Dossier Mont Athos
Ce dossier est le fruit d’un voyage des pères Jérôme, Emmanuel, Gérard et Henri au Mont Athos au mois d’août 2018. Le premier texte, du Père Jérôme Bascoul, raconte l’histoire et l’actualité de la Sainte-Montagne, suivi du « Retour du Mont Athos » du Père Gérard Pelletier. Ces deux textes sont illustrés avec les dessins du Père Henri de l’Eprevier. Le dossier est complété par deux textes de trois autres pèlerins, des séminaristes de Paris, Konstantin Droin et Sosefa Sao, sur leur expérience du Mont Athos et Guillaume Leclerc sur les reliques de la Sainte-Montagne.
– Séjour au Mont-Athos (P. Jérôme Bascoul)
– Retour du Mont Athos (P. Gérard Pelletier)
– Le Mont Athos (Konstantin Droin avec Sosefa Sao)
– Les Reliques de la Sainte-Montagne (Guillaume Leclerc)
Séjour au Mont Athos du 2 au 5 août 2018 par le P. Jérôme Bascoul
L’intérêt œcuménique d’un pèlerinage à l’Athos
Pour les fidèles orthodoxes, pouvoir séjourner à l’Athos est une expérience spirituelle intense : participation à la vie liturgique des monastères, rencontre avec un directeur spirituel, vénération de nombreuses et insignes reliques, pérégrinations entre les différents monastères, ascension du sommet de l’Athos. De nombreux pèlerins – évêques diocésains, prêtres de paroisse, pères de famille avec leurs jeunes garçons, jeunes gens avec sacs à dos et chaussures de randonnée – viennent de tous les pays de tradition orthodoxe. En été, certaines hôtelleries des grands monastères ont une ambiance d’auberges de jeunesse. La plupart des visiteurs se retrouvent dans la pénombre des églises éclairées par les seules lampes à huile, devant les icônes, pour participer aux longs offices, notamment les matines célébrées au cœur de la nuit. Cet été, il m’a été possible de vivre cette expérience d’un grand intérêt œcuménique, avec trois confrères prêtres catholiques [1]. Accueillis comme tels nous avons pu rencontrer des interlocuteurs francophones qui nous ont fait partager leur expérience monastique et nous ont fait la grâce d’un accueil fraternel.
L’Athos et la vitalité de l’orthodoxie
Nous allons évoquer la longue histoire de l’Athos avec les tribulations qui n’ont pas manqué de l’affecter, mais nous voudrions commencer par la plus récente période de renouveau, la fin des années soixante du XXe siècle. Il semble que la première partie du XXe siècle fut une période de déclin relatif ; les moines présents vieillissaient et la vie monastique attirait moins de vocations. Il y avait, cependant, quelques figures éminemment populaires, rayonnant en dehors de l’Athos, telle celle du père Joseph de Vatopedi (1921-2009). C’est donc à la fin des années soixante que s’amorce le renouveau des vocations que nous avons constaté. Nous pouvons évoquer la figure du père Aimilianos, grand artisan de ce renouveau monastique, qui des Météores se transporte à Simonos Petra. C’est là que le père Placide Deseille (ancien moine de Cîteaux [2]) le rejoint avec quelques compagnons en 1977. Le père Placide sera envoyé en France pour y établir des prieurés (metochia) de Simonos Pétra – deux pour les femmes, aujourd’hui situés à Solan dans le Gard et à Terrasson-Lavilledieu en Dordogne, et un pour les hommes à Saint-Laurent-en-Royans dans la Drôme – qui sont devenus des lieux de rayonnement de l’orthodoxie en France. Ainsi, les monastères de l’Athos, à travers leurs fondations sur leur territoire athonite et surtout au-dehors, entretiennent des liens avec un grand nombre de fidèles qui bénéficient de leur assistance spirituelle.
La Sainte Légende
La Sainte Montagne (Agio Oros) fut, selon la légende, fondée par la Vierge Marie elle-même en route avec saint Jean pour aller chez Lazare à Chypre, ce qui explique que, par la suite, elle fut instituée higoumène de tous les moines de la Sainte Montagne. La Vierge Marie échoua sur la plus orientale des trois péninsules de la Chalcidique, l’Akté, et débarqua sur le lieu du monastère d’Iviron. Sa présence déclencha plusieurs miracles, comme celui de la destruction des idoles païennes. Notre-Dame demanda à son fils qu’il lui réserve cette terre désormais appelée le « jardin de la Vierge ». Pour garder ce jardin, refuge au milieu d’un monde agité, des moines en y établissant leur demeure, et adoptent au XIe siècle la règle de l’abaton qui interdit toute présence féminine. Il s’agit en fait d’établir la clôture monastique, ce qui implique aussi qu’aucune personne étrangère ne peut circuler librement, si elle n’y a été expressément autorisée.
Organisation générale et statut international
Le patriarcat de Constantinople est l’autorité suprême, mais dans la réalité il intervient en appel pour régler les différends qu’on veut bien lui soumettre. En 1810 est promulguée par le patriarche Joachim III la septième règle (typika) générale de l’organisation qui fixe la régulation des pouvoirs. Chaque monastère s’étend sur un territoire déterminé sur lequel il accueille d’autres établissements. Les Ottomans ont toujours respecté l’autonomie de la péninsule. Ils y entretenaient un corps de police et d’autres fonctionnaires. Les traités de Sèvres en 1920 et de Lausanne en 1923 perpétuent l’autonomie de la péninsule. Sur le plan civil et judiciaire un fonctionnaire grec représente l’État. Comme l’Église orthodoxe en Grèce, la république athonite est exemptée d’impôts. Les moines étrangers bénéficient de la nationalité grecque et la population monastique n’est pas soumise au recensement. L’administration ne connaît que la langue grecque que les allophones sont priés de pratiquer.
L’heure athonite
Il est toujours minuit au coucher du soleil ; c’est le début de la journée. Celle-ci est partagée en deux périodes : le jour (hêméra) et la nuit (nychthêméra). La nuit est divisée en douze nocturnes ou veilles. La première heure du jour correspond au lever du soleil. Suivent tierce (au milieu de la matinée), sexte (à midi), none (au milieu de l’après-midi) et vêpres ou onzième heure (une heure avant le coucher du soleil). Aujourd’hui, par miséricorde envers les pèlerins, l’horaire solaire est toujours donné. Le calendrier suivi à l’Athos est le calendrier julien qui a douze jours de retard sur le calendrier grégorien. L’Église de Grèce a, quant à elle, adopté le calendrier grégorien en 1924 pour les fêtes liturgiques fixes.
