Fin de vie : « le choix de la solidarité jusqu’au bout »

Paris Notre-Dame du 29 septembre 2022

Le 13 septembre, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) s’est de nouveau prononcé sur les questions de fin de vie, estimant, pour la première fois, qu’« il existe une voie pour une application éthique d’une aide active à mourir ». Entretien avec le P. Brice de Malherbe, président de la Faculté Notre-Dame.

Le P. Brice de Malherbe est président de la Faculté Notre-Dame.
© Charlotte Reynaud

Paris Notre-Dame – Comment analysez-vous ce nouvel avis du CCNE ?

P. Brice de Malherbe – Sur le volet des soins palliatifs, on a vraiment l’impression qu’il s’agit de vœux pieux qui touchent, en plus, des points marginaux du soin lui-même, à savoir la question des directives anticipées, la décision collégiale ou encore la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Ce sont, bien entendu, des questions très importantes mais elles ne représentent qu’une partie du soin palliatif. Enfin, et surtout, l’avis assume une rupture éthique dans la mesure où il envisage la possibilité de demander à des soignants de donner la mort à quelqu’un qui la réclamerait.

P. N.-D. – L’euthanasie, de fait, existe. Qu’est-ce que la promulgation d’une loi l’autorisant changerait ?

B. M. – Il y a toujours des situations exceptionnelles. Mais faut-il rompre cette alliance entre soignants et patients qui repose sur ce sous-entendu « tu ne m’abandonneras pas, tu ne me donneras pas la mort » ? Face à des souffrances exprimées, souhaitons-nous encourager le maintien d’un lien d’humanité ou enfermer les personnes dans une voie sans issue qui est celle, pour ce monde-ci, de la mort ? Au-delà du bouleversement dans l’exercice de la médecine, la légalisation de l’euthanasie entraînerait aussi un basculement anthropologique. Dire que, dans certains cas, la mort peut être donnée oblige les plus vulnérables à se poser cette question : « Suis-je un poids pour la société ? Ma famille ? » On constate, dans les pays où l’euthanasie est légale, un caractère amplificateur. Des personnes se sont crues obligées de demander la mort. On voit, aussi, un impact très restrictif sur la pratique des soins palliatifs et l’incapacité d’un contrôle effectif du respect de la législation. L’enjeu, c’est de maintenir un lien d’humanité derrière certains cris de souffrance, qu’il ne faut pas, par ailleurs, majorer. L’avis s’appuie sur une étude [1] qui indique que 3 % des patients ont formulé une demande d’euthanasie. Après dialogue avec le corps médical et une meilleure prise en charge de leurs souffrances, ils ne sont plus que 0,3 % à réitérer leur demande.

P. N.-D. – Le gouvernement reçoit les différents représentants des religions sur ce sujet. Qu’en attendez-vous ?

B. M. – Nous demandons à être convaincus que le débat sera réel, et non pas une manière déguisée d’acter des choses déjà décidées… Le président de la République a dit qu’il voulait un grand débat démocratique, tout en précisant, dans le même temps, son souhait d’un système similaire à celui des Belges, ce qui revient à donner une ligne avant même d’entendre les citoyens. Tous les cinq ans, depuis 2005, il y a un nouveau projet de loi. Qu’est- ce qui justifie une telle récurrence, alors même qu’il n’y a pas de véritable bilan de la législation actuelle et que le plan de développement des soins palliatifs, décidé en 2016, a pris beaucoup de retard ? Plusieurs choses m’interpellent à la veille de ce débat, comme, par exemple, la tentation de se limiter à une loi de l’offre et de la demande, ou d’en rester à l’affectif. Faire entendre la raison devient difficile.

P. N.-D. – Quel message peut-on porter, comme catholique, dans ce débat ?

B. M. – Nous savons que le Christ n’est absent d’aucune souffrance et qu’il ne s’est pas arrêté à la porte du tombeau. Pour nous aussi, la mort est source d’angoisse, mais nous vivons dans la certitude que le Christ nous accompagne pour traverser les épreuves de la souffrance et de la mort. Ce témoignage de chrétien renforce notre message de citoyen, qui est celui de faire le choix de la solidarité jusqu’au bout.

Propos recueillis par Charlotte Reynaud

[1Death wishes and explicit requests for euthanasia in a palliative care hospital : an analysis of patients files, Guirimand, Dubois, Laporte, Richard et Leboul, BMC Palliative Care 13, 53 (2014). https://doi.org/10.1186/1472-684X-13-53

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