« Appeler “loi de fraternité” un texte qui ouvre le suicide assisté et l’euthanasie est une tromperie »
La Croix - 11 mars 2024
Entretien donné par Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, au journal La Croix en réaction à l’annonce faite par Emmanuel Macron du projet de loi sur la fin de vie qui sera débattu avant cet été 2024.
Quelques jours seulement après l’inscription du droit à l’interruption volontaire de grossesse dans la constitution, ce texte sur la fin de vie touche une nouvelle fois à une question éthique : comment réagissez-vous, êtes-vous inquiet de ces évolutions ?
Mgr Eric de Moulins-Beaufort : Notre pays devrait être, depuis la loi Claeys-Léonetti, un pays en pointe sur les soins palliatifs. Or, dans son entretien à La Croix, le président de la République présente un texte tout ficelé sur ce qu’il appelle « l’aide à mourir » mais, sur les soins palliatifs, de vagues promesses avec un chiffrage tout à fait approximatif. C’est l’équilibre exactement inverse de ce que Mme Vautrin m’avait décrit mercredi matin.
Ce qui est annoncé ne conduit pas notre pays vers plus de vie, mais vers la mort comme solution à la vie. Je l’ai dit comme beaucoup d’autres et je le redis : les Français n’envisageraient pas de la même manière la fin de vie si les soins palliatifs étaient chez nous une réalité pour tous partout, comme le voulait la loi dès 1999. Ces derniers temps, non seulement rien n’a été fait pour apporter des soins palliatifs là où il n’y en a pas mais les moyens de plusieurs services existants ont été réduits encore. C’est cela la vérité.
Vous avez rencontré le président de la République à plusieurs reprises, notamment sur ce sujet de la fin de vie : retrouvez-vous dans ce texte ce que vous avez pu lui dire ?
Mgr E. M.-B. : Le président a annoncé depuis longtemps ne pas vouloir brusquer les esprits sur les sujets sociétaux. Il a reçu beaucoup de personnes, y compris les responsables de culte, c’est indéniable. Mais il est habile aussi. Il parvient à reprendre et à approprier au texte annoncé notre grand point d’insistance qui est la fraternité. Appeler « loi de fraternité » un texte qui ouvre à la fois le suicide assisté et l’euthanasie est une tromperie. Une telle loi, quoi qu’on veuille, infléchira tout notre système de santé vers la mort comme solution.
Dans l’interview accordée à La Croix, Emmanuel Macron ne parle ni d’euthanasie, ni de suicide assisté mais d’aide à mourir. Quelle est votre première réaction ?
Mgr E. M.-B. : C’est de la rhétorique. En réalité, le texte ouvre la voie aux deux possibilités en même temps. Nous, évêques, demandons que la société aide à vivre et à vivre jusqu’au bout, jusqu’à la mort. Ce qui aide à mourir de manière pleinement humaine, ce n’est pas un produit létal, c’est l’affection, la considération, l’attention.(...)
Propos recueillis par Christophe Henning
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