La république monastique
La péninsule dispose d’un centre politique et administratif à Karyes, modeste bourgade, desservie par le petit port de Daphni. C’est à Karyes que se situe le Protaton encore appelé Kinote, assemblée des vingt délégués ou antiprosopes qui représentent leurs monastères pendant un an en principe. Ils se réunissent deux fois par semaine pour l’administration courante. Deux fois par an, une assemblée (synaxe) procède à un travail législatif. Ces réunions sont constituées des antiprosopes et des vingt higoumènes ou de leurs représentants. L’exécutif est du ressort de la Sainte Épistasie (surintendance) composée de quatre représentants désignés au sein du Protaton ; ce collège est présidé par le protoépistate. La Sainte Épistasie est composée d’une des cinq tétrades qui sont les regroupements géographiques de quatre monastères. Il y a cinq tétrades qui ont chacune à leur tête un des cinq premiers monastères : La Grande Laure, Vatopedi, Iveron, Chilandari et Dionysiou. Les tétrades, composées du protoépistate et des épistates de la tétrade en charge, gouvernent pour une mandature de cinq ans, conjointement avec les représentants du Protaton. La Sainte Épistasie tient séance tous les jours. C’est elle qui devait percevoir l’impôt par capitation pour le compte de l’administration ottomane. C’est elle qui émet les Diamonitirions des pèlerins qui visitent l’Athos.
Les vingt monastères de l’Athos dans l’ordre de préséance
Les monastères sont au nombre de vingt et leur ordre est immuable. Ce sont eux qui se partagent la propriété foncière et l’administration de la république monastique. Le premier et le plus ancien est la Grande Laure, fondée en 963 par saint Athanase l’athonite qui organisera la vie cénobitique en promulguant le premier typicon. Suivent Vatopedi (en 972), Iveron, Chilandari (fondation serbe, en 1198), Dionysiou, Koutloumousiou, Pantocrator (fondé en 1363 par Jean V Paléologue), Xeropotamou entre 913 et 944, Zographou (bulgare), Docheiariou (entre 1030-32), Karakallou, Philotheou, Simonos Petra, Saint-Paul de Xeropotamos, Stavronikita, Xénofon, Saint Gregorios, Esphigmenou, Saint-Pantéleimon et enfin Konstamonitou. Saint-Pantéleimon est appelé encore Russikon depuis 1051, mais le Russikon actuel date du XVIIe siècle. L’établissement primitif, le vieux Russikon, est dans la montagne et fut restauré au début du xxe siècle, Il y a donc dix-sept monastères grecs, un serbe, un bulgare et un russe. Les Roumains (Valaques) sont présents à l’Athos mais leur principal skite, le skite Prodromos (XIVe siècle) n’a jamais intégré la liste des monastères.
Le gouvernement d’une communauté
À la tête d’un monastère se trouve un higoumène ou archimandrite qui est élu à vie. Par exemple au XIXe siècle au Russikon, une synaxe constitue un conseil d’anciens sans pouvoir, sauf celui de désigner en son sein l’assistant du supérieur, qui est un coadjuteur. Chaque établissement monastique a un confesseur assisté par des suppléants le cas échéant. Chaque moine a cependant un starets auquel il peut s’ouvrir, sans recourir au sacrement de la confession. Ce mode de vie est cénobitique (kinivion) pour la plupart des communautés. Il existe encore le mode d’organisation idiorytmique, où chaque membre est indépendant dans l’organisation de ses activités, mais où tous se rassemblent pour une partie du culte.
Les autres types d’établissements que les monastères : Les skites
Les skites (mot d’origine égyptienne) sont comme les monastères, organisés selon le principe cénobitique. Il y en a dix-sept, la seule différence c’est qu’ils n’ont pas part au gouvernement de la république monastique. Ils sont dépendants du monastère à partir duquel ils ont été fondés comme une extension. Ils peuvent être locataires du foncier d’un monastère sur lequel ils sont établis et faire appel à ce monastère pour régler des questions internes. Ceux de Saint-André et de Saint-Élie, fondés par les Russes, comptaient plusieurs centaines de moines au début du XXe siècle. Le skite Saint-André justement était situé sur le territoire du monastère de Vatopèdi. À l’occasion de la querelle sur la glorification du Nom divin (1909-1913) entre les moines russes de l’Athos, le skite fit appel à ce monastère grec pour confirmer son droit à désigner un nouveau supérieur contre l’avis des autorités ecclésiastiques russes [3]. Par ailleurs les tentatives de la diplomatie russe pour faire accéder ces deux skites au rang de monastère échouèrent en 1878 à cause de l’hostilité des Grecs et de l’obstruction de l’Angleterre. Au début du XXe siècle, il y avait une douzaine de skites, nécessairement situés sur le territoire d’un monastère, mais comme locataires et sans lien de subordination.
Les kéllia ou cellules
On compte plus de sept cents kellia qui rassemblent un petit nombre de moines sur un ou plusieurs bâtiments et qui intègrent une église. Elles peuvent aussi former des villages et dépendent d’un monastère ou d’un skite. Le supérieur est élu chaque année le 8 mai et désigné par le titre de dikaios.
Les Kalyves et les kathismata
Les Kalyves sont plus petites que les kéllias auxquelles elles s’apparentent. Elles forment des hameaux, tandis que les kathismata sont des petits bâtiments situés au voisinage des monastères, avec ou sans église, et habités ordinairement par un moine seul.
Les ermitages
Les ermitages, encore appelés hésychastiria ou askitaria, sont de simples cabanes ou des grottes, à flanc de falaise par exemple, où vivent les moines solitaires qui se consacrent à la prière hésychaste, que nous présentons plus loin.
Les métokia
On peut traduire ce terme par prieuré. Les métokia sont les fondations des monastères ou skites extérieurs à la péninsule. Ils sont présents en Grèce, où ils servent de fermes aux établissements athonites pour la production de certains biens, alimentaires ou autres ; ils sont aussi des « ambassades » ou des propédeutiques. Saint Pantéileimon avait fondé des métokia à Constantinople, Moscou et Odessa, ce qui lui permit de faire venir des moines et de nombreux pèlerins russes, mais aussi de faciliter la circulation des capitaux [4] . Cette pratique concerne tous les grands monastères.
La population monastique et les catégories de moines
En 1902, il y a 7700 moines sur l’Athos, plus 2500 employés laïcs. La population monastique est formée de 3200 Grecs et 3600 de l’empire russe, les autres sont des Serbes, des Bulgares et des Roumains [5]. Après un temps de noviciat, le postulant devient convers pour un nouveau temps de probation à l’issue duquel il peut prononcer ses premiers vœux et devient « moine du petit habit ». Après un temps de profession, le moine pouvait revêtir le grand habit appelé encore « grand schème ». On parle de moine du grand habit. Indépendamment de la progression monastique le moine peut être appelé au sacerdoce comme hiérodiacre ou hiéroshèmoine.
