« Il y a urgence à en finir avec dix siècles de division »
Paris Notre-Dame du 20 janvier 2022
La semaine de prière pour l’unité des chrétiens se tient du 18 au 25 janvier et a pour thème : « Nous avons vu son astre à l’Orient et nous sommes venus lui rendre hommage » (Mt 2, 2). Le P. Serge Sollogoub, recteur de la paroisse St-Jean-le-Théologien, à Meudon, et délégué régional à l’œcuménisme, nous éclaire sur le choix et la portée de ce thème.
Paris Notre-Dame – Que vous inspire le choix du thème et cette évocation des Rois mages ?
P. Serge Sollogoub – C’est une très belle image pour des chrétiens en recherche d’unité. On doit se faire comme ces mages qui restent centrés sur l’essentiel, voient les signes, se mettent en marche et finissent par trouver le Christ, qui est le centre de nos vies. L’unité, c’est le Christ qui nous la donne car c’est Lui qui nous réunit. L’unité entre chrétiens ne se trouvera pas en négociant des accords, en mettant en valeur ce qui nous rapproche et en dissimulant ce qui peut nous heurter, mais bien en restant centrés sur l’essentiel, sur le cœur de notre foi : le Christ. Ce thème fait d’ailleurs particulièrement écho à la liturgie orthodoxe. Dans la première partie de la liturgie eucharistique, qui se déroule à l’abri des regards derrière l’iconostase, le célébrant prépare le pain et le vin qui seront consacrés. Nous communions à un pain levé, découpé en petits cubes et déposé sur une patène (diskos, ndlr), recouverte d’un voile. Et pour que le voile ne touche pas le pain, on le maintient avec une sorte de petit chapiteau de deux bandes de métal recourbé qui forment une étoile, qu’on appelle astérisque. En le plaçant sur la patène, le célébrant prononce ce verset : « L’étoile, étant arrivée au-dessus du lieu où était le petit enfant, s’arrêta » (Mt 2, 9). Pour nous, orthodoxes, l’étoile est le signe de là où est le corps du Christ. Le thème choisi met cet accent sur le sens profond de notre recherche œcuménique : communier tous ensemble au corps et au sang du Christ.
P. N.-D. – Nous devons agir comme les mages selon vous. Quelles seraient nos étoiles en 2022 ?
S. S. – Je dirais qu’il y a des milliers d’étoiles, des gens qui donnent leur vie au nom du Christ pour servir le prochain, le plus faible : des personnes, des associations, des mouvements d’Église… Autant d’étoiles qui nous montrent le chemin, parce qu’ils sont témoins, acteurs, signes et qu’ils nous encouragent à nous mettre en route à notre tour.
P. N.-D. – Le thème de cette année a été choisi par le Conseil des Églises du Moyen-Orient. Que nous disent les chrétiens d’Orient ?
S. S. – Les chrétiens d’Orient sont, toujours aujourd’hui, persécutés et martyrisés au nom de leur foi. En Orient, la communauté chrétienne est divisée en une multitude d’Églises. On peut voir, dans les conditions tragiques que vivent les chrétiens d’Orient, combien l’unité est indispensable pour tous les chrétiens. Ils nous montrent le côté tragique de leur faiblesse, même si de la faiblesse jaillit la force de Dieu, selon les écrits de Paul. Ils montrent au monde combien il y a urgence à en finir avec dix siècles de division.
P. N.-D. – Les mages ont fait un long voyage pour pouvoir adorer l’enfant Jésus, la Tradition évoque la durée de deux ans. Au retour, ils sont repartis par un autre chemin. Que doit nous inspirer cette longue route ?
S. S. – Le chemin de l’unité dure depuis plus de deux ans malheureusement ! La route est longue, mais nous ne nous décourageons pas. Il faut, nous aussi, accepter de nous déplacer, ou plutôt de déplacer nos centres, nos préoccupations. Il ne s’agit pas de défendre nos traditions, nos habitudes, nos manières de faire de la théologie, mais de se recentrer sur le Christ et d’accepter de retourner par un autre chemin. Ce retournement, radical, c’est la métanoïa, la conversion vers le Christ, qui sera possible en sortant des sentiers battus et en invoquant cette unité par la prière, car l’unité entre chrétiens sera un don de Dieu, ce qui nous permet de l’espérer. Je suis intimement persuadé que cette unité arrivera plus vite que l’on croit ; il nous faut donc préparer et convertir nos cœurs pour être prêts à l’accepter le jour venu.
Propos recueillis par Charlotte Reynaud
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