Historique de la Crypte Paroisse orthodoxe française de la Sainte Trinité (Danielle Gousseff)
On peut dire qu’à travers un lieu, la crypte de la cathédrale russe de Paris c’est l’histoire d’une communauté qui est ici décrite, mais c’est aussi un aperçu sur l’enracinement de la foi orthodoxe dans un pays à dominante catholique avec une forte présence protestante.
Cet enracinement s’est fait dans le respect de ces diverses confessions et parfois en lien avec elles. Pour tout cela, cette histoire de la Crypte est une petite page de l’histoire de l’Église. Vingt ans après, cette communauté a du voter pour rester avec la communauté de la cathédrale, dans le rattachement au patriarcat de Moscou, ou bien de refuser et quitter les lieux. Le résultat du vote fut une large majorité pour Moscou. Ainsi la crypte est désormais sous l’autorité du patriarcat de Moscou dans une entité autonome, l’archevêché, semblable à celle d’origine, mais néanmoins à l’aube d’un nouveau destin.
Introduction
La cathédrale Saint-Alexandre de la Neva, située dans le 8ème arrondissement de Paris non loin de l’Étoile, fut consacrée le 11 septembre 1861 par Monseigneur Léonce, coadjuteur du métropolite de Saint Pétersbourg en présence d’une assemblée nombreuse. À l’époque elle était une église nationale, « L’église russe de Paris », dépendant du diocèse de Saint Pétersbourg. Elle devait le rester jusqu’à ce qu’en 1923, Mgr Euloge, chargé par le patriarche Tikhon, patriarche de Moscou et de toutes les Russies, de s’occuper des émigrés russes orthodoxes en Europe occidentale, devînt métropolite et la choisisse pour s’y installer.
Cette église avait été édifiée grâce à la volonté et à la ténacité d’un homme – le P. Joseph Vassiliev, aumônier de l’Ambassade Impériale, qui voulait donner un lieu de culte à la population russe orthodoxe de Paris ainsi qu’à tous les autres orthodoxes de la capitale qui n’avaient pas d’église. Il en devint naturellement le premier curé. Comme l’église n’avait qu’un seul autel et non trois comme il avait été initialement prévu, le P. Vassiliev décida de faire de la crypte de l’église le second sanctuaire et le consacra à la Sainte Trinité le 13 février 1863. Presque 100 ans plus tard, en 1964 « la Crypte » avec la nomination du P. Pierre Struve devenait le lieu de culte officiel d’une communauté orthodoxe française. C’est toute l’histoire de cette communauté et du destin particulier de la Crypte lié à la francophonie qui est retracé ci-après.
C’est une histoire complexe liée à des personnalités exceptionnelles venues de milieux divers. C’est aussi l’œuvre d’une jeune génération, celle des enfants de ces émigrés russes jetés en terre étrangère par la Révolution. Ces derniers, à leur arrivée en France, n’avaient évidemment cure de célébrations en français, ce qui n’aurait eu aucun sens. L’église représentait pour eux non seulement le lieu où ils pouvaient se rassembler et vivre leur foi souvent revivifiée par les épreuves mais aussi le moyen d’affirmer pour eux-mêmes leur identité tant religieuse que culturelle et nationale. L’idée d’une orthodoxie française fit son chemin plus tard dans certains milieux intellectuels qui cherchaient à donner un sens à leur exode et à leur présence en France et dans de petits groupes où se côtoyaient des prêtres et des laïcs, des Russes et des Français convertis à l’Orthodoxie. C’est dans cette conjoncture que se concrétisa le projet d’une orthodoxie française qui devait aboutir entre autres à la fondation d’une communauté orthodoxe française à la Crypte.
Création d’une communauté orthodoxe française dans la Crypte dédiée à la Sainte Trinité de la cathédrale Saint Alexandre de la Neva
On date le début de la communauté française de la Crypte de l’année 1964, lorsque l’archevêque, Mgr Georges (Tarassov), ordonna le P. Pierre Struve pour être le premier curé de ce lieu et que, à partir de ce moment, la célébration des offices devint régulière. Néanmoins, cette communauté a une préhistoire.
Il est difficile de savoir quand eut lieu pour la première fois à la Crypte une liturgie célébrée entièrement en français, mais il est certain qu’après la Deuxième guerre mondiale, dès le milieu des années cinquante, il y avait de temps en temps à la Crypte des offices en français.