L’histoire
Saint Athanase l’athonite
L’an 963 est l’année retenue pour la fondation de l’institution athonite, avec l’établissement de la Grande Laure, sous la protection de l’empereur Nicéphore II Phocas. Saint Athanase l’athonite (930-1000) organise la vie monastique déjà existante depuis le VIIe siècle, il obtient le soutien de l’empereur pour l’édification de la Grande Laure et le regroupement de différents skites. « C’est ce modèle cénobitique du Stoudion de Constantinople dit "stoudite" que saint Athanase entend importer au Mont Athos quand il vient fonder le monastère de la Grande Laure en 963. Sa vision de la vie monastique se heurte immédiatement à celles des moines anachorètes qu’il trouve sur place. C’est pourtant le modèle qu’il propose qui va l’emporter, avec le soutien de Byzance. Il voit en effet son action confortée d’abord par Nicephore II Phocas, empereur de 963 à 969, puis par son successeur, Jean Ier Tzimiskès (969-97) [6]. »
L’Athos refuge des iconodoules
Le Mont Athos va accroître son influence, dans l’orthodoxie byzantine, parce qu’il fut le refuge des iconodoules. « L’arrivée de moines au Mont Athos est sans doute due à certains événements de la "deuxième" crise iconoclaste entre 813 et 842, cette crise ayant une première fois sévit de 725 à 780. Persécutés en tant qu’iconodoules, le Mont Athos aurait offert un refuge protecteur. Leur importance est suffisamment grande, en tout cas, au IXe siècle pour qu’ils soient invités en 843 par l’impératrice Théodora à participer au concile qui verra le rétablissement des images saintes [7], célébrée liturgiquement le « dimanche, où triomphe de l’orthodoxie », premier dimanche du Grand Carême, où depuis cette époque on lit le synodikon qui énumère toutes les hérésies et qui sera complété par la condamnation de Barlaam au XIV e siècle, comme on va le voir plus bas.
Le Mont Athos et les barbares
La prise de Constantinople et son pillage, ainsi que le partage de l’empire byzantin par les croisés en 1204 à la faveur de la quatrième croisade, provoquèrent un ressentiment extrême des Grecs. Ces événements alimentent une solide aversion pour les Latins – désignés aussi comme Francs – et l’Église romaine. La fondation d’un empire latin de Constantinople (1204-1261) entraîne l’installation d’une hiérarchie latine sur les Églises locales et donc aussi une tutelle latine sur les monastères de l’Athos. L’empereur Michel VIII Paléologue (1261-1282) et le patriarche de Constantinople Jean Beccos (1275-1282) ont travaillé à la conclusion d’une union d’Églises scellée au concile de Lyon en 1274, mais elle est très fragile. Pour les Latins l’union signifie à cette époque l’exercice direct de l’autorité sur l’Église grecque. Les orthodoxes, notamment les moines, dénoncent l’attitude des Latins qui ont voulu « latiniser les moines agiorites… ils ont persécuté et détruit en partie Vatopedi, Zographos et le Protaton [8] ». Michel VIII recouvre la souveraineté byzantine sur Constantinople et chasse les Latins de Morée. Il soutient la coalition contre les Angevins en Sicile mais il est aussi favorable à l’union avec les Latins, ce en quoi il s’oppose aux moines.
Les Serbes
Les Francs et les Ottomans ne sont pas les seuls à avoir des velléités hégémoniques sur l’empire byzantin ; les Serbes en occupèrent une grande partie de 1356 à 1371. Le prince serbe, Stephane Dusan, obtient le titre d’empereur à cause de son action pour la défense de l’orthodoxie. Il érige l’archevêché de Serbie en patriarcat ; celui-ci sera ultérieurement supprimé par les Byzantins. Il fonde sur l’Athos le monastère de Chilandari, qu’il visite en 1347 avec son épouse Hélène, princesse bulgare. L’empire byzantin est réduit à cette époque à Constantinople et sa région occidentale d’une part et à Thessalonique d’autre part. Athènes est un duché latin. Ne pouvant s’allier avec Venise qui reste fidèle aux Byzantins, Dusan s’alliera à la République de Gênes contre Jean VI Cantacuzène.
Les Ottomans
Les Ottomans sont musulmans mais pas arabes. Ils sont turcophones et depuis le XIVe siècle constituent progressivement leur empire au détriment de l’empire byzantin et de ses vassaux des Balkans, d’une part, et de l’empire arabe seldjoukide, d’autre part. La puissance byzantine est confrontée aux puissances occidentales, à ses vassaux des Balkans et à des querelles intestines qui peuvent dégénérer en guerres civiles. Jean VI Cantacuzène avait dû partager son empire et s’allier aux Ottomans pour contrer la rébellion des Paléologues qu’il avait intronisés à Thessalonique. Il fait la paix et finit par abdiquer en 1354. Il est un fervent soutien des hésychastes qu’il rejoint en revêtant l’habit monastique. Jean VI Paléologue ne peut arrêter la puissance ottomane à laquelle il abandonne la souveraineté sur la Thessalie en faisant du sultan son vassal ; sa soumission personnelle au pape Urbain V en 1369 n’avait pas eu de conséquences politiques bénéfiques. Le sultan Murad II s’empare de Thessalonique en 1430 et de la Thessalie en 1439. Les moines de l’Athos lui font allégeance ; il leur laisse la propriété de l’Athos, mais s’empare des domaines monastiques athonites en dehors de la presqu’île.
Les pirates catalans [9]
La piraterie en Méditerranée est réputée être le fait des « barbares » ou « maures », mais elle est aussi occidentale et elle coexiste avec la « consorterie » pour le compte de la politique des républiques maritimes italiennes ou autres, selon le principe de la guerre par procuration. Au XIVe siècle, l’expansion catalano-aragonaise, au détriment de Gênes notamment, affecte aussi l’Athos. Alphonse le Magnanime (1396-1458), roi d’Aragon et de Naples, à partir de 1442, après la pacification de la Sardaigne, permet aux pirates catalans de s’installer sur l’île de Rhodes.
« Les conquêtes militaires des Latins et les concessions impériales qui leur étaient accordées dessinèrent de nouveaux confins, instaurèrent de nouvelles oppositions économiques et politiques. La présence de corsaires et de pirates dans les îles de la mer Égée était la manifestation la plus éclatante de la guerre, d’abord latente puis ouverte, entre Gênes et Venise pour l’extension de leur dominium, entre Souabes et Angevins pour la domination de la Sicile, entre Génois et Catalans. En toile de fond, se déroulait la guerre contre l’empire turc, avec lequel se conclurent des trêves périodiques. C’est dans ce bouillonnant Levant que l’esprit de croisade, les conflits internationaux, les dissensions locales, les rivalités économiques offrirent au pillard le plus vil, suffisamment de prétextes pour relancer sa propre action, sans mettre en avant ses motivations personnelles. » La Méditerranée n’a donc jamais été une mer calme. C’est le règne de la guerre de tous contre tous, et chaque puissance méditerranéenne est à la fois actrice et victime des assauts en pleine mer ou des razzias sur ses côtes.
Le basileus Andronic II Paléologue (1282-1328) hérite d’un empire qui a recouvré sa capitale Constantinople en 1261, mais n’aura pas assez de force pour se passer de la compagnie catalane dont il va acheter les services contre les ottomans. L’efficacité militaire des Catalans ruine l’empire financièrement et les Catalans pillent autant les Turcs que les populations chrétiennes byzantines.
