nous. Elle est exprimée par les témoins du Christ. Écoutons, par exemple, Elisabeth de la Trinité :
« Ces temps-ci, nous avons été prises par une quantité de choses. Enfin, je l’offre au Bon Dieu. Il me semble que rien ne peut distraire de Lui, lorsqu’on n’agit que pour Lui.
Toujours en sa sainte présence. Sous ce divin regard qui pénètre le plus intime de l’âme. Même au milieu du monde, on peut L’écouter dans le silence d’un cœur qui ne veut être qu’à Lui ».
Le propos est humble : il me semble que..
Le propos est inscrit dans le réel de quantité de choses. Mais la sainte présence est ce qui aimante le tout. L’enjeu est clairement posé : n’être qu’à Lui.
C’est la mission de l’Eglise de soutenir et cultiver cette simplicité active dans le cœur des fidèles.
Simplicité active. Disponibilité d’âme et de corps. Le jeûne du Carême doit avoir, avec la prière et le partage, cette visée relationnelle avec le Dieu de notre vie.
La tradition spirituelle forge, au fil du temps, de précieux outils afin de ne pas se faire illusion sur soi-même.
Quand Dieu nous visite, il ne le fait pas en vue du sensationnel.
Bernard de Clairvaux par exemple, consent à fournir quelques repères sans sur-exposition de sa personne :
« Vous me demanderez comment j’ai pu connaître sa présence ? C’est qu’il est vivant et actif ! A peine était-il en moi, qu’il tira du sommeil mon âme assoupie. Mon cœur qui était dur comme la pierre et malade, il l’a secoué, amolli et blessé. Il se mit aussi à sarcler, arracher, construire, planter, arroser les terres arides. Illuminer les endroits obscurs. J’ai compris qu’il était là à certains mouvements de mon propre cœur ».
Admirons la sagesse et la prudence.
Dieu n’est pas à soumettre à nos perceptions.
Il ne s’y réduit pas.
Mais quand les mouvements du cœur sont scrutés, on y voit le bien, le lumineux, le vrai, le fertile, l’exigeant, le confiant.
Bernard s’est contenté de dire :
« Je confesse non sans indiscrétion, que j’ai moi aussi reçu la visite du Verbe. A plusieurs reprises »
Mais il précise :
« S’il est entré souvent en moi, je ne l’ai pas senti entrer à chaque fois. J’ai bien senti sa présence, parfois, j’ai pu aussi pressentir sa venue. Mais jamais, je n’ai eu le sentiment précis, ni de son entrée, ni de sa sortie ».
L’humilité est absolument requise.
On n’a pas la main sur Dieu.
On discerne la bienfaisance de son passage.
Et Bernard se garde de tout élitisme.
« Toute âme, même en proie au désespoir, toute âme peut repérer au dedans d’elle, non seulement de quoi respirer dans l’espoir du pardon et de la miséricorde, mais encore de quoi aspirer aux noces du Verbe ».
Le Seigneur appelle qui il veut.
Les entretiens d’embauche, si j’ose cette expression Le concernant, ont un critère décisif chez lui.
Que le Pape François résume dans sa propre devise :
Miserando atque eligendo
Extrait d’une homélie de saint Bède le Vénérable.
Venant commenter la vocation de Mathieu.
Le Père Pierre Auffret dira à ce sujet :
« La miséricorde du Christ ne va pas plus aux seules blessures, que son choix ne va aux seules capacités. La miséricorde, et encore plus le choix, habitent le regard de Jésus. Le choix de Dieu n’est ni utilitaire, ni récupérateur. Si discernement il y a, il s’exerce à un niveau de profondeur qui n’appartient qu’à lui » .
Ce que rédige Pierre Auffret est fondamental pour notre lucidité et notre conversion.
Le choix de Dieu n’enferme pas quelqu’un dans ses blessures, car Dieu précisément ne sait les ignorer.
Mais le choix de Dieu ne se détermine pas sur les seules capacités de quelqu’un, si lumineuses soient-elles, car Dieu sait à quel point nous sommes faillibles.
Nous avons prêché dimanche dernier, l’humilité comme chemin de vie nouvelle. Inutile de dire à quel point elle est requise dans l’accueil de l’appel à naître dans sa vocation.
Les crises que nous traversons démontrent bien qu’il ne suffit pas de s’affubler du qualificatif « nouveau ».
Combien d’exemples attestent tristement cet orgueil dévastateur.
De même que les réticences à s’ouvrir au discernement de la nouveauté peuvent très vite sentir le rance.
Cette modeste prédication voudrait servir en nous un triple réveil :
– Nous sommes tous appelés chacun selon sa grâce. Redire cela n’est pas enfoncer des portes ouvertes. François de Sales est très ferme dans l’Introduction à la Vie Dévote : « C’est une erreur. Combien plus c’est une hérésie de vouloir bannir la vie dévote de la compagnie des soldats, de la boutique des artisans, de la cour des princes, du ménage des gens mariés. » (IVD 1,3).
Comment ne pas le dire en langage d’aujourd’hui. Si le Seigneur appelle qui il veut, c’est parce que tous sont dignes de vivre et grandir sous son regard, dans le temps qui est le nôtre.
L’hérésie soulignée avec lumière par François de Sales s’inscrivait évidemment dans une vision réductrice du sacerdoce baptismal. Mais elle n’est pas forcément révolue. Elle menace trop souvent notre désespérance à croire que Dieu appelle, qu’il déploie sa liberté dans le cœur des personnes mais aussi dans l’accueil qu’en fera la communauté chrétienne.
Un conte oriental peut nous aider à saisir cet enjeu. Trois papillons sont assemblés autour d’un Roi la nuit.