Celui qui a joué un rôle clé dans cette mutation fut le théologien Paul Evdokimov. Il dirigeait un foyer d’étudiants de la Cimade (Comité inter-mouvements d’aide aux personnes déplacées), situé à Sèvres, qui hébergeait des réfugiés venus de l’Est. Au foyer, il y avait aussi un certain quota d’étudiants français, parmi lesquels les propres enfants de Paul Evdokimov, Michel et Nina. Paul Evdokimov était très partisan d’une orthodoxie française. Cela lui paraissait une nécessité pour tous les orthodoxes d’origine occidentale et tous ceux d’origine russe qui, de plus en plus nombreux, avaient perdu l’usage de leur langue. Mais sa motivation pour une orthodoxie française allait bien au-delà de ces considérations linguistiques. Paul Evdokimov était un homme très ouvert, proche des milieux protestants et marqué par le débat œcuménique dans ses débuts. Il ne pouvait donc concevoir une orthodoxie française isolée en position de rivalité, soupçonnée de prosélytisme. Dans sa jeunesse il avait participé à la première et brève expérience d’une paroisse orthodoxe française à Paris dont le curé était le P. Lev Gillet. Resté très lié avec ce dernier, il partageait ses idées et c’est au nom de l’universalité de l’orthodoxie qu’il envisageait une orthodoxie française qui puisse rejoindre en profondeur les autres Églises sans le moindre prosélytisme.
La Cimade parisienne organisait pour les étudiants des conférences tous les 15 jours, au foyer de Sèvres. Paul Evdokimov invita différentes personnalités à ces entretiens, dont le P. Lev Gillet qui résidait alors à Londres. Pendant quelques années, à partir de 1956, celui-ci vint donc plusieurs fois en France donner des conférences et rencontrer les jeunes. À ces occasions il célébrait la liturgie à la chapelle du foyer et parfois à la Crypte avec l’accord de l’archevêque du diocèse russe, le métropolite Vladimir. Il se constitua ainsi un petit noyau d’étudiants familiers de ces célébrations et capables d’assumer la chorale dont faisaient partie Michel et Nina et le jeune couple Pierre et Hélène Koppel. Michel Evdokimov s’était formé au chant liturgique en français avec l’aide de Madame Sérikoff. Celle-ci, femme du P. Georges Serikoff, était convaincue de l’importance du passage du slavon au français. Très bonne musicienne, elle composa plusieurs mélodies pour l’adaptation des chants dont, par exemple, l’air du « bon Larron » du Grand Vendredi. Quand elle ne dirigeait pas la chorale, Michel pouvait la remplacer.
Mgr Georges (Tarassov) qui succéda au métropolite Vladimir en 1960 favorisa la tenue d’offices en français à la Crypte en permettant à certains prêtres itinérants de célébrer plus ou moins régulièrement. Ce fut d’abord le cas du P. Grégoire de Louf, d’origine belge, qui vivait à l’Institut Saint-Serge et qui desservait selon les besoins des paroisses de la région parisienne. Lorsqu’il se retira au monastère de la Protection-de-la-Mère-de-Dieu à Bussy en Othe c’est le P. Valentin de Bachst, prêtre en charge des disséminés qui le remplaça à la Crypte. Le P. Valentin était d’origine luthérienne et de culture russe et française. Encore étudiant, il avait fréquenté la paroisse du P. Lev Gillet et il était ami de Paul Evdokimov.
Des liens existaient entre la Crypte et la paroisse française Notre-Dame-Joie-des-Affligés et Sainte-Geneviève, dépendante du patriarcat de Moscou. Cette paroisse qui avait joué un rôle de précurseur dans le passage au français, avait déjà un bon acquis en ce qui concerne les textes français grâce au travail de Madeleine Lossky et de Maxime Kovalevsky pour les chants. Elle en fit profiter la Crypte à ses débuts.
D’autre part, des membres du clergé et des fidèles de la cathédrale Saint Alexandre Nevsky s’intéressaient également à ce qui se passait à la Crypte. Traditionnellement, il y avait un office commun la nuit de Pâques célébré à la Crypte en slavon. Mais de temps en temps le P. Nicolas Obolensky venait célébrer en français quand c’était possible et les sœurs Giers, moniales attachées au service de l’évêché, participaient à la chorale. On voit donc comment, à travers un réseau d’amitiés, grâce à une convergence d’idées et à des efforts mis en commun, une orthodoxie française s’est peu à peu formée dans le contexte russe de « Daru ».
Au printemps 1963 le P. Valentin trouva la mort dans un accident de voiture lors d’un déplacement pastoral du côté d’Auxerre. Monseigneur Georges ordonna prêtre le diacre Pierre Koppel pour remplacer le P. Valentin. Le P. Pierre Koppel, soutenu par la petite communauté s’efforça de continuer l’œuvre du P. Valentin. Il poursuivit, entre autres, la rédaction des « Feuillets orthodoxes », sorte de livrets catéchétiques qui avaient été créés par le P. Valentin.