Influence sociale du monachisme et spiritualité
Le monachisme ancien se caractérise par son caractère prophétique plus ou moins en contestation de l’ordre établi, même quand il est officiellement chrétien. Les moines en Orient se sont donc souvent trouvés à la pointe de la contestation au nom de la défense de la foi. On connaît leur influence décisive pour la défense de Nicée à l’époque du concile d’Éphèse ou comme nous venons de le voir dans la crise iconoclaste. Les moines jouissent d’une réputation de sainteté auprès de la population byzantine. La spiritualité monastique consiste à cultiver l’hésychia, c’est-à-dire à atteindre l’extinction des passions obtenue par l’ascèse pour accéder à une quiétude, signe d’une vie de tous les instants en présence de Dieu. L’expérience spirituelle se cristallise dans la prière du cœur qui consiste à réciter continuellement l’invocation : « Seigneur Jésus Fils du Dieu vivant prends pitié de moi pécheur », tout en régulant son souffle. Il s’agit faire descendre l’intellect dans le cœur, par la récitation du nom de Jésus et la régulation du souffle, pour provoquer « l’œuvre noétique ». Cette spiritualité monastique est génétiquement constitutive du monachisme ; elle s’appuie sur des mystiques comme Evagre le Pontique, moine du IVe siècle et théoricien de l’ascèse. Au XIVe siècle, cette forme de prière connaît un regain ; l’histoire du monachisme déjà longue a toujours connu des phases « d’embourgeoisement » et des phases de réforme. Citons la réforme cistercienne, le mouvement franciscain en Occident et le mouvement des moines non-possédants en Russie par exemple.
La crise palamite [10]
Grégoire Palamas (1296-1359), moine de l’Athos puis archevêque de Thessalonique, est comme théologien un spirituel réaliste. Il s’oppose au rationalisme théologique platonisant ou aristotélisant des théologiens de la cour de Constantinople. La Révélation, s’impose, mais ne s’oppose pas à la raison. La réalité spirituelle vécue dans l’Église, par les sacrements, la lecture de l’Écriture et des Pères qui l’interprètent, et donc la vie spirituelle en général, est une Sagesse supérieure à toute science seulement humaine fût-elle théologique. Comment cette méthode d’unification du corps, de l’âme et de l’esprit en vint-elle à provoquer une crise dans l’Église orthodoxe ? Cette crise va commencer par une controverse entre Grégoire Palamas d’une part et Barlaam de Calabre et Grégoire Akindynos, d’autre part, deux représentants d’une théologie savante. Barlaam est venu en Orient pour fuir l’influence latine c’est un commentateur de Denys l’Aréopagite œuvre platonisante, mais sur le plan philosophique il adopte une position nominaliste. Son influence est grande, puisqu’il enseigne à Constantinople et bénéficie du soutien impérial. Barlaam dément autant le réalisme intellectuel de saint Thomas, qu’il a combattu en Occident, que le réalisme mystique des moines hésychastes. Barlaam pourfend notamment la doctrine de la participation humaine à la lumière incréée. Face à eux, Grégoire Palamas défend la possibilité de la connaissance de Dieu. Contre l’accusation que les moines hésychastes verraient l’essence divine avec leurs yeux de chair, Palamas pose la distinction entre l’essence divine imparticipable et les énergies divines incréées communicables. Pour lui Dieu (théos) est un être personnel, mais la divinité (théotès) qui qualifie l’essence divine est participable par le biais des énergies divines incréées ou attributs divins que sont la sagesse, la grâce, la lumière, la gloire [11]. La controverse théologique avait pris un tournant politique. Les factions rivales s’affrontaient jusqu’à la guerre civile à la cour de Byzance. En 1352, un concile donna définitivement raison à Palamas. Les moines du Mont Athos seront confortés dans leurs pratiques spirituelles et justifiés théologiquement, ce qui les rendra définitivement hostiles à la théologie occidentale (dont Barlaam était pour eux le représentant) et aux positions doctrinales sur la procession du Saint Esprit et la primauté romaine. Ils seront donc hostiles aux politiques impériales d’union des Églises, à l’influence de l’humanisme occidental. Ceci signifie aussi que l’hésychasme fut le marqueur d’une opposition à tout rapprochement ecclésial avec l’Occident.
Le renouveau hésychaste [12]
Ainsi, la théologie de Grégoire Palamas va devenir la théologie reçue dans l’orthodoxie comme antidote aux influences scolastiques et humanistes. Palamas a formalisé l’expérience spirituelle de la lumière thaborique comme participation aux énergies divines incréées dans la condition terrestre. Ce réalisme s’exprime jusque dans la vénération des reliques des saints dans lesquelles résident les énergies divines incréées. Le renouveau de la prière contemplative dans l’orthodoxie trouve son origine dans l’édition en grec de La Philocalie des saints Pères neptiques (sobres) au XVIIIe siècle. Elle est une anthologie de textes patristiques centrés sur la « vie cachée en Christ ». La Philocalie sera traduite en russe et les Récits d’un pèlerin russe en montrera l’usage et popularisera la pratique de la prière de Jésus, dans le monachisme athonite moderne comme dans la piété populaire orthodoxe jusqu’à aujourd’hui.
La crise onomatodoxe parmi les moines russes de l’Athos
Sujet d’un ouvrage récent [13] , c’est la question théologique de la présence ontologique de Dieu dans son Nom. Cette question trouve son enracinement dans les fondements scripturaires de la Révélation et l’utilisation du Nom divin dans la spiritualité hésychaste de l’invocation constante du Nom divin et la doctrine des énergies divines de saint Grégoire Palamas.
La crise touche uniquement la communauté athonite russe. En 1907, le moine ermite russe Hilarion fait paraître un recueil spirituel Sur les monts du Caucase, dans lequel il affirme que « Dieu est présent dans son nom » d’où l’affirmation des onomatodoxes « le nom Jésus est Dieu lui-même ». Le résultat de la divulgation de cette interprétation de l’hésychasme provoqua une division de la communauté monastique russe de l’Athos.
La crise prend une dimension institutionnelle où s’opposent les moines et certains supérieurs, l’autorité de l’Athos, puis le patriarcat de Constantinople, autorité suprême de l’Athos, et le Saint-Synode de Russie ; mais en Russie, la querelle est relayée dans les milieux laïcs plus ouverts que le Saint-Synode. Le concile de Moscou de 1917 avait préparé des documents pour étudier la question onomatodoxe. Sur le plan politique, c’est la guerre des Balkans, ce qui permettra l’intervention directe de la marine russe pour réduire les « onomatolâtres » ou « disciples de Boulatovich » par leur exfiltration du Russikon et leur dispersion autoritaire dans des monastères en Russie en 1913.
Le patriarcat de Constantinople censure en 1912 et en 1913 la doctrine qu’elle considère comme hétérodoxe. En Russie, le Saint-Synode condamne les onomatomaques, le 18 mai 1913, mais une décision du consistoire de Moscou et une nouvelle communication du Saint-Synode installe une ambiguïté quant à la qualification d’hérésie de la doctrine de la « glorification du Nom de Dieu ».
