Installation du tribunal pénal canonique national : une première mondiale

Paris Notre-Dame du 15 décembre 2022

Ambroise Laurent, secrétaire général adjoint en charge des affaires économiques sociales et juridiques de la Conférence des évêques de France (CEF), fait partie des personnes ayant participé à la création du nouveau tribunal pénal canonique national (TPCN) installé le 5 décembre dernier. Rencontre.

Propos recueillis par Mathilde Rambaud

Notre-Dame – D’après le communiqué de la CEF, l’installation d’un tel tribunal est « inédite ». Pourquoi l’Église de France a fait ce choix ? Est-ce pour suivre la recommandation 40 de la Ciase ?

Ambroise Laurent, secrétaire général adjoint en charge des affaires économiques sociales et juridiques au sein de la Conférence des évêques de France (CEF).
© Guillaume Poli

Ambroise Laurent – En réalité, dans sa recommandation 40, la Ciase reprend une décision déjà actée par la Conférence des évêques de France (CEF) dès le mois de mars 2021 – et qui avait été présentée à la Ciase – à savoir la création d’un tribunal pénal canonique national (TPCN) ; elle y ajoute cependant des recommandations, à savoir que ce tribunal soit professionnel, indépendant, collégial et autonome, comprenne des laïcs et soit constitué sans délai. La première raison qui a motivé les évêques français était la trop faible pratique du droit pénal et la dispersion des compétences. Jusqu’au 5 décembre, date de l’installation du tribunal, les affaires pénales étaient jugées par les « officialités », c’est-à-dire les tribunaux diocésains ou interdiocésains, dont le gros des affaires concerne le droit matrimonial. Ces affaires pénales étaient confiées à des tribunaux qui n’avaient pas une pratique du droit pénal importante (à cause du faible nombre de cas) et pas beaucoup de jurisprudence disponible non plus : ce n’était pas les conditions idéales d’exercice de la justice pénale. Un premier objectif est d’avoir un tribunal unique, saisi de toutes les affaires, et qui peut avoir en son sein d’une part les compétences spécialisées, et de l’autre la jurisprudence suffisante, ce qui permet d’avoir une cohérence de jugement. Par ailleurs, la dimension collégiale est également garantie, puisque toute affaire sera jugée par un collège de trois juges, constitué de clercs et de laïcs. En revanche, le TPCN ne vient remplacer les officialités qu’en matière pénale, en dehors des affaires en cours avant le 5 décembre. Cela signifie que ce qui relève du matrimonial reste à la charge des tribunaux diocésains.

P. N.-D. – Qui compose le TPCN ?

A. L. – Les treize juges nommés par la CEF sont tous docteurs ou a minima licenciés en droit canonique, et ont, pour la plupart, des compétences en droit étatique. Ils ont été amenés à traiter des affaires de justice canonique et parfois des affaires pénales. Le TPCN compte un vicaire judiciaire et ses deux adjoints, un promoteur de justice et ses deux adjoints et sept juges ; il est composé de clercs mais également de cinq laïcs dont quatre femmes.

P. N.-D. – Quels sont les dossiers que le TPCN sera amené à traiter ?

A. L. – Tout fait commis par un catholique, qu’il soit laïc, prêtre ou religieux, dans le cadre de crimes et délits relevant du droit canonique, pourra être jugé par le TPCN. Cela signifie qu’il sera amené à juger des délits financiers, les manquements à l’état clérical et religieux, les abus d’autorité ou encore les atteintes sexuelles sur personnes majeures. Les « délits réservés » (dits delicta graviora), à savoir les délits contre la foi et les sacrements, les abus sexuels sur mineurs ou encore les affaires impliquant des évêques, continueront d’être traités par la Congrégation de la doctrine de la foi, à Rome. Le Vatican pourra cependant choisir de renvoyer certains dossiers vers le TPCN. Ce dernier jugera en totale autonomie, tant vis-à-vis des diocèses que du Saint-Siège, même si l’instance d’appel se tiendra à Rome.

P. N.-D. – Qui peut le saisir ?

A. L. – Le TPCN peut être saisi par Rome ou un évêque français mais tout laïc peut écrire au promoteur de justice, l’équivalent du procureur en justice étatique, afin de signaler des faits qu’il estime répréhensibles. Cela introduit une innovation supplé¬mentaire forte, en plus de celle du dépaysement. Les affaires ne sont plus traitées dans le diocèse d’origine, ce qui pouvait laisser à penser que l’évêque était à la fois juge et partie, même s’il déléguait à son vicaire judiciaire. Désormais les dossiers ne seront plus traités localement.

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