Interview : « Se poser en Dieu et contempler ce qu’il suscite déjà »

Du 26 février au 2 avril se tiendront les traditionnelles conférences de Carême, données à Paris depuis 1885, à St-Germain-l’Auxerrois depuis l’incendie de Notre-Dame. Cette année, c’est Mgr Bernard Podvin, prêtre de Saint François de Sales et missionnaire de la Miséricorde, qui nous propose d’ouvrir notre regard à la présence de Dieu dans nos vies, grâce à six conférences articulées autour du thème : Dieu fait du neuf aujourd’hui. Ouvrons les yeux !

© Étienne Castelein / Diocèse de Paris

Paris Notre-Dame – Pouvez-vous expliquer le titre choisi pour ces conférences ?

Mgr Bernard Podvin – Dieu fait du neuf aujourd’hui. Ouvrons les yeux ! Il s’agit d’une référence à Isaïe, ce même prophète qui dit que l’homme a un prix inestimable aux yeux de Dieu (Is 43) et qui annonce que le cœur de l’homme doit se laisser féconder par la Parole. L’intuition, en choisissant ce thème, c’est de profiter de ce temps de Carême pour écouter, se rendre disponible à Dieu qui suscite du neuf dès aujourd’hui. Il faut convertir notre cœur pour découvrir cette nouveauté. L’urgence me semble d’autant plus grande que le monde dans son actualité, dans ses convulsions – je parlerai bien sûr des différents conflits, en Ukraine ou ailleurs –, pourrait nous laisser penser que tout se sclérose ou se précipite vers une fin apocalyptique, hélas pas au sens biblique ! Cette vision angoissante peut générer la panique, mais aussi l’immédiateté des réponses. L’humble proposition de ces conférences de Carême, c’est de se poser en Dieu et de contempler ce qu’il suscite déjà de neuf dans le cœur, par notre participation filiale.

P. N.-D. – Que voulez-vous dire par là ?

B. P. – Si nous écoutons Dieu, nous devenons alors, par la bonté qui est sienne et à notre mesure, acteurs de ce qu’il attend de nous, pour que son royaume advienne. La théologie souligne toujours cette tension féconde entre le « déjà-là » et le « pas encore » du royaume de Dieu qui habite le cœur de l’homme, par sa recherche philosophique, théologique, mais aussi son quotidien… Quel quotidien n’est pas dans ce « déjà-là » mais « pas encore » de l’amour, de la compréhension d’autrui, de l’entente familiale, etc. ? Cette fraternité doit être comme le lieu sacramentel du « pas encore » qui veut surgir – que Dieu donne et donnera – et qui vient se poser sur ce « déjà-là ». C’est un peu à cette croisée que je voudrais inviter l’auditeur de ces conférences à se faire pèlerin ; à la fois se réjouir de ce « déjà-là » et poser sa confiance dans le « pas encore », qui quelque part nous échappe car il est plus grand que nous mais qui a déjà une saveur repérable si l’on veut bien accueillir un certain chemin, dans une attente espérante…

P. N.-D. – Vous parlerez donc d’espérance ?

B. P. – D’espérance, bien sûr, mais aussi de foi, dans une charité active. Tous les grands spirituels disent que l’effusion de la charité, c’est comme la conjonction de ce que Dieu veut et de ce que l’homme est appelé à désirer. Si nous déployons une charité active faite de justice et de paix, la charité devient alors l’expression du chemin tangible que Dieu propose.

P. N.-D. – Comment avez-vous construit ces six séances ?

B. P. – J’ai voulu proposer un véritable cheminement, dont le fil rouge est ce Dieu source de nouveauté. Il m’a semblé nécessaire, afin de ne pas nous payer de mots, de nous attarder tout d’abord sur cette nouveauté qui est renaissance : comment peut-on connaître le mystère de la naissance quand on est si vieux ? Je veux passer du temps sur ce paradoxe, en nous attachant à la figure de Nicodème, docteur de l’Alliance, qui a dû vivre un grand dépouillement, admirablement décrit par saint Jean, pour vivre cette renaissance. Dans la seconde conférence, j’inviterai chacun à relire ce que sont nos réconciliations en attente, nos points de conversion. « Nous avons abandonné notre premier amour » (Ap 2), dit l’Apocalypse – ce verset est d’ailleurs le titre de cette conférence. Le Christ est-il notre premier amour ? Ce moment, plus spécifiquement tourné vers le Carême, préparera nos cœurs pour la troisième conférence, intitulée « Elle est vivante la Parole » (Hb 4). La Parole n’est pas seulement vivante au sens « tonique » du terme, mais elle doit opérer en nous jusqu’aux jointures, aux fines pointes de notre être, afin de rénover l’homme. Est-il certain que nous savourions la parole de Dieu dans cette perspective ? Je voudrais, dans ce temps, qu’on redevienne désireux de fréquenter les Écritures, afin de changer nos cœurs, ce qui nous conduit, naturellement, à la quatrième conférence…

P. N.-D. – ... qui s’intitule « Humilité et douceur ne sont pas ce que nous pensons » (Mt 11) ?

B. P. – En effet, je veux m’attarder sur une des manières de se convertir, chère à saint François de Sales pour qui j’ai une dévotion particulière, qui est l’humilité et la douceur. Humilité et douceur ne sont pas ce qu’on croit, surtout dans un monde comme le nôtre, violent à bien des égards ; ces vertus ont leur force, leur dynamisme prophétique. Ce sera l’occasion d’inviter, aussi, les auditeurs à méditer sur leur propre charisme. Et là encore, cette étape est comme une marche supplémentaire vers la cinquième conférence, « Il appelle qui Il veut » (Mc 3), qui portera sur l’appel. Je veux qu’on reprenne conscience que si Dieu suscite la nouveauté, n’oublions pas aussi qu’Il est l’appelant par excellence et qu’Il appelle qui Il veut et comme Il veut. Enfin, nous parvenons à la sixième conférence, le jour des Rameaux, en nous interrogeant sur le chemin particulier parisien, notamment à travers sa cathédrale : qu’est-ce que Dieu a voulu nous dire ? Que signifie cette ardeur à ce qu’elle soit toujours debout ? Il y a un peuple debout, qui est nombreux et fervent. C’est le sens du titre choisi : « Cathédrale… pour un peuple nombreux ! » (Ac 18).

P. N.-D. – Vous citez saint François de Sales. Une autre figure sera-t-elle mise à l’honneur dans vos conférences ?

B. P. – Je pense à Benoît XVI, ce grand théologien, réflecteur de la lumière intérieure, qui a dit que la foi est d’abord une rencontre, non avec des idées, mais avec quelqu’un qui nous transforme de l’intérieur pour nous révéler notre identité de fils de Dieu. Filialement, je lui donnerai la parole car c’est le cœur de ces conférences : laissons-nous rencontrer par quelqu’un qui nous transforme de l’intérieur, nous fait renaître… aujourd’hui !

Propos recueillis par Charlotte Reynaud

Carême 2023 – “Dieu fait du neuf aujourd’hui. Ouvrons les yeux.”

Carême 2023 – “Dieu fait du neuf aujourd’hui. Ouvrons les yeux.”