La présence russe sur l’Athos
La présence russe sur l’Athos est ancienne, bien qu’il faille comprendre que cette présence est kiévienne ou ruthène, puisque la Russie de Moscou n’existe pas au XIe siècle, époque où l’existence d’un Russikon est attestée. Cette présence est interrompue à la fin du XVIIIe siècle avec l’expansionnisme russe vers le Caucase ottoman. Ce n’est donc qu’en 1829 à l’occasion du traité d’Andrinople, qui met fin à la guerre contre l’empire ottoman, que la Russie fait son grand retour, profitant comme les puissances occidentales de l’affaiblissement de l’empire ottoman. Ceci explique la volonté des Grecs de limiter la présence russe et son triomphalisme qui s’exprime par la magnificence de ses constructions. Le Russikon est reconstruit à côté de l’ancien, avec les skites de Saint-Élie et Saint-André et de nombreux autres établissements. Si les Russes ont la légitimité de la foi orthodoxe pour être sur l’Athos, ils n’ont pas la culture orientale et méditerranéenne que les Grecs partagent avec les Slaves du sud ou les Géorgiens. Les moines russes du XIXe siècle sont issus des classes paysannes ; ils sont assez rustres pour la majorité et animés d’un fort sentiment de fierté nationale et de messianisme. Les Russes peuvent revenir s’établir en 1840, après deux tentatives infructueuses, notamment celle du staretz ukrainien Païssy Velitchkovsky (1722-1794), traducteur et compilateur de la Philocalie, qui avait fondé le skite de Saint-Élie en 1757. Le skite de Saint-Élie fut après quelques années occupé par des moines grecs, opposés au retour des Russes. En 1849, les Russes achètent au monastère de Vatopedi la Kellia Saint-André qui était abandonnée pour la transformer en un gigantesque établissement. L’aventure se termine après la crise du Nom et la révolution bolchévique qui empêche le maintien de moines russes, le skite passe aux Grecs. En 1913, après le rapatriement des trois cents moines jugés hétérodoxes en Russie, lors de la première guerre mondiale, le gouvernement en incorporera beaucoup comme aumôniers pour les prêtres et personnel de santé pour les moines. Quand le nouvel État grec hérite de la souveraineté territoriale sur l’Athos en vertu de traité de Sèvres de 1920, celui-ci prendra des mesures administratives pour limiter jusqu’en 1966 le nombre de Russes. La Révolution bolchévique de 1917, par les persécutions et l’impossibilité de voyager librement, entraînera un tarissement des vocations.
Conclusion
Le Mont Athos est considéré dans l’orthodoxie comme un phare, parce qu’il fut le pôle de résistance aux éventuels errements de l’Église de Constantinople ballotée par les violences politico-religieuses de la politique ecclésiastique de la cour impériale. L’intransigeance de l’Athos est vue comme un antidote aux influences étrangères, susceptibles de corrompre la foi. Le Mont Athos est dépositaire de nombreuses reliques et de riches bibliothèques ; il est un centre culturel qui a contribué à la conservation de l’hellénisme sous la turcocratie. Dans l’orthodoxie, le monachisme est regardé comme une voie éminente vers la sainteté et suscite l’admiration des fidèles. Les figures de sainteté orthodoxes se sanctifiant dans le monde, comme le père Jean de Cronstadt sont plus rares que les figures monastiques abondantes et tous les prêtres célibataires sont des hiéromoines c’est-à-dire qu’ils sont affiliés à un monastère. Les centres d’influence monastique se sont déplacés de la Palestine à Constantinople – au monastère du Stoudion fondé vers 460 par exemple –, avant que l’Athos ne devienne l’ultime refuge sous la poussée islamique. Avec la prise de Constantinople, la liturgie de la Grande Église (Sainte-Sophie) et des monastères urbains cesse d’être la norme de la prière liturgique, les monastères de la Sainte Montagne en restent les seules dépositaires reconnus.
En 2018, nous avons été témoins de la poursuite du renouveau spirituel qui est visible depuis la fin des années soixante. De nombreux jeunes gens s’engagent dans la vocation monastique, majoritairement dans sa forme cénobitique et les pèlerins sont toujours plus nombreux, ce qui oblige à la restauration et à la construction des hôtelleries. La Sainte Montagne est donc plus que jamais un lieu de ressourcement pour les fidèles orthodoxes et aussi pour les autres qui bénéficient d’un accueil inconditionnel et fraternel.
Personne ne naît selon la chair à l’Athos, mais on y meurt volontiers comme l’attestent les ossuaires dans lesquels sont conservés les crânes des moines, exposés dans l’attente de la résurrection à la fin des temps. Les moines vivent une mort à eux-mêmes en vue d’une vie avec Dieu, continuité de la vie baptismale, comme en témoigne le scapulaire (le grand schème) brodé des signes de la Passion du Christ que portent certains. « Le lieu du crâne est devenu un paradis » [14] : telle est la vocation de cette terre et de ceux qui l’habitent.
Père Jérôme Bascoul
Retour du Mont Athos par le P. Gérard Pelletier
Du 2 au 5 août 2018, quatre prêtres diocésains de Paris ont pu vivre un temps de pèlerinage et de découverte de la vie monastique orthodoxe au Mont Athos, dans la continuation d’un voyage l’été précédent où le hiéromoine Amphiloque Miltos nous avait fait découvrir la région de Volos et son institut théologique, dont les objectifs ne sont pas sans rappeler ceux du Collège des Bernardins. Merci à Mgr Emmnanuel de nous avoir ouvert les portes de la sainte montagne.
Première impression forte : l’arrivée au monastère de Simonos Petra, à ne pas traduire par Simon-Pierre mais « la Pierre de Simon », du nom du premier ermite qui fonda le monastère au XIIIe siècle en quittant sa grotte au profit d’un rocher en surplomb. Descendant du bateau, il nous faut monter jusqu’au monastère, à 13 h de l’après-midi, par 30°… Le site est extraordinaire, avec cet imposant bâtiment surplombant la mer, le mont Athos à l’horizon dans ses nuages, les balcons en façade suspendus dans le vide, faisant penser aux lamaseries de Tintin au Tibet. À l’arrivée (nous faisons l’admiration du moine !), un bon accueil avec le verre d’Ouzo et le loukoum, puis un vrai repas. Nous comprendrons ensuite que nos hôtes sont d’autant plus accueillant qu’il n’y a pas de déjeuner à cette heure-là.
Nous nous promenons dans le monastère, avant l’office du soir, puis le repas au réfectoire, en face du Catholicon, avec autant de fresques. Nous constatons qu’il y a du monde à l’hôtellerie, et de nombreux jeunes. Durant l’office, je découvre l’utilité pratique des stalles orientales qui permettent de se tenir presque debout durant de longues prières. Pour un Latin, la surprise est que les moines et les hôtes vont et viennent, vénèrent les icônes, ne chantent jamais ensemble. Hymnes, psaumes et litanies sont chantés par un seul ou quelques moines, et les hôtes, y compris les enfants, peuvent être amené à chanter.
