Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Notre-Dame de la Salette pour la clôture du Jubilé du 150e anniversaire de la mort du vénérable Jean-Léon Le Prevost fondateur des Religieux de Saint-Vincent de Paul et fête de la dédicace de l’église Notre-Dame de la Salette

Samedi 15 novembre 2025 - Notre-Dame de la Salette (15e)

- 1 R 8, 22-23.27-30 ; Ps 83 ; 1 P 2, 4-9 ; Mt 16, 13-19

C’est un beau jour pour nous, pour vous, de célébrer l’anniversaire de la dédicace de cette église. Nous avons, dimanche dernier, fêté la dédicace de la cathédrale de Rome, de Saint-Jean de Latran, et c’était un autre moment de grande joie, pour tous, d’accueillir cette nouvelle que, dans l’église, l’église de pierre, se réunit l’Église des hommes pour que soit annoncé l’Évangile du Salut, pour « Que de toutes manières le Christ soit annoncé », comme l’exprime la devise de la congrégation des Religieux de Saint-Vincent de Paul.

Quel est ce mystère qui rapproche l’église de pierre, le temple, et l’Église des hommes que nous formons ? Nous le comprenons à la première lecture, dans le Livre des Rois. Salomon a achevé la construction du Temple de Jérusalem ; Salomon dans sa grandeur et sa magnificence a fait une maison pour Dieu, une maison pour que le peuple de Dieu puisse trouver, au milieu de lui, la présence de Dieu et la voir toujours manifestée. Mais Salomon sait très bien que ce qu’il a construit et que le Seigneur lui a inspiré de construire, ce n’est la demeure de Dieu que par image d’une certaine façon. Il ne se fait pas d’illusion, il sait que cette maison n’est qu’un reflet de la présence de Dieu au milieu des hommes. Il le dit avec quelque chose qui peut ressembler à de l’humour : « Je t’ai construit une grande maison mais comment peux-tu habiter dans une maison ? Tu dépasses largement tous les murs de toutes les maisons. » Comment est-il possible de penser que Dieu habite sur la terre ? Il est là-haut, aux cieux, et pourtant ce que nous pensons, ce que nous croyons, c’est que Dieu habite aussi sur Terre, et nous le verrons ensuite par l’incarnation du Fils de Dieu, dont nous fêtons toute cette année le jubilé 2025 ans après sa venue. Le Seigneur auquel nous croyons, le Dieu dans lequel nous mettons notre confiance, ce Père « qui est aux Cieux » comme nous le disons dans notre prière, il est aussi parmi nous sur la Terre et il se laisse percevoir à travers les églises qui ne peuvent pas le contenir mais qui en sont le signe pour nous et pour tous, nous l’espérons.

Et, bien sûr, le psaume, auquel nous avons participé par notre chant, le dit encore d’une autre façon : « Qu’elles sont aimées tes demeures, Seigneur. » Et les demeures de Dieu sur la Terre, elles sont évidemment partout, en tout lieu que le Seigneur se trouve. Ce que nous avons construit, y compris ici, c’est pour manifester que nous croyons qu’il est non seulement ici mais aussi ailleurs, et aussi dans d’autres lieux, dans d’autres occasions de rencontre des hommes. Et voilà pourquoi nous comprenons que ce qui se passe c’est bien une transformation : le temple de Dieu c’est l’homme lui-même, et c’est le Christ d’abord. Qui est-il ? Il le demande à ses disciples : « Pour vous qui suis-je ? » Et Jésus écoute la parole de ceux qui l’entourent, qui d’abord le comparent à un prophète et qui ensuite perçoivent qu’il est le Christ, le Fils du Dieu vivant. Par la bouche de Pierre, ils comprennent que le vrai temple, le vrai temple de Dieu au milieu des hommes, c’est cet homme-là, le Fils de Dieu devenu homme au milieu de nous pour venir nous chercher, nous prendre par la main, nous sauver et nous conduire jusqu’à son Père. Comme le rappelle la lettre de saint Pierre dont nous avons lu un extrait en deuxième lecture, l’humanité même devient un signe de Dieu pour l’humanité. Les hommes deviennent les uns pour les autres, par la grâce du Christ, ces signes-mêmes de Dieu au milieu d’eux, qu’il faut respecter. Si nous croyons à ce respect profond de la vie des autres, ce respect inconditionnel de la vie des pauvres de Dieu, de la vie des hommes et des femmes que nous sommes, de la vie des personnes les plus fragiles, c’est parce que nous croyons bien que Dieu s’est choisi en nous une demeure. Il est venu le montrer de façon définitive en Jésus pour que, nous-mêmes, nous devenions des signes de Lui à notre tour. Nous habitons la maison de Dieu, il habite en nous et il nous invite, comme le disait l’apôtre Pierre, à être des participants aux constructions spirituelles dont il est nécessaire que nous soyons en permanence des témoins.

