« Être prêtre, c’est d’abord une expérience »
Paris Notre-Dame du 23 juin 2022
Le livre du P. François Potez, La grave allégresse. Être prêtre aujourd’hui (éd. Mame) publié le 13 mai dernier, prend la forme de lettres adressées à un jeune prêtre d’aujourd’hui. Le curé de St-Philippe-du-Roule (8e) y confie la nécessité pour le monde aujourd’hui d’avoir « des prêtres qui savent pleurer et qui savent sourire ». Explications alors que ce samedi 25 juin, dix hommes vont être ordonnés prêtres à Paris.
Paris Notre-Dame – Pourquoi sortir ce livre aujourd’hui ?
P. François Potez – Depuis longtemps, des prêtres avec qui je m’entretenais me demandaient d’écrire ce que je pouvais leur dire. J’ai longtemps refusé. Et puis, cette demande m’a habité pendant ma maladie [le P. Potez a eu un cancer il y a quelques années, NDLR]. J’y ai beaucoup pensé sur mon lit d’hôpital. L’idée a mûri et a fini par accoucher pendant ma convalescence. La date de sortie est totalement circonstancielle. Je ne l’ai pas fait pour répondre à un enjeu, j’ai plutôt obéi à une motion intérieure. J’ai choisi la forme épistolaire naturellement. C’est un format qui a trait certes à l’intime mais qui représente bien la façon dont je m’adresse aux personnes. Si les anecdotes que je raconte sont vraies, leur agencement est totalement fictif et le « Benoît » auquel j’écris dans le livre n’existe bien sûr pas.
P. N.-D. – En choisissant cette intimité, cette authenticité, en montrant ses doutes, ses difficultés, le prêtre, sous votre plume, devient un homme avant tout. Était-ce un choix ?
F. P. – Il y a le concept du « sacerdoce ». On parle du prêtre d’un point de vue théologique, on utilise des mots savants. Mais le prêtre est un homme, comme tout le monde. C’est tout l’objet du Journal d’un curé de campagne de Bernanos. Le prêtre qui veut jouer à l’ange, qui se cache derrière une belle chasuble, se casse toujours la figure. Un certain nombre de prêtres aujourd’hui tombent parce qu’ils ont été adulés, parce qu’ils se sont tenus trop loin des fidèles. C’est terrible de penser que le prêtre est intouchable, protégé par son statut. Le sacerdoce est un mystère. Mais c’est un trésor déposé dans des vases d’argile. Autrefois, le prêtre était protégé par une sorte de statut social, la société tenait debout par des repères qui la structuraient : la famille, l’Église, le sacerdoce… Aujourd’hui, plus rien ne tient. Les couples qui ne tiennent pas sur la réalité de l’amour s’effondrent. Le prêtre qui ne tient pas sur la solidité de son humanité, se casse la figure comment tout le monde. Le sacerdoce n’est pas une protection. Le prêtre n’est fait ni de bois ni de gaz éthéré. Le Christ lui-même est un homme. Il pleure avec ceux qui pleurent, est joyeux avec ceux qui sont joyeux. Il est vraiment homme. S’il est célibataire, il n’en est pas moins un être sexué. La foi chrétienne est très corporelle.
P. N.-D. – Ce week-end, dix hommes vont être ordonnés prêtres à Paris. Que voudriez-vous leur dire ?
F. P. – On n’apprend pas à devenir prêtre dans les bouquins, ni même au Séminaire. Être prêtre, c’est d’abord une expérience. Je leur dis à chacun : regarde ton épouse – l’Église – comme elle est belle. Aime-la autant, si ce n’est plus, qu’un homme aime sa femme. N’aie pas peur d’être homme, d’être quelqu’un de fragile, de vulnérable. N’aie pas peur d’être pécheur et laisse-toi aimer. Et aux fidèles, je leur dis : aimez vos prêtres et respectez-les, mais pour ce qu’ils sont. Ils ne sont pas des surhommes. Soyez attentifs à être pour eux une aide et un soutien mais ne les captez pas, ne les retenez pas. Ne les empêchez pas d’être libres.
Propos recueillis par Isabelle Demangeat @LaZaab
La grave allégresse. Être prêtre aujourdʹhui, P. François Potez, éd. Mame, mai 2022, 190 p., 14,90 €.
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