Le père Macaire, un Français présent depuis plus de 40 ans à Simonos Petra et spécialiste de liturgie, nous consacre un long entretien ; il recommencera le lendemain matin. Il nous fait visiter la bibliothèque, nous initiant aux éditions de la Philocalie et aux auteurs spirituels récents : l’higoumène Aimilianos, dont des œuvres sont disponibles en français, relança le monastère au XXe siècle ; le père Païsios (+1994) vivait dans une grotte un peu plus loin, de même que l’archimandrite Joseph l’Hésychaste (1898-1959). 2500 moines vivent dans les 20 monastères de l’Athos et les nombreux skytes, ou en ermites. Le gouvernement grec limite actuellement les Russes à une centaine, au monastère Saint-Panteleimon que le Président Poutine et le patriarche de Moscou ont visité pour fêter les 1000 ans de la présence russe à l’Athos. Nous comprenons en écoutant le père Macaire, comme pour les autres Français rencontrés ensuite, que la conversion à l’orthodoxie date de la période trouble de l’après-concile. Il répond à nos questions sur la Divine liturgie de Jean Chrysostome, sur le Typicon du monastère de Saint-Sabas, en Terre Sainte, imposé à toute l’Église byzantine entre le XIe et le XIVe siècles. Les offices sont regroupés entre le matin, de 4 h à 9 h, le midi, puis le soir entre 17 h et 19 h. Deux repas dans la journée, un après l’office du matin, un autre après celui du soir. Que des légumes et des fruits, du poisson pour les fêtes… Le moine prie surtout la nuit avec la Bible, il dort un peu le matin et travaille le reste du temps. Le père Macaire est l’auteur du Synaxaire, catalogue liturgique des saints de l’orthodoxie, 6 volumes, disponible en français. Nos saints après le schisme ne peuvent avoir droit à leurs yeux. Sur un autre plan, il nous dit qu’il y a des lois du Lévitique encore en usage, ce qui amène de grandes discussions internes. En fait, le plus important dans le discernement de la vocation n’est pas de choisir un lieu, mais un maître spirituel. Ainsi, les fidèles de Grèce viennent volontiers à l’Athos pour consulter leur père spirituel.
Il nous avoue que le concile panorthodoxe fut important, mais n’a pas affronté deux questions principales : qui définit les autocéphalies ? et les luttes sur les territoires de diaspora : il y a 14 évêques orthodoxes à New-York, 7 ou 8 à Paris, ce qui est ridicule et contraire à l’ecclésiologie… Une ecclésiologie qui doit se définir comme une symphonie des églises, chacune décidant son gouvernement comme elle veut, canonisant par exemple ses saints.
Le monastère préparait la grande fête de Marie-Madeleine, importante à Simonos Petra à cause d’une relique. Il y aura une agripni, c’est-à-dire un office qui dure de 9 h du soir à 9 h du matin ; 3 évêques sont attendus et plus de 300 personnes. On met des matelas partout ! Signalons que le décalage des dates vient, bien-sûr, du strict respect du calendrier Julien. De plus, les monastères offrent les pendules en double : l’heure normale est donnée par délicatesse pour les hôtes, mais les moines vivent selon un horaire basé sur le lever du soleil, comme au temps du Christ !
Le lendemain à midi nous partons pour le monastère du Pantocrator, sur le face Est. Chambre sur la mer, encore un bon accueil, le moine nous dit « être ouvert », mais « nous ne devons pas communier ». Dans l’après-midi nous marchons le long de la côte jusqu’au monastère voisin de Stavronikita ; une belle église avec des fresques d’un peintre crétois du XVIe siècle qui fit évoluer cet art en y introduisant du mouvement, en parallèle du Greco… Les deux monastères sont de belles forteresses de bord de mer, une mer ici agitée, les bateaux ne naviguent que la côte Ouest car elle est protégée. Le soir un moine descend pêcher au bord de la mer. La coutume est manifestement après le dîner de s’entretenir avec les moines sous les nombreuses galeries ou kiosques de ce pays aménagés en fonction de la chaleur du climat… Nous rencontrons le frère Théophile Kislas, qui a fait une thèse à Strasbourg sur saint Thomas et Nicolas Cabasilas. Il nous livre : « Parler de Dieu est facile, parler à Dieu et l’écouter nous parler est plus difficile ! » Le plus urgent est d’avoir toujours un père spirituel pour être guidé vers Dieu.
Nous repartons le troisième jour, en passant par Karyes pour visiter l’église du Protaton, son icône de la Vierge Axion estin, la protectrice et « l’higoumène » du Mont Athos, la seule femme autorisée. De superbes fresques, l’une d’elle retient notre attention puisqu’elle représente le Christ qui monte sur la croix lui-même par une échelle ! Une iconostase qui allie le marbre des chancels anciens et les icônes… Reprise du bus pour aller à Vatopédi, dernière étape. Le plus grand monastère que nous aurons vu, le second du Mont après la Grande Laure : 125 moines, et de très nombreux hôtes, toujours beaucoup de jeunes. Nous rencontrons un autre Français, le frère Constantin, qui nous raconte la vie du père Joseph de Vatopédi, mort en 2009, qui remonta la communauté en en refaisant une seule au lieu de 10 petites. Il nous promet de prier pour nous et prend nos noms, après avoir avoué que son higoumène refusa de prier après la mort de sa mère, parce qu’elle n’était pas orthodoxe. Le réfectoire est à la taille de la communauté, au moins 250 personnes, et les tables de pierre en demi-lune viennent du monastère des Blachernes à Constantinople ! (Ces tables ressemblent aux autels antiques). Le lendemain l’office commence tôt, mais se prolonge avec des « rogations », une procession partant du baptistère pour bénir les lieux de travail, les oratoires des ermites, les champs et la mer. La Divine Liturgie est chantée, un jeune évêque roumain préside (du latin retentit à nos oreilles !), mais nous devons partir prendre le car avant la fin. Car c’est dimanche, et il nous faut rentrer à Thessalonique pour célébrer l’Eucharistie dominicale, après deux jours de jeûne sacerdotal forcé !
Au total :
– de belles découvertes sur la façon de vivre la liturgie byzantine de l’intérieur, avec les orthodoxes, dans un autre temps. De quoi légitimer notre réflexion sur la participation active des fidèles, et celle des prêtres et des moines ! Car on en sort avec une impression bizarre. Le psaume est souvent lu en soliste, des litanies s’amoncèlent...
– Le respect d’une grande tradition de l’accompagnement spirituel, de l’ascèse (il faut lire Jean Climaque pour se mettre dans l’ambiance). Péchons-nous en Occident à force de dire que tout est grâce, et nos frères orthodoxes par un semi-pélagianisme assumé ? En tout cas, l’articulation entre les Pères, l’hésychia, et un chemin comme ceux du Carmel ou d’Ignace est un exercice d’équilibriste. Sans doute que Dieu le veut, car l’équilibre de chacune de nos vies spirituelles est toujours affaire de mouvement, pas d’immobilisme, tel le funambule sur son fil.
– Pour l’avenir de l’œcuménisme, à première vue, rendez-vous dans trois siècles… à moins que le Seigneur ne veuille un miracle en faisant bouger les cœurs et les esprits. L’Athos est le conservatoire de l’Orthodoxie depuis la chute de Byzance, et si les moines sont très accueillants, le sourire des fidèles quand on avoue être catholique montre une distance, et des reproches historiques qui ne sont pas dépassés, même si cela nous semble ridicule. De quoi nourrir une réflexion sur le rapport entre tradition et histoire.
– Le plus urgent, au fond, serait que nous allions plus souvent chez eux ! Pour qu’ils apprennent à nous connaître vraiment et à respecter notre histoire, notre tradition. L’objectif n’est pas un syncrétisme facile, mais un respect qui permettra de retrouver l’unité autour des points théologiques et liturgiques. Comment, pour prendre un exemple, sortir de cette violence qui consiste à rebaptiser un catholique qui passe à l’orthodoxie ?