1964 : P. Pierre Struve – recteur de la Crypte
Pierre Struve, né en 1924 dans une famille d’émigrés russes, s’était très tôt impliqué dans la vie de l’Église, surtout par le biais du mouvement de jeunesse ACER (Action Chrétienne des Étudiants Russes). Il fit ses études de médecine et continua avec sa femme, Tatiana Borissovna, de s’occuper de l’ACER, dont il devint vice-président. Il comptait dans ce mouvement beaucoup d’amis qui partageaient le même souhait d’avoir un lieu où l’on pourrait célébrer le culte en français. Pour des motifs analogues à ceux de Paul Evdokimov, le souci de l’intégration de leurs enfants, le désir de rendre leur témoignage plus compréhensible dans la France qu’ils considéraient comme leur patrie d’adoption, ils aspiraient à une orthodoxie ouverte à la culture française et répondant à leurs besoins spirituels. Pierre Struve en parla à l’archevêque, Mgr Georges, très favorable à une orthodoxie française. Mgr Georges vit certainement en Pierre Struve la personne d’envergure qui convenait pour fonder une paroisse française. Après son ordination, il le nomma premier prêtre pour desservir l’autel de la Crypte dédié à la Sainte Trinité. La première célébration eut lieu en 1964, peu avant le Carême.
Le P. Pierre était un homme jeune, rayonnant, attentif aux autres et aux signes de son temps. Il est impressionnant de constater tout ce que le P. Pierre a réalisé en si peu de temps, tout en assumant avec dévouement son métier de médecin et en s’occupant de sa famille nombreuse (il avait quatre enfants). À la télévision, il a créé l’émission mensuelle « Orthodoxie ». Il a contribué avec sa femme et d’autres au lancement de Syndesmos – mouvement international de jeunesse orthodoxe. Il a participé à la rédaction de certains titres de la collection « Chrétiens en dialogue » aux éditions du Cerf.
Dans le cadre de son sacerdoce il a tissé des liens en Belgique et fondé la première paroisse francophone des Saints Côme et Damien à Bruxelles, consacrée le 1re novembre 1967, dont le premier recteur fut le P. Marc Nicaise. Enfin il a permis l’essor de la communauté française de la Crypte et il lui a imprimé son caractère spécifique.
Communauté française de la Sainte Trinité : la tâche à accomplir
En même temps qu’il ordonnait le P. Pierre Struve, l’archevêque Georges désigna Michel Evdokimov comme chef de chœur pour la chorale de la Crypte. Michel Evdokimov, qui avait été ordonné lecteur par Mgr Vladimir avait déjà une bonne expérience de la direction du chant liturgique. Néanmoins une lourde tâche l’attendait car l’adaptation des mélodies slaves aux textes français était loin d’être parfaite et les textes français nécessitaient eux-mêmes de constantes révisions. À cette époque tout cela représentait un vaste chantier. Si, actuellement, les paroisses francophones disposent d’un matériel beaucoup plus au point, il serait inexact de considérer que tout est réglé. En fait, il y a un travail constant sur les textes et l’interprétation musicale. Depuis plusieurs années, une commission au sein de la Fraternité Orthodoxe de France, composée de membres de différentes paroisses, travaille sur les traductions des textes liturgiques à partir du grec. Les modifications introduites sont expérimentées par les chorales avant d’être entérinées. Il y a ainsi des changements très fins qui tendent à améliorer la qualité des textes tant du point de vue littéraire que de celui du sens.
Mais dans la période des débuts tout cela avait un caractère d’urgence. C’est surtout pour les offices du Carême et de la Semaine Sainte qu’il fallut faire un gros effort. À ce travail sur le chant s’ajouta une réflexion sur la façon de célébrer. L’important était de permettre aux fidèles de mieux participer à la liturgie, de les rendre en quelque sorte co-liturges. D’autres innovations, telles que le fait d’introduire les petites filles aussi bien que les petits garçons dans le sanctuaire au cours d la cérémonie d’entrée dans l’Église qui suit leur baptême, purent paraître révolutionnaires. Tout ceci en réalité était inspiré par un retour à la Tradition dont les éléments importants se sont estompés avec le temps.
