Face au Covid-19, les catholiques rivalisent d’ingéniosité
Paris Notre-Dame du 26 mars 2020
Les mesures de confinement mises en place par l’État ont induit la suppression de toute activité paroissiale. Pas question pour autant pour l’Église catholique de renoncer. Dans les différents quartiers de la capitale, les communautés innovent, en utilisant le plus souvent les nouvelles technologies, pour continuer à apporter le Christ, y compris aux plus fragiles.
La qualité de la vidéo n’est pas optimale. Le son, perfectible. La mise en scène, minimaliste. Mais le résultat arrache un grand rire. Dans une cour d’un immeuble parisien, le P. Antoine de Folleville, curé de St-Germain-des-Prés (6e), fait tourner une roue dessinée sur une feuille de papier disposée sur un tronc d’arbre. La roue est divisée en quatre. Sur trois grosses parties, on peut lire « Sieste, Netflix ou internet ». Et sur la dernière : « prier ». Jouant le rôle d’un présentateur télé, le P. de Folleville fait tourner une clé accrochée au centre de la roue. La logique est implacable : avec la pesanteur, la clé tombe et tombera toujours sur « prier ». Le P. de Folleville, sourire aux lèvres, en tire l’occasion pour appeler les fidèles catholiques à consacrer une partie de ce moment particulier à la prière [1]. Une initiative drôle et intelligente, à l’image de toutes celles qui émergent depuis le 17 mars dernier, date de la mise en place officielle d’un confinement généralisé afin de lutter contre la propagation du virus Covid19 sur le territoire national. Impossible pour les communautés de se retrouver pour l’eucharistie ou toute activité. Alors, les paroisses viennent à elles [2]. Beaucoup, comme St-Jean-Baptiste de Grenelle (15e), ont mis en place la diffusion, en direct, de la messe dominicale. D’autres, comme N.D. de Grâce de Passy (16e), ont misé sur un « contenu personnalisé ». Tous les jours, les prêtres de la paroisse se relaient pour se filmer présentant un « billet d’humeur spirituel ». « L’idée est de développer un thème spirituel lié à la liturgie du jour ou non, explique le curé, le P. William-Jean de Vandière. Et de rester ainsi en lien avec nos fidèles, soutenir les personnes seules chez elles. Leur dire que nous restons une communauté, avec ses joies et ses peines. »
Dans la même idée, la paroisse a commencé à diffuser, toujours en direct via sa chaîne YouTube, les catéchèses ou groupes de prières programmés habituellement la semaine. Dans la même trempe, pour ne pas perdre une pratique paroissiale qui porte toute le quartier, N.D. du Travail (14e) a décidé de maintenir son adoration perpétuelle... à domicile. Non, le Saint-Sacrement ne circule pas dans les différentes maisons. Mais les adorateurs habituels sont invités à garder leur créneau et à le consacrer à la prière, dans leur lieu de vie. « L’adoration existait avant que le Saint-Sacrement ne soit donné aux fidèles par la fondation de l’eucharistie, rappelle le curé de la paroisse, le P. Gabriel Würz. Cette façon, dépouillée, d’adorer, permet de faire mémoire de l’eucharistie que nous avons récemment reçue, de cette prière que nous avons pu vivre devant le Saint-Sacrement. En nous souvenant que le Seigneur saura nous donner par des moyens extraordinaires la grâce qu’il ne peut plus nous donner d’une façon ordinaire », précise-t-il en rapportant les paroles de sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix (Édith Stein) déportée et tuée au camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau (Pologne). Ailleurs, certains prêtres ont décidé d’apporter le Christ dans les rues de leur quartier. C’est le cas de la paroisse de N.D. de la Salette (15e). Plusieurs fois par semaine, après la messe de 19h, le curé, le P. Philippe Mura, sort avec le Saint-Sacrement dans les rues de son territoire pour les bénir. À St-François-Xavier (7e), le curé a décidé de prendre de la hauteur. Jeudi 19 mars dernier, solennité de saint Joseph, Mgr Bruno Lefevre Pontalis est monté sur le toit de son église pour bénir l’ensemble de sa paroisse. « Dieu éternel, tu ne cesses de veiller aux besoins des hommes avec la bonté d’un père, exhortait il, juché sur la têtière. Envoie, nous t’en prions, sur toute cette paroisse, l’abondance de ta bénédiction, donne courage, réconfort, santé, en ce temps de d’épreuve et d’épidémie à tous ceux qui y habitent. Pour qu’en persévérant dans tes commandements, qu’en vivant la foi, l’espérance et la charité et qu’en employant bien le temps présent, ils parviennent un jour à la demeure que tu leur as préparée dans les Cieux. » Prière qui s’étend aujourd’hui à tout Paris, et plus largement encore.