Pour compléter nos visites, nous sommes allés en Chalcidique dans un monastère de femmes, Ormylia, métochia, c’est-à-dire fondation de Simonos Petra ; les sœurs éditent d’ailleurs les œuvres du père Aimilianos. Une sœur française nous a accueillis. Enfin, Thessalonique, Kavala et Philippes nous permirent de mettre nos pas dans ceux de saint Paul, pour lui confier notre chemin vers l’unité.
P. Gérard PELLETIER
Nous vous proposons encore ce témoignage d’un séminariste catholique du diocèse de Paris qui a réalisé le projet d’aller en pèlerinage à l’Athos. Deux figures athonites russes ont motivé et accompagné cette démarche. D’abord celle de saint Siliouane l’Athonite (1866-1939) jeune paysan rustre qui en se convertissant ira à l’Athos pour y trouver la paix mais aussi la croix sous le signe de l’épreuve longue et dure au point « qu’il va se croire condamné, damné même. C’est alors que le Christ lui apparaît et lui dit : ’Tiens ton âme en enfer et ne désespère pas.’ » [15] . Ensuite la figure du Père Sophrony (1896-1993) qui en 1925 part pour le Mont Athos. « Il devient moine au monastère russe Saint-Pantéléïmon. Pour lui, le monachisme est, selon l’expression de Théodore Stoudite (VIII e-IXe s.) qu’il aime à citer, la « troisième grâce ». C’est la vie céleste sur terre, le cœur spirituel de l’Église. Très vite, il reçoit la grâce de la prière incessante, « don de Dieu, lié à un autre don : le repentir » [16] . Deux expériences de grâce et de déréliction, avec le souci du salut de tous, ces deux Pères de l’Athos font penser par ces quelques traits au saint curé d’Ars. L’Esprit suscite à toutes époques et partout dans son Église des hérauts de la grâce et de la miséricorde ! J.B.
Le Mont Athos par Konstantin Droin avec Sosefo Sao
« Je veux voir le Seigneur et en Lui être rassasié » (Silouane).
Sur les conseils d’un de nos formateurs au séminaire et édifiés par la lecture du livre de l’archimandrite Sophrony sur Silouane l’Athonite, nous avons décidé il y a quelques mois d’aller au mont Athos. Dès notre arrivée au monastère Saint-Pantéleimon nous avons pu aller vénérer les reliques de ce moine russe, puis à nouveau au cours des offices liturgiques. Ce fut la première étape de notre pèlerinage que nous avions choisi de mettre sous le patronage de Saint Jean Chrysostome puisque nous allions ensuite jusqu’à la ville dont il fut l’évêque.
« Mon sacerdoce est de prêcher et d’annoncer l’Evangile. » (Saint Jean Chrysostome).
Au monastère de Vatopedi, où nous sommes allés ensuite, nous avons été très impressionnés de pouvoir vénérer le crâne de saint Jean Chrysostome dont les enseignements nous ont accompagné tout au long de notre séjour. Sosefo avait en effet compilé un ensemble de ses textes sur le sacerdoce qui nous fut très profitable du point de vue de notre formation de séminariste.
« We forgive but we don’t forget » (pater Gregoriou).
Le frère hôtelier du troisième monastère qui nous a accueillis nous a dit cela au cours d’une longue discussion au sujet de l’œcuménisme. Le dialogue fut passionnant et il nous a permis de nous rendre compte que nous étions d’ailleurs assez ignorants sur ce sujet-là. Cela nous a donné envie d’aller étudier davantage l’histoire de l’Église et de prier avec plus d’attention pour l’unité des chrétiens. La rencontre de ce jeune moine fut la plus marquante de notre séjour, il nous a beaucoup touchés par la justesse de ses paroles et de ses attitudes.
Finalement ce sont les témoignages de sainteté qui nous ont semblé le plus participer au rapprochement avec nos frères orthodoxes. Celui de saint Jean Chrysostome qui nous a rappelé notre paternité commune, celui de Silouane l’Athonite qui nous a fait progresser dans le combat spirituel et celui du pater Gregoriou qui nous porte à davantage œuvrer pour l’unité de l’Église.
Les Reliques de la Sainte-Montagne par Guillaume Leclerc, séminariste de Paris et pèlerin de l’Athos.
Il y a quelques années, une abbaye bénédictine française accueillit un moine russe, et lui fit parcourir ses murs vénérables. Entrant dans une vieille chapelle, l’hôte s’exclama tout à coup : « Oh, mais ça sent la relique ici ! » Ses guides ne comprenaient pas... L’Oriental insista : « Mais si, ça sent la relique. Elle est là ! » Et pointant du doigt une niche légèrement empoussiérée, il montra un reliquaire : l’odeur de sainteté l’avait touché.
Cette histoire vraie est peut-être révélatrice. Si certaines reliques connaissent un regain de faveur en Occident, comme le montrent les ostensions de la Sainte Couronne et du Linceul du Turin, ou encore les voyages de sainte Thérèse, beaucoup d’autres restent délaissées. Méconnaissance de la tradition historique, peur des excès de piété, doute critique sur l’authenticité, doute théologique sur l’efficacité, expliquent cette tendance qui n’est pas nouvelle : les plaisanteries triviales sur les divers chefs de saint Jean et les forêts de vraies croix étaient déjà vieilles à l’époque où Jean Calvin composa son Traité des Reliques.
Très vivace en Occident dans certaines communautés religieuses, chez les fidèles les plus simples, dans les régions méridionales, la vénération des reliques reste universelle en Orient. Ses origines, on le sait, remontent aux premiers temps. Le tombeau d’Elisée faisait déjà des miracles (2 R 13,21). Dans le Nouveau Testament, même s’il ne s’agit pas strictement de reliques, la foi peut passer par un contact avec le manteau du Seigneur (Mt 9,20-21), l’ombre de Pierre (Ac 5,15), des tissus ayant touché Paul (Ac 19,12). Ce besoin révérent de toucher pour trouver Dieu par la foi s’est étendu très vite aux restes des martyrs, comme en témoigne la Passion de saint Polycarpe († 155). Parce que le Seigneur n’est pas Dieu des morts, mais des vivants, vénérer les ossements du défunt n’impliquait pas seulement pour les habitants de Smyrne d’honorer sa mémoire, mais d’ « avoir part à ce saint corps » (17,1). Les Pères grecs ont précisé le sens spirituel de cette dévotion : « Celui qui touche les os d’un martyr, écrit saint Basile, participe à la sainteté et à la grâce qui y réside » (Sur le Psaume 115, 4). Pareillement, pour Saint Grégoire de Nazianze, « les corps des martyrs ont le même pouvoir que leurs saintes âmes » (Contre Julien, I, 59). Saint Jean Damascène scellera cette doctrine dans ses discours en faveur des images : « Les saints étaient remplis de l’Esprit divin. Après leur mort, cette grâce demeure attachée, non seulement à leur âme, mais à leur corps enseveli dans le tombeau, à leur nom, à leurs saintes images » (P.G. 95, col. 311).