La communauté de la Crypte grandit rapidement en nombre
Au noyau initial s’ajoutèrent des gens de différents horizons attirés par le renom de la Crypte et l’aura du P. Pierre que les émissions de télévision avaient rendu célèbre. Pour intégrer tous ces nouveaux venus le P. Pierre et sa femme instituèrent ce qu’on appelle « le café », c’est-à-dire la possibilité, après la liturgie, de se réunir dans une salle mise à la disposition de la communauté par l’archevêque pour y prendre une boisson chaude et discuter. Cette coutume dure toujours. De plus, le P. Pierre et la « matouchka » tenaient leur maison ouverte le dimanche pour accueillir tous ceux qui avaient besoin de conseils ou de réconfort.
La mort du P. Pierre Struve
Au moment où la communauté prenait tout son essor, le 3 décembre 1968 survint la mort du P. Pierre. L’émotion fut immense, dépassant de beaucoup le cadre de la communauté et elle reste dans la mémoire de tous ceux qui l’ont vécue. L’archevêque, Mgr Georges, s’inquiéta de ne pas laisser orpheline cette communauté si pleine de promesses. Il fit appel à un jeune prêtre de l’Institut St Serge, le P. Boris Bobrinskoy qui accepta de prendre la charge de la communauté à la suite du P. Pierre.
Arrivée de Père Boris à la Crypte
À son arrivée, immédiatement après l’enterrement du P. Pierre, le P. Boris trouva une communauté ébranlée dont la composition se modifia quelque peu. Mais P. Boris releva le défi et continua l’œuvre commencée par le P. Pierre et on peut dire avec le recul du temps, qu’il l’a accomplie.
C’était une époque où s’inventaient des nouvelles formes de relation entre orthodoxes, inspirées du modèle des « fraternité » pour dépasser les cloisonnements juridictionnels et ethniques. La Crypte participa à ce mouvement et cette période reste, pour certains qui l’ont vécue, comme l’âge d’or de la communauté. Ensuite la Crypte, s’est peu à peu transformée.
Les fidèles
En presque 40 ans d’existence la paroisse française de la Sainte Trinité s’est évidemment modifiée dans sa composition. Parmi les paroisses orthodoxes francophones de Paris la Crypte est une des plus importantes en nombre de fidèles. Sa situation dans Paris et son lien avec la cathédrale en font un lieu de rencontre et de passage privilégié. C’est ce qui explique aussi qu’il y a une certaine fluctuation dans l’assistance. La communauté a évolué depuis l’origine. Elle s’est francisée et compte une proportion de plus en plus grande de convertis. La participation des personnes d’origine russe qui, au début, ont beaucoup contribué au développement de cette communauté, a tendance à s’amenuiser, alors que d’autre part la présence d’orthodoxes venus de pays très divers, du Proche Orient et de l’Afrique noire entre autres, s’affirme de plus en plus. De ce fait la Crypte garde un caractère pluri-éthnique très marqué.
On constate également une évolution dans la pratique du culte. Là, comme ailleurs, la fréquentation de l’office des vigiles a beaucoup baissé ainsi que ceux des fêtes lorsque celles-ci tombent en semaine. Par contre l’assistance est toujours très importante le dimanche.
Restauration de l’Exarchat
Le 20 juin 1999, après la liturgie présidée par Monseigneur Serge dans la cathédrale Saint Alexandre de la Neva, Monseigneur Méliton de Philadelphie, secrétaire général du Saint Synode du Patriarcat Œcuménique, a remis solennellement le Tomos, c’est à dire la charte instituant l’Archevêché en Exarchat du Patriarcat Œcuménique.
Ainsi par cet acte l’Archevêché qui jouissait d’une autonomie interne dans la Métropole grecque, représentante du Patriarcat Œcuménique en France, retrouvait son rang d’Exarchat qu’il avait eu en 1931. Pour comprendre cette situation il est nécessaire de faire un bref rappel historique en partant de l’origine de l’Archevêché.
Comme il a été dit plus haut, l’afflux des émigrés russes en France a été à l’origine de la formation de nombreuses paroisses qui se sont créées avec des moyens précaires là où la population d’émigrés était suffisamment importante. Pour organiser tout cela le Patriarche Tikhon, patriarche de Moscou, confie à Mgr Euloge (ancien évêque de Chelm) la direction de l’ensemble des paroisses et communautés russes en France et en Europe occidentale. Cet ensemble est constitué en Métropole et Mgr Euloge s’installe dans les locaux de l’église St Alexandre de la Neva qui devient cathédrale.