Par Isabelle Demangeat @LaZaab
Des cours en ligne
Le Collège des Bernardins (5e) propose une reprise exceptionnelle de deux MOOC. L’un, conduit par Mgr Matthieu Rougé, évêque de Nanterre (Hauts-de-Seine) et intitulé Les sacrements, cherche à mettre en lumière l’actualité du Christ par les sacrements et l’actualité des sacrements pour le monde d’aujourd’hui. L’autre, dirigé par le P. David Sendrez, professeur à l’École cathédrale et intitulé Une histoire biblique des origines, offre à comprendre pourquoi l’Église catholique interprète le récit d’Adam et Ève en termes de chute et de péché. Ces deux MOOC sont disponibles depuis le 23 mars et proposent un cours par jour jusqu’au Mercredi saint.
Inscriptions et plus d’informations : sinod.fr
Questions à...
« Maintenir l’esprit du Dorothy »
Café associatif créé en 2018, le Dorothy se veut être un lieu d’échange, de créativité, de spiritualité et de solidarité dans le quartier de Ménilmontant (20e). Face au Covid-19, ses membres ont décidé de poursuivre leur mission. Les explications de Foucauld Giuliani, président.
Paris Notre-Dame – Dès le 12 mars, vous publiiez un tract et le diffusiez pour organiser une chaîne de solidarité dans le quartier de Ménilmontant (20e). Quel était votre objectif ?
Foucauld Giuliani – En voyant la crise et le confinement arriver, nous avons en effet réfléchi sur l’utilité d’un lieu comme le Dorothy. Peu à peu, nous avons décidé de profiter de cette période de confinement pour vivre une communion avec ceux qui vivent dans des conditions difficiles. C’est ainsi que nous avons mis sur pieds un réseau de solidarité. L’idée est très simple. Nous proposons deux services : appeler les personnes pour assurer une présence ou proposer à ceux qui ne peuvent plus du tout se déplacer (personnes de plus de 70 ans ou ayant des facteurs aggravants) de faire leurs courses à leur place. Nous nous sommes répartis la zone géographique de notre quartier en cinq mini pôles – un pôle regroupe 4-5 rues. Equipés de masques qui nous ont été donnés par une association de quartier, nous déposons les courses sur le palier des personnes. Vingt personnes affiliées au Dorothy sont aujourd’hui mobilisées.
P. N.-D. – Combien de personnes
se sont manifestées pour bénéficier de ce service ?
F. G. – Si nous avons distribué énormément de tracts (voir visuel ci-contre, NDLR) et déposé un grand nombre d’affiches dans le quartier, nous avons eu, pour l’instant, très peu de demandes. Dans ma zone par exemple, une personne s’est manifestée pour recevoir des appels ; une autre, pour ses courses. Cette situation peut bien sûr évoluer dans les jours à venir. Avec le temps, d’autres besoins vont également apparaître. Il nous semble donc pertinent de rester disponibles et souples face à d’éventuelles autres demandes. Nous envisageons ainsi d’ouvrir les portes du Dorothy pour héberger des personnes qui en auraient besoin. Nous désirons avant tout maintenir l’esprit du Dorothy et le tissu social qui y existe.
Propos recueillis par Isabelle Demangeat @LaZaab
[1] Désormais, les prêtres proposent une catéchèse sur les décors peints à l’intérieur de l’église.
[2] Toutes les initiatives sur https://dioceseparis.fr
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