En Birmanie, les chrétiens entre résistance et non-violence

Paris Notre-Dame du 15 avril 2021

La Birmanie est aux portes d’une guerre civile à la suite du coup d’État de la junte militaire, le 1er février, rejeté avec force par la population. Au cœur d’une situation incertaine, les communautés chrétiennes, et notamment catholique, s’engagent. Analyse, avec Arthur Poras, chercheur et résidant sur place depuis deux ans.

Le pape François accueilli en Birmanie, le 27 novembre 2017, par le cardinal Charles Maung Bo.
© ServizioFotograficoOR/CPP/CIRIC

Paris Notre-Dame – Dans son message de Pâques, l’archevêque de Rangoun (Birmanie), le cardinal Charles Maung Bo, a déploré que la situation de son pays « s’apparente à un chemin de croix », et a appelé à ressusciter « du tombeau de la haine »…

Arthur Poras – Cette réflexion reflète l’aspect tragique de la situation. Cela fait plus de deux mois que les militaires ont pris le pouvoir et la population a très clairement exprimé son rejet de ce coup d’État et son désir d’un gouvernement démocratique. Il y a vraiment une unité civile qui s’est formée contre l’armée, ce qui est important à noter dans une société divisée entre de multiples ethnies et religions, marquée par une majorité bouddhiste. La minorité chrétienne du pays est très impliquée dans cette résistance qui a évolué dans ses formes depuis début février. Des nombreuses manifestations au départ, largement pacifiques, on observe aujourd’hui une escalade dans la confrontation avec l’armée : dans les villes jusqu’aux régions rurales, il y a moins de manifestations, car elles sont réprimées de plus en plus violemment. Certaines, dans le nord-ouest du pays, où vivent des ethnies chrétiennes, sont réprimées à l’arme lourde. Plus de 2500 personnes auraient été arrêtées depuis le putsch. On dénombre plus de 500 personnes tuées dont 50 enfants. Parallèlement, l’économie du pays est à l’arrêt, touchée par la pandémie de la Covid-19. La population de Rangoun diminue de manière marquée, vidée de ses travailleurs rentrés dans leurs villages, tout comme de ses étudiants, les universités étant fermées depuis un an.

P. N.-D. – Comment les chrétiens ont-ils vécu Pâques ?

A. P. – Les célébrations se sont déroulées de manière minimaliste, dans une ambiance de peur que les militaires cherchent à relayer auprès de l’ensemble des civils. Paradoxalement, les lieux de culte, fermés depuis le début de la pandémie, ont été rouverts par la junte en février, espérant ainsi le soutien de la population.

P. N.-D. – La minorité chrétienne a-t-elle un rôle dans la recherche de la paix prônée par le pape lors de son voyage en Birmanie fin 2017 ?

A. P. – Outre le rôle de médiation politique qu’a tenu ces dernières années le cardinal Bo entre l’armée et la dirigeante Aung San Suu Kyi, on observe divers engagements forts. Comme cette religieuse catholique s’interposant, en mars, entre l’armée et des manifestants. Il y a aussi des prêtres qui ont demandé aux militaires de ne pas attaquer des manifestants réfugiés dans leurs églises. Et l’aide caritative aux populations vulnérables et aux déplacés... On trouve aussi des chrétiens parmi les représentants du comité des parlementaires nationaux, qui tente de former un gouvernement parallèle « légitime ». Aux côtés du reste de la nation, les chrétiens, en faveur de la démocratie et de la liberté, prennent leur place. Force est de constater que l’atmosphère aujourd’hui, dans les villes ou dans des régions où vivent et combattent des ethnies chrétiennes, est à la lutte. Car la population birmane ne veut plus avoir à négocier avec l’armée. Mais les appels répétés du cardinal Bo à « rester déterminés dans la voie de la non-violence », trouvent un écho favorable, la majorité des manifestations restant pacifiques.

Propos recueillis par Laurence Faure @LauFaur]

Repères : En Birmanie, pays à large majorité bouddhiste et composé de multiples ethnies, vivent environ 750 000 catholiques, soit 1% de la population, qui compte au total 6% de chrétiens, dont une large communauté baptiste. Le pays compte aussi des minorités musulmanes et hindoues.

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La famille comme pilier de la société

Paris Notre-Dame – 12 août 2025

Dès sa première intervention comme archevêque de Paris, lors de la Rencontre diocésaine avec les conseils pastoraux des paroisses de Paris, le 3 décembre 2005, Mgr André Vingt-Trois identifie la famille et la jeunesse comme champs prioritaires de la mission : « Avons-nous le souci de fournir aux époux et aux parents la possibilité de partager leurs expériences, de parler de leurs difficultés et de trouver des interlocuteurs attentifs et disponibles ? », interroge-t-il ; ou encore : « La jeunesse dans son ensemble est perçue comme un problème […]. Si les Français aiment beaucoup leurs enfants en particulier, ils craignent la jeunesse en général. […] Comment pratiquons-nous cette confiance envers les jeunes ? » (Notre mission à Paris). Une attention vigilante et bienveillante qui se manifestera tout au long de son épiscopat, avec notamment l’année « Famille et jeunesse », en 2010-2011, et la publication de sa lettre pastorale La famille et la jeunesse : une espérance ; mais aussi hors Paris, comme président de la Commission épiscopale de la famille de la Conférence des évêques de France de 1998 à 2005, et consulteur du Conseil pontifical pour la famille, à partir de 1995. Entretien avec le P. Denis Metzinger, actuel curé de St-Léon (15e), qui a été, de 2010 à 2020, vicaire épiscopal chargé de la pastorale Familiale du diocèse de Paris, nommé par le cardinal André Vingt-Trois. Charlotte Reynaud

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« Rejoindre les situations humaines de ceux qui ne nous demandent plus rien »

Paris Notre-Dame – 5 août 2025

« L’Église doit être missionnaire ou elle ne sera plus rien en ce monde. […] Une foi qui ne se propose pas et ne se partage pas est une foi qui se dessèche et qui n’intéresse plus, même les croyants. » Ainsi s’exprimait Mgr Vingt-Trois dans sa lettre Notre mission à Paris, publiée les premiers jours de son épiscopat parisien, ajoutant, quelques lignes plus loin, cette formule que personne n’a oubliée : « Nous devons chercher, dans notre travail pastoral habituel, comment nous pouvons rejoindre les situations humaines de ceux qui ne nous demandent plus rien. » L’exhortation à cet élan missionnaire – pour lequel il avait défini quatre champs prioritaires, à savoir, la famille, la jeunesse, la solidarité et l’éthique – est le fil rouge de son ministère à Paris, en témoigne l’organisation des Assises de la mission, en 2008 et 2009, et les trois années placées sous le sigle de « Paroisses en mission », de 2009 à 2012, avec, comme point d’aboutissement, l’opération Avent 2014 qui permettra de déployer plus de 500 projets missionnaires durant le mois de décembre 2014. Son dernier programme pastoral diocésain, de 2015 à 2018, s’appuiera toujours sur la mission, autour des axes « Annoncer, partager, transmettre ». Entretien avec Mgr Bruno Lefèvre Pontalis, curé actuel de St-François- Xavier (7e), qui fut vicaire général du diocèse de Paris 2012 à 2016. Charlotte Reynaud

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