Alors, nous comprenons ce mystère de Dieu fait homme, ce mystère de Dieu venu au milieu des hommes et nous choisissant comme de vrais signes, mais des signes capables de se rassembler dans une maison de pierre, dans une maison de béton, dans une maison de bois… peu importe ! Nous sommes devenus par la grâce du Christ des témoins et des temples de Dieu Lui-même, devant nous respecter les uns les autres, devant promouvoir la vie que Dieu nous a donnée avec une attention particulière et sans condition, sans regarder la condition de ceux qui sont porteurs de son amour.

C’est pour cela que Dieu Lui-même, le Christ, par sa grâce, nous envoie régulièrement des témoins particulièrement choisis, comme Jean-Léon Le Prevost, comme Henri Planchat dont nous avons célébré il y a deux ans la béatification : des hommes, des femmes, qui nous disent combien Dieu lui-même a été présent à leur vie, qui ont été des signes si vivants de sa présence, de son amour, de sa miséricorde et de son désir de sauver tout homme. Ce n’est pas la peine que je redise ce que vous savez, ce que vous avez déjà entendu de ce fondateur tout au long de l’année qui a été un autre jubilé dans le jubilé de l’Incarnation. Vous le savez, il a été un vrai signe de l’amour de tous à travers l’amour des plus pauvres, à travers l’amour des enfants et des plus jeunes et, il faut le dire aujourd’hui, à travers l’amour et les fondations de votre congrégation dans plusieurs parties du monde, dans plusieurs pays au monde. Il montre qu’il est nécessaire de vivre de cette façon, de répondre aux détresses humaines rencontrées sur le chemin de la vie des témoins du Christ. Il est nécessaire de montrer non seulement que les pauvres ont besoin d’une présence, d’une amitié, d’une fraternité, d’une assistance, mais qu’ils ont surtout besoin d’être respectés comme étant eux-mêmes porteurs d’une dimension spirituelle, comme étant eux-mêmes à la recherche de Dieu dans leur propre vie, comme étant eux-mêmes des personnes capables de porter la recherche du Seigneur et l’amour inconditionnel des autres.

J’aime beaucoup citer cette phrase que le pape François nous a donnée dans sa première exhortation apostolique La joie de l’Évangile : « La plus grande discrimination dont souffrent les pauvres est le manque d’attention spirituelle. » Être capable de vivre avec eux, proche d’eux, avec amour pour eux, c’est leur montrer qu’ils sont revêtus autant que nous d’une grande capacité à découvrir Dieu et à être porteurs de sa propre lumière. Voilà ce que nous retenons de tout ce qui nous est donné de vivre, d’entendre, de voir, à travers la figure de ceux qui ont été honorés par le Seigneur, qui sont portés devant le Seigneur comme des vénérables, des bienheureux et des saints. Ils nous montrent ce chemin sur lequel nous nous découvrons nous-mêmes temples du Seigneur et nous découvrons les autres comme d’autres lumières qui jalonnent le chemin vers le Père.

Que ce soit la grâce de cette année jubilaire vécue dans cette paroisse et dans tous les lieux où sont présents les frères et les pères religieux de Saint-Vincent de Paul ; que ce soit la grâce de ce jubilé de l’Incarnation dans lequel nous sommes encore bien présents ; que ce soit la grâce de cette journée, de ce dimanche, Journée Mondiale des Pauvres que le pape François a instituée il y a presque dix ans ; que ce soit la grâce de ce rassemblement qui, aujourd’hui, hier et demain, à Rome, a mis en œuvre cette dimension profondément spirituelle de la vie des plus pauvres, le rassemblement appelé « Fratello ». De nombreuses personnes de notre diocèse de Paris y sont pour manifester, dans l’Église universelle réunie à Rome, cette dimension si profonde de l’annonce de l’Évangile, non seulement par une charité vécue mais par une charité qui révèle le visage du Christ.

Que le Seigneur nous soit en aide pour que jamais nous n’oubliions qu’il y a dans tout homme cette lumière que Dieu a mise en lui, que nous la protégions, que nous la rendions de plus en plus visible.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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