En pleines ténèbres, une lumière s’allume. Le roi ordonne à un de ces papillons d’aller voir ce que c’est. Le papillon revient et fait une description de la lampe. Le roi lui dit : « Tu ne nous as pas décrit ce qu’est la lumière ». Il envoie un autre papillon pour approfondir le sujet. Il revient en disant : « Cette lumière brûle. Voyez mes ailes noircies ». Le roi commente : « Nous commençons à comprendre. Mais nous ne savons pas encore ».
Il envoie alors le troisième papillon.
Il traverse la flamme. Des gens l’ont vu brûler. Conclusion du roi : « Il sait ce qu’est la lumière mais ne peut plus nous le dire ».
Le Père Ambroise Marie Carré note que Saint Augustin fut impressionné par ce conte.
Les vocations sont en effet précisément ce thème vital. Nous ne sommes rien sans elles. Mais nous en parlons toujours en deçà de ce qu’elles sont.
Trop souvent par approche distanciée. Nous décrivons la lampe mais pas sa lumière.
Et quand nous expérimentons l’appel, nous découvrons que ce que nous pouvons en dire est toujours au-delà de l’exprimable.
On peut se brûler les ailes à l’orgueil de parler au nom de celui qui appelle selon son cœur !
Jean-Paul II avait intitulé son exhortation Pastores dabo vobis.
Reprenant Jérémie 3,15 : « Je vous donnerai des pasteurs selon mon cœur », Jean-Paul II ne venait surtout pas dire la vanité des médiations dans le discernement.
Le « selon mon cœur » s’il dit l’irréductible initiative de Dieu, renvoie d’autant plus au sérieux de la responsabilité de tous.
Jean-Paul II précisait : « Si quelqu’un dit, répondant à l’appel de Jésus, je viens et je te suis, commence alors cette option fondamentale qui doit être ré-exprimée et réaffirmée au long des années, par de si nombreuses autres réponses enracinées et vivifiées par le oui de l’ordination ».
Option fondamentale, autres réponses enracinées, vivifiées dans la réponse inaugurale.
– Mais le premier sursaut de tous appelés à la vie spirituelle, n’est envisageable que si nous nous convertissons à Dieu. Que si nous convertissons notre idée de Dieu. Au buisson ardent, tandis qu’il se fait connaître à Moïse, il profère cette affirmation : « Je suis qui je suis » Exode 3, 15
Or quelques versets avant, il a assuré Moïse :
« Je suis avec toi ! » 3,12
Le « Je suis » s’avère perceptible si l’on s’est entendu dire : « Je suis avec toi ».
Cette remarque n’est pas une petite subtilité de langage. La connaissance de soi s’éveille dans l’être avec Dieu. Elle ouvre le champ infini de découvrir qui il est.
La bonté de Dieu n’est pas de surplomber un « Je suis » inatteignable dans ma vie.
Sa grandeur est d’être, Je suis toujours à chercher dans le « Je suis avec toi ».
Cet être avec, prend à la fois incarnation et ne peut se rabougrir dans une chosification de Dieu.
C’est à cette maturité que nous devons écouter, guider mais ne jamais nous approprier les vocations !
Nous manquons de foi en Dieu qui se révèle à nous comme le père nous portant au long du chemin (Deutéronome).
Dans le panthéon ambiant de nos vies, Dieu reste trop un dieu parmi d’autres.
Le double piège est de garder de la vocation biblique et chrétienne une image sélective, non faite pour moi. Ou au contraire de la marginaliser comme l’institution est marginalisée, comme le sentiment religieux est marginalisé.
Soit la vocation est à regarder sans que j’y participe, parce que l’indignité me gagne, soit elle me semble tellement étrangère aux logiciels d’aujourd’hui, que je ne m’y vois pas ou je n’y vois pas la chair de ma chair.
Dans les deux attitudes extrêmes, nous gardons la main sur qui est Dieu pour l’homme !
Nous attendons de Dieu qu’il fasse des prodiges en spectateurs non impliqués.
J’aime le commentaire du frère Philippe Lefebvre : « Quand Dieu se présente à Abraham et Sara, c’est pour leur dire qu’un fils naîtra d’eux. Contre toute attente. Et commencera une lignée innombrable. Or Abraham et Sara cherchent à se fuir, chacun de quoi se dérober, de quoi substituer quelqu’un d’autre au projet de Dieu » (Gn 15),
– D’où le second sursaut,
Dire « le Seigneur appelle qui il veut » c’est vivre un consentement inouï de l’expression.
Inouï, pour son projet envers un frère ou une sœur auquel on n’imaginait pas la destination.
Inouï, dans les médiations qu’en fera l’Eglise afin que ce projet spirituel devienne, se concrétise et devienne joie de servir.
Inouï, dans l’idée même que Dieu puisse être qui il est tandis qu’il vous appelle et m’appelle !
– Le troisième sursaut concerne notre démarche synodale. Est-elle suffisamment vocationnelle ? Je veux dire, s’abreuve-t-elle aux sources mêmes de Celui qui appelle ?
Un critère qui ne trompe pas est l’implication des participants. Chaque vocation se sent-elle reçue et attendue dans la grande perspective qui se discerne ? La volonté profonde est-elle d’invoquer le Maître de la Moisson comme Jésus nous y presse ? Les champs sont blancs dit-il. Son horloge n’est pas la nôtre. Les vocations sont la nouveauté que nos Eglises très anciennes ne peuvent se refuser. Elles naîtront dans la conversion dont ce Carême se veut insistant.
Introduction à la conférence
Chaque dimanche, conférence à 16h30, prière à 17h15, vêpres à 17h45, messe à 18h30 à Saint-Germain l’Auxerrois.
– Voir la 6e Conférence de carême.