En 1931 éclate une crise grave entre la Métropole et le Patriarcat de Moscou qui se trouvait sous la dépendance du pouvoir soviétique. Mgr Euloge quitte alors le Patriarcat de Moscou et demande la protection du Patriarcat de Constantinople. Dans sa démarche Mgr Euloge est suivi par la majorité des paroisses de la Métropole. Le Patriarcat Œcuménique érige l’ensemble des ces paroisses en Exarchat temporaire du Patriarcat de Constantinople en Europe Occidentale. Cette crise n’a pas épargné la première paroisse orthodoxe francophone. Le P. Lev Gillet, recteur de cette paroisse, a suivi Mgr Euloge mais une partie de ses paroissiens et amis ont préféré rester fidèles à leur Église-mère, l’Église de Moscou, et ce sont eux qui sont à l’origine de la création de la paroisse ND des Affligés et Ste Geneviève, située dans le Quartier latin de Paris.
En 1965, pour des raisons internes, le Patriarche Athénagoras supprime l’Exarchat et retire sa protection canonique. Cette situation anormale prend fin en 1971 quand Mgr Georges Tarassov, en charge du troupeau de l’Ancien Exarchat, obtient sa réintégration dans l’obédience du Patriarcat Œcuménique avec le statut particulier d’Archevêché à autonomie interne dépendant de la Métropole grecque. Telle était la situation jusqu’à la restauration de l’Exarchat en 1999.
Pour conclure, on peut dire que la situation juridictionnelle compliquée, liée en grande partie aux clivages politiques de l’époque et dont nous n’avons pas évoqué tous les aspects, ne s’est malheureusement pas simplifiée après la chute du Mur de Berlin et elle constituait une préoccupation pour de nombreux orthodoxes.
La Crypte au début du troisième millénaire
La cathédrale a été classée monument historique en 1981. Cela signifie qu’aucun travail, qu’aucune restauration ne peut être effectuée sans l’accord de l’administration des « Monuments historiques » et sous son contrôle. Or la Crypte après la cathédrale, c’est à dire l’église d’en haut, avait un besoin urgent de restauration.
Grâce à une subvention du Ministère de la Culture et à la générosité de paroissiennes, la restauration de la Crypte a pu être engagée dès la fin de l’année 1998 sous la direction de l’architecte en chef des Monuments Historiques, Monsieur Poncelet. C’est donc dans une Crypte embellie et plus confortable que la paroisse a entamé le troisième millénaire.
En conclusion on peut dire qu’à travers un lieu, la crypte de la cathédrale russe de Paris c’est l’histoire d’une communauté qui a été décrite, mais c’est aussi un aperçu sur l’enracinement de la foi orthodoxe dans un pays à dominante catholique avec une forte présence protestante. Cet enracinement s’est fait dans le respect de ces diverses confessions et parfois en lien avec elles. Pour tout cela, cette histoire de la Crypte est une petite page de l’histoire de l’Église.
Vingt ans après
Depuis lors presque deux décennies se sont écoulées jusqu’à ce que fin novembre 2018 la décision soudaine du patriarcat de Constantinople de supprimer l’exarchat et de dissoudre l’archevêché de tradition russe en Europe occidentale marque le début d’une crise grave qui n’est que partiellement résolue. Dans sa décision le patriarche de Constantinople, Bartholomée, demandait aux paroisses constitutives de l’archevêché de rejoindre les métropoles grecques des pays où elles se situaient.
La première réponse à cet ordre (sans préalable) fut une réponse collective de défense, mais très vite apparut l’évidence de l’obligation d’un choix et ce fut le début de la division.
La crypte étant comme nous l’avons dit le second autel de la cathédrale ; elle fait corps non seulement matériellement mais écclésialement avec elle, et donc la paroisse francophone est liée à son sort et ne peut s’opposer au choix fait par l’évêque et les fidèles. Or l’évêque Monseigneur Jean (Renneteau) prit assez vite le choix de demander le rattachement au patriarcat de Moscou, à la suite d’un vote d’une assemblée générale qui lui donnait une majorité dans ce sens. Toute fois elle était insuffisante pour l’imposer à tous, si bien que chaque paroisse a dû se déterminer par un vote.
Les paroissiens de la crypte n’avaient eux que la possibilité d’accepter de rejoindre le patriarcat de Moscou (qui garantissait la pérennité de l’archevêché et de ses statuts) ou bien de refuser et quitter les lieux. Le résultat du vote fut une large majorité pour Moscou. Néanmoins une partie du clergé et un certain nombre de fidèles avaient choisi, avant même le vote, de se séparer. Le recteur de la paroisse, le Père Elisée, qui avait dès le début annoncé qu’il optait pour Moscou, n’a cessé d’exhorter les fidèles à garder entre eux la paix et le respect du choix de chacun.
Ainsi la crypte est désormais sous l’autorité du patriarcat de Moscou dans une entité autonome, l’archevêché, semblable à celle d’origine, mais néanmoins à l’aube d’un nouveau destin.
Juin 2020