Depuis la fin de l’iconoclasme, l’attachement aux saintes reliques ne s’est jamais démenti dans l’Orthodoxie. Il éclate particulièrement au mont Athos, pour trois raisons au moins. Premièrement, les trésors conservés-là ont souvent un caractère exceptionnel pour toute la chrétienté. De plus, des communautés priantes et conscientes de l’héritage légué veillent sur eux depuis des siècles. Enfin, les pèlerins font le voyage jusqu’à la Sainte Montagne avec une grande ferveur, un grand désir de rencontrer Dieu qui fait des merveilles dans ses saints.
De toutes les reliques de l’Athos, la plus prestigieuse est peut-être la ceinture de la Mère de Dieu conservée à Vatopédi. Plusieurs fois dérobée, recouvrée, prêtée, elle est entourée d’histoires miraculeuses. Pour ceux et surtout celles qui ne pourraient la voir, les moines distribuent des reliques de contact, longs cordons blancs qui ont touché le précieux reliquaire. Ceux-ci sont portés notamment par les femmes stériles, et les récits de grossesses longtemps attendues abondent.
Vatopédi possède bien d’autres trésors insignes. L’un des plus curieux est la tête de saint Jean Chrysostome, dont l’oreille droite s’est conservée. Par elle, dit la légende, l’Apôtre Paul aurait murmuré au docteur l’explication de ses Epîtres. Le moine qui présente aux fidèles le chef-reliquaire ne manque pas d’ouvrir un couvercle sur le côté, pour qu’ils puissent constater le phénomène, puis le couvercle du dessus, pour qu’ils embrassent pieusement le crâne.
Sur la presqu’île, de telles présentations ont lieu généralement après les Vêpres et le dîner au réfectoire, juste avant les Complies. Dans une demi-pénombre éclairée par quelques cierges, les hôtes sont conduits dans l’église principale, où une table a été dressée devant l’iconostase. Les reliques les plus éminentes du monastère y sont posées. En file, les pèlerins se signent et embrassent les reliques. Beaucoup demandent au prêtre d’imposer sur les reliquaires leur chapelet de prière ou une petite croix.
À l’instar de Vatopédi, bien des monastères conservent des reliques du Seigneur et de sa Mère, arrivées à l’Athos grâce aux empereurs, ou après la chute de Constantinople. La mère du sultan Mehmet II, qui était chrétienne, aurait ainsi confié à Saint-Paul les fragments des offrandes des Rois mages. Xéropotamou, pour sa part, a conservé jusqu’à ce jour le plus grand morceau connu de la Vraie Croix. Nombreuses sont aussi les reliques évangéliques : Dionysiou présente avec fierté les os de la main droite de saint Jean Baptiste, tandis que l’hôte de Simonos Pétra pourra baiser la main momifiée, aujourd’hui brunie, de sainte Marie Madeleine. Il apprendra au passage que celle-ci est morte à Ephèse, et non à la Sainte-Baume. La tradition grecque est à vrai dire au moins aussi ancienne que la provençale.
Il sera jugé assez malvenu de discuter l’authenticité de ces reliques, quand les monastères les ont en garde depuis le Moyen-Age. Cela n’empêche pas les vieillards de sourire lorsqu’on leur raconte que tel moine russe ou roumain arrivé depuis peu conserverait dans son ermitage le chef d’un des douze apôtres... L’ancienneté de la tradition est déterminante pour les reliques apostoliques et patristiques. Il en va de même pour les icônes les plus honorées, que l’on fait parfois remonter avec enthousiasme à saint Luc lui-même. Quoi qu’il en soit, les plus anciennes, comme l’Acathiste de Dionysiou, associée au siège de Constantinople de 626, ont traversé la période iconoclaste. Beaucoup ont été vénérées par des lignées de saints, et illustrées par d’innombrables récits de songes, d’apparitions et de prodiges.
Les monastères abritent nombre de reliques plus récentes – bien souvent des moines du lieu, sanctifiés dans la contemplation, l’ascèse et la miséricorde. Certains rayonnent auprès des foules, d’autres tombes d’ermites discrets ne sont fréquentées que de quelques initiés. Au monastère russe de Saint-Pantéléimon, sur la côte sud de l’Athos, saint Silouane († 1937), attire ainsi des chrétiens de toutes confessions nourris de ses écrits. Devant ces restes, comme devant les icônes des églises, brûlent des lampes dont l’huile est recueillie avec piété dans des fioles, puis rapportée dans les foyers. Les onctions font encore des miracles aujourd’hui, bien des gens l’attestent. Récits de seconde main, dira peut-être l’auditeur sceptique... Que celui-là fasse s’il le peut le périple, et vienne à l’Athos se joindre à la prière des moines. Dans certain recoin de chapelle, peut-être aura-t-il l’occasion de se recueillir près d’une tombe, et de respirer l’agréable odeur qui en émane mystérieusement. Tel voyageur occidental en a fait l’expérience.
[1] Ce pèlerinage a été possible grâce à la bienveillance et à l’aide de S. E. Emmanuel, métropolite de France et au père Grégoire, son vicaire général. Merci au père Pantaleimon pour ses conseils, aux pères Macaire de Simonos Pétra, Théophile de Pantocrator et Constantin de Vatopedi pour leur accueil et aux pères Emmanuel, Gérard et Henri pour leur compagnonnage dans cette aventure.
[2] Pour une compréhension de l’itinéraire du père Deseille, voir la revue Le messager orthodoxe, n°163 de 2017.
[3] Antoine Nivière, Les glorificateurs du Nom, une querelle théologique parmi les moines russes du Mont Athos (1907-1914), Éditions des Syrtes, 2015, page 115
[4] A. Nivière, Ibid, p. 56.
[5] A. Nivière, Ibid, p. 42.
[6] Extrait de la notice de l’exposition « Le Mont Athos et l’empire byzantin », au Petit Palais 10 avril - 5 juillet 2009.
[7] Ibid.
[8] Notice de l’exposition Le Mont Athos et l’empire byzantin.
[9] Source : Article : Îles, corsaires et pirates dans la Méditerranée médiévale Traduction Didier Boisseuil. Médiévales. F. Thiriet, La Romanie vénitienne au Moyen Âge, Paris-Rome, 1959 ; G. Pistarino, Genovesi d’Oriente, Gênes, 1990, p. 283-370 ; B. Doumerc, « La colonisation des marchands », dans M. Balard, A. Ducellier éd., Coloniser au Moyen Âge, Paris, 1995, p. 118-125 ; A. Ducellier, « Note sur les intérêts génois en mer Adriatique : le témoignage des archives ragusaines », dans Oriente e Occidente, op. cit., cit., vol. I, p. 191-199 ; M. T. FERRER MALLOL, Corsarios castellanos, op. cit., p. 260-281.
[10] Jean MEYENDORFF, Saint Grégoire Palamas et la mystique orthodoxe, Sagesses, Seuil, (1959) 2002.
[11] Antoine NIVIÈRE, Les glorificateurs du Nom, p. 333.
[12] Jean GOUILLARD , Petite Philocalie de la prière du cœur, Sagesses, Seuil, 1979 et Récits d’un pèlerin russe, trad. Jean Laloy, Seuil, (Sagesses), 1966.
[13] A. Nivière, Les glorificateurs, op. cit.
[14] Signification d’un des groupes d’initiales brodées en grec sur le grand schème monastique.
[15] Notice du site Nominis.
[16] Site des Pages orthodoxes de la Transfiguration