« Le chemin de conversion ne peut être fait qu’ensemble »
Paris Notre-Dame du 7 mars 2019
Un sommet sur la protection des mineurs s’est tenu, au Vatican, du 21 au 24 février. Réunissant les présidents des conférences épiscopales du monde entier, il avait pour but de réfléchir sur de meilleures prévention et gestion des abus sexuels sur mineurs commis au sein de l’Église. Quelles conséquences pour Paris ? Le regard de Mgr Thibault Verny, évêque auxiliaire de Paris en charge de la coordination de la lutte contre les abus.
Paris Notre-Dame – Que signifie une telle rencontre selon vous ?
Mgr Thibault Verny – Cette rencontre, une première, manifeste que le corps entier de l’Église se saisit du fléau des abus sexuels sur mineurs. Elle devrait permettre d’unifier les procédures et mesures de protection. Il est important que toutes les conférences épiscopales agissent de concert. C’est ce que dit notamment le pape dans son discours de clôture [1] tout en mettant en garde contre deux extrêmes : le justicialisme et l’autodéfense. Pour un responsable, il s’agit de faire cohabiter le principe de prudence vis-à-vis de potentielles victimes et la présomption d’innocence. Par le passé, l’institution ecclésiale a souvent géré les situations d’abus en interne, pour ne pas faire de bruit, par peur du scandale ou par manque de conscience des traumatismes provoqués chez les victimes. Aujourd’hui, lors d’un signalement d’un fait ancien ou récent, le processus est clairement défini. L’Église a conscience qu’elle ne peut pas gérer seule ces situations : l’obligation de signalement à la justice est, en ce sens, salutaire tout comme l’aide d’équipes de laïcs et prêtres compétents.
Trois mesures ont été annoncées par le P. Federico Lombardi, coordinateur du sommet : un motu proprio sur la protection des mineurs et des personnes vulnérables, un vadémécum et des task forces [groupes de travail, NDLR]. Elles viennent conforter le travail de fond que fait l’Église de France depuis plusieurs années, soutenir les pays qui sont moins avancés dans ce travail et seront, sans nul doute, suivies d’autres mesures.
P. N.-D. – Beaucoup d’évêques, lors de ce sommet, ont fait part d’une prise de conscience à l’écoute de témoignages de victimes. Comment impliquer davantage les victimes dans cette lutte ?
T. V. – Combien j’ai été marqué par les victimes que nous recevons à Paris – pour des faits concernant notre diocèse ou d’autres régions, des prêtres diocésains ou des religieux, des familles même... Avec une colère légitime, elles témoignent, non par esprit de vengeance, mais par désir d’objectiver les faits, de protéger d’autres victimes potentielles et de faire évoluer l’Église. Le film de François Ozon, Grâce à Dieu, permet, à ce titre, de toucher du doigt ce qu’elles vivent. Ce chemin de conversion et de reconstruction ne peut être fait qu’ensemble : évêques, prêtres, laïcs, fidèles, et victimes. Mais on ne peut pas brusquer les choses : certaines victimes sont en rupture avec l’Église ; d’autres, au début de leur chemin de reconstruction...
P. N.-D. – Dans ce travail, la lutte contre le cléricalisme et la nécessité d’une communication plus transparente ont été soulevées. Où en sommes-nous à Paris ?
T. V. – La lutte contre le cléricalisme est chère à notre archevêque.
Pour ce qui est de la communication, je resterai humble. Un prêtre est une personne publique et a vite fait de se retrouver sur le devant de la scène médiatique de façon juste ou injuste et démesurée. Mais quand Dieu dénonce le péché, c’est pour montrer au peuple un chemin de conversion et de vie. Il ne faut pas avoir peur de percer l’abcès jusqu’au bout. Ce n’est qu’à ce prix, douloureux, que pourra se reconstruire la confiance et la crédibilité de l’annonce de la Bonne Nouvelle et de l’Église.
Propos recueillis par Isabelle Demangeat
– Voir le dossier Protection des plus fragiles
[1] Disponible sur vatican.va
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